2 juillet 2009
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VIE SOCIALE SOUS LEXOMIL
On a tous un peu de « Kevtch » en nous sans le savoir. Certains sont même plus doués que d’autres pour cela. Kevtch, mais késako me direz-vous ? Issu du yiddish, Kvetch se traduit par « râler », « se plaindre » avec une insistance marquée, attitude centrale des personnages de cette pièce de Steven Berkoff crée en 1986. Ping-pong verbal, culpabilité, imbécilité des apparences sociales, ce dîner de cons sous antidépresseur sait faire tomber les masques derrière leurs pensées intérieures. Un moment de drôlerie en compagnie de personnages décalés.
Un dîner de cons sous prozac. Frank (grand angoissé) et Donna (grande angoissée) ne s’aiment plus comme avant. Pour tromper l’ennui, ils invitent Hal (très grand angoissé) à dîner. Georges (rongé d‘angoisses), patron de Frank et amoureux de Donna, vient rapidement compléter ce quatuor déjanté.
D’emblée les personnages divisent leur discours en deux. Celui que l’on fait à autrui : complaisant et plein de tact, le tout avec le sourire. Et celui que l’on se fait à soi-même : plein d’angoisse et de culpabilité, « Oh là, là, pourvu qu’il réponde un truc intéressant, ch’sais pas quoi dire ensuite ! Une idée, vite ! ». Et de se laisser étouffer par le regard de l’autre, c'est-à-dire celui de la société. Ainsi, chaque monologue neuroleptique des personnages devient l’élément central tandis que les autres convives restent figés en pleine action, comme un arrêt sur images façon série télé. Que les personnages boivent, mangent où s’apprêtent à parler, ce jeu de scène leur donne des mines irrésistibles. Tel un instantané raté de votre tata Suzanne en train se s’empiffrer un chou à la crème.
C’est donc un véritable jeu de ping-pong qui s’installe, chacun renvoyant la balle à l’autre, son angoisse à l’autre, tous soucieux de préserver les apparences si trompeuses d’un bonheur en vitrine.
Bien sûr le comique rappelle ces dîners demi-mondains obligatoires que nous avons tous subit un jour. Un de ces dîners auquel on aurait aimé échapper, au bœuf bourguignon de la femme de votre patron que vous reprendrez par pure politesse, un de ces dîners où la conversation avance dans du béton à prise rapide, l’ange menaçant dangereusement de s’attarder à tout moment.
Kvetch alors !
Kevtch, c’est aussi la culpabilité, spécialité universelle depuis l’Ancien Testament. Tous les personnages se sentent en porte-à-faux avec leurs désirs réels et le moule de la société qui regarde, juge et condamne ce qui sort du cadre. L’épouse qui n’ose pas quitter son mari, l’ami célibataire à la soi-disant formidable vie de bâton de chaise mais qui est seul comme un chien le soir, l’époux viril qui tente de ne pas voir une attirance inavouable… Petit à petit, les personnages se révèlent. Leur détresse nous touche. De parfaits imbéciles heureux au look ringard formidablement travaillé (mention spéciale aux chemises col pelle à tarte), ils deviennent humains et fragiles. Oseront-ils briser ce qui les entrave ? Sacrifieront-ils le bonheur au profit des compromissions ? Pour le savoir, courez vite voir ce petit bijou d’humour et de subtilité joué par des marathoniens du verbe.
Kvetch, écrit par Steven Berkoff.
Mis en scène par Ludovic Pacot-Grivel
Avec :Yann de Monterno, Renaud Benoit, Charlotte Laemmel, Serge da Silva.
A l’affiche Jusqu'au 5 Septembre 2009 au Théâtre Lucernaire (les mardi, mercredi jeudi, vendredi et samedi à 20h).
Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris.
Métro : Notre-Dame des Champs ou Montparnasse Bienvenue.
Réservation et renseignements au 01 42 22 26 50 ou sur www.lucernaire.fr
On a tous un peu de « Kevtch » en nous sans le savoir. Certains sont même plus doués que d’autres pour cela. Kevtch, mais késako me direz-vous ? Issu du yiddish, Kvetch se traduit par « râler », « se plaindre » avec une insistance marquée, attitude centrale des personnages de cette pièce de Steven Berkoff crée en 1986. Ping-pong verbal, culpabilité, imbécilité des apparences sociales, ce dîner de cons sous antidépresseur sait faire tomber les masques derrière leurs pensées intérieures. Un moment de drôlerie en compagnie de personnages décalés.
Un dîner de cons sous prozac. Frank (grand angoissé) et Donna (grande angoissée) ne s’aiment plus comme avant. Pour tromper l’ennui, ils invitent Hal (très grand angoissé) à dîner. Georges (rongé d‘angoisses), patron de Frank et amoureux de Donna, vient rapidement compléter ce quatuor déjanté.
D’emblée les personnages divisent leur discours en deux. Celui que l’on fait à autrui : complaisant et plein de tact, le tout avec le sourire. Et celui que l’on se fait à soi-même : plein d’angoisse et de culpabilité, « Oh là, là, pourvu qu’il réponde un truc intéressant, ch’sais pas quoi dire ensuite ! Une idée, vite ! ». Et de se laisser étouffer par le regard de l’autre, c'est-à-dire celui de la société. Ainsi, chaque monologue neuroleptique des personnages devient l’élément central tandis que les autres convives restent figés en pleine action, comme un arrêt sur images façon série télé. Que les personnages boivent, mangent où s’apprêtent à parler, ce jeu de scène leur donne des mines irrésistibles. Tel un instantané raté de votre tata Suzanne en train se s’empiffrer un chou à la crème.
C’est donc un véritable jeu de ping-pong qui s’installe, chacun renvoyant la balle à l’autre, son angoisse à l’autre, tous soucieux de préserver les apparences si trompeuses d’un bonheur en vitrine.
Bien sûr le comique rappelle ces dîners demi-mondains obligatoires que nous avons tous subit un jour. Un de ces dîners auquel on aurait aimé échapper, au bœuf bourguignon de la femme de votre patron que vous reprendrez par pure politesse, un de ces dîners où la conversation avance dans du béton à prise rapide, l’ange menaçant dangereusement de s’attarder à tout moment.
Kvetch alors !
Kevtch, c’est aussi la culpabilité, spécialité universelle depuis l’Ancien Testament. Tous les personnages se sentent en porte-à-faux avec leurs désirs réels et le moule de la société qui regarde, juge et condamne ce qui sort du cadre. L’épouse qui n’ose pas quitter son mari, l’ami célibataire à la soi-disant formidable vie de bâton de chaise mais qui est seul comme un chien le soir, l’époux viril qui tente de ne pas voir une attirance inavouable… Petit à petit, les personnages se révèlent. Leur détresse nous touche. De parfaits imbéciles heureux au look ringard formidablement travaillé (mention spéciale aux chemises col pelle à tarte), ils deviennent humains et fragiles. Oseront-ils briser ce qui les entrave ? Sacrifieront-ils le bonheur au profit des compromissions ? Pour le savoir, courez vite voir ce petit bijou d’humour et de subtilité joué par des marathoniens du verbe.
Marie-Pierre CREON (Paris)
Kvetch, écrit par Steven Berkoff.
Mis en scène par Ludovic Pacot-Grivel
Avec :Yann de Monterno, Renaud Benoit, Charlotte Laemmel, Serge da Silva.
A l’affiche Jusqu'au 5 Septembre 2009 au Théâtre Lucernaire (les mardi, mercredi jeudi, vendredi et samedi à 20h).
Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris.
Métro : Notre-Dame des Champs ou Montparnasse Bienvenue.
Réservation et renseignements au 01 42 22 26 50 ou sur www.lucernaire.fr