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Coaching prise de parole

           

Mois AprÈS Mois

Festival d'Avignon

8 août 2007 3 08 /08 /août /2007 09:53
AMOURS TUMUL-TUEUSES

Dès les premiers instants le décor est planté : les partisans de deux familles, les Capulet et les Montaigu qui se haïssent depuis toujours, se livrent bataille. Un Chœur antique ouvre le bal, annonçant le drame à venir, féériquement


Pour Eric Zobel, metteur en scène qui déclare tomber amoureux tous les jours de la même femme, adapter la tragédie de Shakespeare, Roméo et Juliette, allait de soi. Il a présenté son travail mercredi 4 et jeudi 5 juillet 2007, dans le cadre de la manifestation Tout l’monde dehors !, dans la cour du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD), dans le 7e arrondissement de Lyon. La scène avait alors pour décor les platanes de la cour.

romeoetjuliette.jpg
L’histoire des amants de Vérone, personnages universels, est revisitée par Eric Zobel et ses comédiens. Le texte a été réécrit, non pas modifié car tous les dialogues sont originaux, mais redécoupé afin de donner la part belle à la gestuelle et à l’espace, mis au service du récit. Une narratrice intervient régulièrement, permettant aux néophytes de ne pas perdre le fil de l’histoire. Tous les personnages empruntent à l’univers du mime, l’un davantage à celui du clown, l’autre à celui de la pantomime, un troisième à celui du hip-hop. Ce traitement résolument contemporain d’une pièce écrite en 1594 fait accéder chacun de nous directement à l’univers shakespearien et aux sentiments qui habitent ses personnages.

La musique, réalisée par Jonathan Rollet, enveloppe et charpente le déroulement de la tragédie. De simples notes de piano, tantôt en suspens, aériennes, tantôt plombées et menaçantes. Quand l’histoire s’emballe et que les haines entre fratries regagnent du terrain sur l’amour, pendant les combats, la musique devient électro et métallique.

La magie s’invite

Les costumes, modernes et stylisés, blancs et sombres, soulignent l’aspect caricatural de certains personnages. Ils pourraient aussi évoquer l’aspect de pions,  des personnages, dispersés sur un échiquier.
Le Comte Paris, qui demande à Capulet sa fille en mariage, se meut comme un pantin désarticulé, avec son chapeau haut de forme, ses fines moustaches et ses courbettes. Parfois l’esprit de Buster Keaton semble planer. Roméo, le comédien Abdou N’Gom, tout en grâce féline, emprunte au langage hip-hop, dès sa première rencontre avec Juliette, lors de la fête chez les Capulet, censée donner l’occasion au Comte Paris de rencontrer leur fille.
Lady Capulet, quant à elle, se tient raide, sèche, à sa place en maîtresse femme.

Dans cette pièce, le destin, un autre protagoniste, est là, implacable, qui poursuit son lent cheminement. Il tient en haleine les spectateurs qui, pourtant connaissent déjà le dramatique dénouement. La magie s’invite au cours du récit, désarmorçant le drame et semblable à une respiration poétique : le linceul grenat sur lequel repose Juliette, feignant la mort, l’emporte et l’escamote ; le message censé prévenir Roméo, exilé à Mantoue, du subterfuge utilisé par le frère Laurent pour donner à Juliette l’apparence de la mort, prend mystérieusement feu. Le messager étourdi qui était chargé de remettre le pli (Loïc Azlo, magicien professionnel), n’y est pas pour rien.

Dans le couple emblématique, Marie Rouge apporte fraîcheur et pureté au personnage de Juliette, face à un Roméo inspiré, habité par son amour.
Eric Zobel, en choisissant de travailler avec des artistes issus de différentes disciplines, donne à la pièce et au texte de Shakespeare, tant de fois visités, un éclat nouveau, toujours universel et accessible à tous les publics.

Anne BARBIER (Lyon)

Roméo et Juliette
Texte : William Shakespeare (1594)

Interprétation : Jean-Christophe Chapon, Andréane Jenatton, Loïc Montembault, Abdou N’Gom, Marie-Pierre Pirson, Marie Rouge, Esther Gouarne
Metteur en scène et adaptateur : Eric Zobel
Compositeur : Jonathan Rollet
Production : Compagnies Noir Clair et Arts en Scène

Vu au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation
(grande cour) 14 avenue Berthelot 69007 Lyon le 4 juillet 2007.

A la Salle Paul Garcin, Lyon 1er, du 18 au 23 décembre 2007.

Photo © Geoffroy Bourdais
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7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 11:08
ÊTRE DUC ET MOINE À LA FOIS

Le château de Grignan, où séjourna Madame de Sévigné, est un théâtre en soi. Un monument incontournable de la Drôme provençale. Et cela fait vingt ans que le public y vit au fil de soirées estivales des moments inoubliables. Mesure pour Mesure, une pièce de Shakespeare se joue tout l’été sur le parvis du Château.


Le bien et le mal, le vice, la vertu, la luxure, le mensonge, la justice, le crime, la corruption… sont des questions toujours actuelles dans nos sociétés contemporaines, elles se posaient déjà du temps de Shakespeare et notamment dans cette comédie fort agitée de l’auteur. Mesure pour Mesure illustre le passage de l’évangile selon Saint Mathieu : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez ».

grignan-shakespeare.jpg
A Vienne, où se déroule l’action, tout semble pouvoir arriver lorsque le duc Vincentio décide de confier le pouvoir à Angelo, homme froid et rigide, puis annonce son départ en voyage. Une curieuse passation de pouvoirs. Mais en voyage, il ne partira point, et dissimulé sous les traits d’un moine, il espionne les faits et gestes d’Angelo lequel, soucieux d’ordre moral, redonne vie à des lois tombées depuis longtemps en désuétude. Il en découle l’incarcération de Claudio, dont la fiancée attend un enfant puis la fermeture des maisons closes des faubourgs de Vienne ; il en résultera également l’incarcération de Dame Moule, tenancière d’un bordel et de son maquereau… Angelo, le sévère, instaure un règne puritain qui tourmente les citoyens de Vienne. C’est alors que l’œil aiguisé de Vincentio se pose sur Angelo, s’interrogeant à son tour sur la vertu de ce dernier. Et là, se joue le dénouement de la comédie. Angelo se comporte en véritable tyran. Bien des revirements se produiront pour sauver la tête de Claudio et venger l’ex fiancée d’Angelo… En dire plus serait presque trop tant le dénouement sera plaisant.

Mais tout est bien qui finit bien. Justice sera faite. Et voilà une création dont le caractère emporté ravira le public séduit par le dénouement d’une pièce fort tourmentée qui le fera malgré tout bien rire. Les comédiens sont justes et il se dégage une grande force de cette représentation où l’œuvre de Shakespeare n’est en rien trahie. Esprit, jeux de langages et de situations sont ici traduis avec brio. A voir sans hésitation. Prévoir un plaid. Quant au lieu, il est sublime.

Christelle ZAMORA
Envoyée spéciale à Grignan


Mise en scène, traduction et adaptation : Adel Hakim

Avec les comédiens : Philippe Awat, Thierry Barèges, Isabelle Cagnat, Frédéric Cherboeuf, Etienne Coquereau, Jean Charles Delaume, Malik Faraoun, Nigel Hollidge, Catherine Mongodin, Julie-Anne Roth.

Chorégraphie : Véronique Gros de la Grange
Scénographie et lumière : Yves Collet
Musique originale : Marc Marder
Costumes  : Agostino Cavalca avec Dominique Rocher
Son : Anita Praz
Maquillage : Nathy Polak
Assistante à la mise en scène : Isabelle Cagnat

Fêtes nocturnes de Grignan (26)
Du 2 juillet au 24 août 2007
Renseignements : 04 75 91 83 65

Photo © DR
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7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 10:46
APOGÉE, LUMIÈRE ET APOTHÉOSE

Le spectacle présenté par le chorégraphe Thierry Malandain et le Ballet Biarritz, composé de quatorze danseurs, a fait grande impression lors de l’ouverture des Nuits du Sel qui se sont déroulées début août à Aigues Mortes dans le Gard.


Inventif, aérien, hardi, le ballet nous invite dans une danse contemporaine ponctuée de références classiques. Les danseurs, tels des volatiles fardés de noir, de blanc ou de rose, tantôt fort, tantôt fragiles, se sont successivement investis au cœur de trois chorégraphies particulièrement poétiques.

ballet-biarritz.jpg
Dans la première, Don Juan, personnage mythique et libertin, semble mort mais il n’en est rien et le ballet va s’engager dans une course folle où Don Juan finira par tendre la main au spectre de la mort. Pris dans le rythme vif et léger de cette chorégraphie, les corps athlétiques semblent prêts pour l’envol.

Puis viendra, comme une plume tombant sur le sol La Mort du Cygne, de Camille Saint-Saëns, que la danseuse russe Anna Pavlova, avait interprété pour la dernière fois en 1930. L’expression « le chant du cygne » est une métaphore qui désigne depuis l’Antiquité la mort ou quelque chose de funeste qui pousse l’oiseau à chanter mieux encore. Dans ce monologue, la chorégraphie instaure trois temps, pour trois cygnes qui viennent s’échouer et se transformer. Multiplié par trois, le chant céleste est éclatant. Le plus court instant de la soirée n’en sera que plus délicat, plus gracieux et plus touchant.

Passé cet instant féerique, le Ballet Mécanique impose, quant à lui, son modernisme à la fois sonore et gestuel. L’instrumentalisation singulière de la musique du compositeur américain Georges Antheil (1900-1959) balance les corps des danseurs comme sur un ring.  Ils semblent se battrent, batailler et s’affronter tout à la fois. Pianos, timbres électriques, ensemble de percussions donnent corps à des controverses animées. D’un temps d’exécution relativement court, la composition se termine comme après un excès, après trop de nuisances, et les interprètes exténués finissent allongés dans le gazon pour un retour aux sources bien mérité.

Impossible de rester de marbre devant une gestuelle aux tonalités si tendres et si joliment déployées. Le public est transpercé par cette légèreté de l’être. D’une grande beauté, le cœur du Ballet Biarritz bat à l’unisson dans un seul élan corporel. Outre la technique, le style des chorégraphies de Malandain donne à ses personnages des allures enfantines et épurées qui leur lèguent parfois des airs de pantins au clair de la lune.
Christelle ZAMORA
Envoyée spéciale à Aigues Mortes
Aigues Mortes - Les Nuits du Sel
Les 6, 7 et 8 août 2007 - Tel : 04 66 53 73 00

Ballet Biarritz
Thierry Malandain
Centre chorégraphique national
Chorégraphe : Thierry Malandain
Décor et costumes : Jorge Gallardo
Conception lumière / directeur de production : Jean-Claude Asquié
Maîtres de ballet : Françoise Dubuc, Richard Coudray
Régisseur général : Oswald Roose
Réalisation costumes : Véronique Murat
Réalisation décor : Michel Pocholu
Régisseur lumière : Anthony Mota
Costumes : Karine Prins
Technicienne plateau : Chloé Breneur
Technicien chauffeur : Ben Boudonne

Photo © Olivier HOUEIX
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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 00:43
QUAND L'AFRIQUE DÉAMBULE

Koteba signifie en pays Bambara « grand escargot » et désigne la façon dont hommes et femmes entrent dans une danse dont le mouvement est celui d’une spirale. Et Koteba entre dans cette symbolique du mouvement permanent de la vie et de l’impermanence des choses.

Koteba c’est pour l’heure le nom de la déambulation du Printemps des comédiens imaginée par Daniel Bedos pour cette saison. Une déambulation qui n’a d’a d’égalE que la beauté du site où elle prend vie. Et de surcroît chargée de sens. A lui seul, ce spectacle déambulatoire est un voyage. Celui d’un autre langage qui a traversé les âges. C’est celui des peuples Touareg ou Dogons du Mali, des Aourindes du Niger, aux chants desquels viennent se joindre des jeux de rôles où la symbolique croise les traditions les plus anciennes.
 Photo © DR

Les marionnettes de Yaga Coulibaly, grandeur nature sont toutes construites de bois, de tissus et de raphia et se fondent dans les jardins du domaine d’O comme dans leur milieu naturel. Les danseurs Saguedi ou les acrobates de Kati-Faladie, tous originaires du Mali ont une adresse et une souplesse dignes des plus racés félins. Du premier coup, l’œil est conquis.

Des couleurs locales


Mais au demeurant, tout débute par une dispute entre plusieurs femmes et un homme. La couleur s’annonce d’emblée locale. C’est l’Afrique à portée du regard, celle qu’on connaît, que l’on imagine ou que l’on connaîtra bientôt. Puis, le public prend le chemin du petit bois où rodent des âmes menaçantes. Là, des hommes animaux imitent les bruits ou grognements de leur totem. D’autres encore marchent au loin, comme de grands oiseaux, plantés sur des échasses pour éloigner la mort. Après les chants du désert, la danse des masques accompagne des rituels rythmés. Car l’ordre du monde se lit dans ces faciès de bois sculptés et colorés. S’ensuivra la danse du lion, sénégalaise d’origine, qui a su retenir le public en haleine.

Ce parcours confit de légendes, initiatiques ou symboliques, est extrêmement chargé de sens. Messages codés ou formules rituelles apparaissent comme un langage à part entière. Les chants, illustrés de danses, sont magnifiquement portés comme une seconde peau par des êtres poudrés de khôl noir, d’ocres, de blanc et de terre. Un maquillage qui rejoint le mythe, les ancêtres et la vie pour incarner parfois de vraies luttes politiques que seul un sage peut déceler. Quant aux costumes, ils ne font qu’un avec l’enveloppe charnelle. Ils dévoilent une fusion avec l’être. De la brièveté et des luttes de la vie, de la transmission et des origines de ses peuples, il n’est rien besoin de dire. Tout est visiblement là. Debout. Et avec quelle énergie !

Christelle ZAMORA (Montpellier)

Vu au cours du Printemps des Comédiens
Du 1er au 24 juin au parc du Domaine d’O
Imaginé et mis en scène par Daniel Bedos
Scénographie de Dominique Doré
Avec la collaboration Gatta Ba-Catherine et Jean-Jacques Bordier-ONG Aourinde
Et le groupe Touareg Tilwat-Astor (Mali), Les Aourinde-Peuls Woodaabe (Niger), Les Dogons (Mali), Les Sim ou Jeu de faux lion (Sénégal), Les Marionnettes de Yaya Coulibaly (Mali), Les danseurs Seguedji (Mali), Les acrobates de Kati-Faladié (Mali).
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25 juin 2007 1 25 /06 /juin /2007 17:18
CHRONIQUE D’UN DUEL CENTENAIRE

A l’occasion de la commémoration des cent ans du Midi Rouge, bon nombre d’ouvrages, articles, expositions ont vu le jour dans la région Languedoc-Roussillon. Et, Le Printemps des Comédiens, qui s’est déroulé en juin dernier à Montpellier, a lui aussi célébré cet anniversaire. Cela précisément 100 ans jour pour jour après la rencontre ou plutôt le duel qui opposa Marcelin Albert, dit l’Apôtre et Georges Clemenceau, le Tigre, président du Conseil. Toute la pièce sera le propos de cet affrontement qui se déroulera dans l’unique décor du ministre de l’intérieur.

De ce qui fut dit ce jour là, personne ne sait rien. Jacques Allaire, metteur en scène, celui-là même qui a réalisé « Bambi, elle est noire mais elle belle » qui se joue actuellement au Festival d’Avignon, s’est attaqué à ce fragment de l’histoire viticole. Pour cela, il a tout lu sur la question, puis il a choisi l’écriture de Jacques Vilacèque, lequel a composé les dialogues. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une reconstitution historique ce que font à très bien les livres d’histoires. Il s’agirait plutôt d’une lecture possible. Ce faisant, il s’aventure vers un éclaircissement.


La mise en scène mêle la voix off, la projection vidéo et le son, autour de deux compères pris dans une violente confrontation. L’un reproche à l’autre ses excès de zèle dans un midi insurgé. L’autre dénonce la fraude et la faim sous le poids d’un gouvernement qui malmène le peuple des incompris. Marcelin Albert, ce représentant d’un Languedoc affamé, vient crier la colère des vignerons.

Peine perdue


Mais la dureté du représentant de l’État n’en est que plus grande. Ce dernier lui reprochera de faire le jeu des extrémistes et des régionalistes. Une fois l’entretien clos, celui-ci convoquera la presse et fera de Marcelin Albert, jusqu’ici leader adoré du peuple, une risée. De ce qui s’est vraiment dit dans cette entrevue, aucun témoin ne rapportera les justes propos. Et c’est bien la question qui est ici posée à ce lointain passé déjà centenaire qui a connu la mutinerie et les morts. Une restauration quasi-impossible de ce qu’aurait pu être la conversation de deux figures invraisemblables de l’époque. Tel a été le défi de cette mise en scène. Il fallait oser.

Christelle ZAMORA (Montpellier)

Printemps des Comédiens

Textes : Jacques Villacèque
Par la Compagnie In Situ
Avec les comédiens Jean Varela et Yves Ferry
Mise en scène : Jacques Allaire
Scénographie : Cécile Marc
Lumières : Cathy Garcia
Video : Scorphène Horrible
Son : Jacques Allaire et Serge Monségu

Les 23, 24 et 25 juin 2007 Théâtre d’O .
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23 juin 2007 6 23 /06 /juin /2007 10:21
SIX TEXTES POUR UNE ALTERNATIVE

Avec pour point de départ, une citation du film Accatone du cinéaste italien Pasolini : « Ou le monde me tue ou je tue le monde ! », six écritures dramatiques naissent de la plume de jeunes auteurs issus de l'Ensatt. Forme intéressante et inusitée que cette succession de points de vue qui illustrent six manières d’appréhender le monde, avec férocité, humour ou poésie, et qui sont livrées à brûle-pourpoint comme un grand cri de détresse.

Les écrivains ont puisé, dans une phrase qui résonne déjà par la violence des mots, des thématiques sombres mais diverses, plus ou moins explicites et accessibles. Sous-tendues par l’unique alternative entre la lutte et l’oppression, leurs pièces renvoient toutes à l’inévitable solitude qui nous assaille, frôlant le risible et l’absurdité de l’existence. D’une incursion dans le conflit collectif au combat introspectif, de la représentation brute du quotidien à la projection métaphorique, chaque histoire impose sa singularité.

Photo © Jessica Balleri /
Le Chat de Schrodinger en Tchétchénie

Ainsi, Cédric Bonfils ouvre le bal autour d’un suicide féminin, et découpe son univers entre la froideur d’une salle d’interrogatoire et l’intimité d’un appartement. Une dualité entre sentiments idylliques et réalité insurmontable qui gagne en force grâce à la mise en scène contrastée de Simon Delétang.

On retiendra également la vision métaphysique et l’amère dérision de Marie Dilasser sur la situation en Tchétchénie, qui clôt brillamment le spectacle avec une écriture décalée, drôle et percutante.

Non moins dénués d’intérêt au niveau de la construction dramaturgique, les autres textes se font toutefois le reflet d’écritures très personnelles, parfois presque insondables. Exemple frappant, Les Cravates de Thibault Fayner : séduits par l’originalité syntaxique et rythmique, l’esthétisme et le jeu chorégraphié, il nous faut pourtant longuement nous questionner sur le sens de cette étrange métonymie. C’est en remontant aux origines du mot « cravate » que les variations de l’auteur nous apparaissent le plus signifiantes. Forme francisée du mot « croate », la cravate nommait au XIIe siècle « la bande de linge que les cavaliers croates portaient » et désigne au sens figuré « le coup par lequel on essaie de faire subir au menton de son adversaire un mouvement de torsion ». Symbole de l’origine sociale ou acte de violence, on comprend mieux que la cravate ait pu inspirer l’étrange trafic vestimentaire de Fayner.

Un kaléidoscope dramatique


Malgré des appréciations subjectives inégales suivant les pièces, qui trouveront un écho variable selon la sensibilité de chacun, il convient surtout de saluer le projet dans son ensemble. Bel hommage rendu ici à celui qui nous a dépeint avec force beauté la grande tragédie humaine. Entre nostalgie et désespoir, les dramaturges rejoignent Pasolini par l’image de personnages désoeuvrés dans une société en déperdition. Par la succession de ces six formes brèves, nous subissons un changement d’optique permanent qui nous laisse à chaque fois au bord de la chute dramatique, à la lisière du dénouement. Avec changements de décors à vue, sur fond de bande sonore pasolinienne, nous ne quittons jamais vraiment le drame ; le temps seulement de prendre une respiration avant de découvrir le monde sous un angle différent. Ainsi le spectacle marche comme un kaléidoscope dramatique où chaque intermède fonctionne comme une secousse, laissant apparaître un fragment de vie nouveau mais toujours tristement coloré.

Un projet structurellement intéressant et prometteur, servi par une parole contemporaine acerbe et incisive, soutenu par l’énergie et la fraîcheur des jeunes comédiens de l'Ensatt. Chapeau !

Anne CARRON (Lyon)

Ou le monde me tue ou je tue le monde !
Six pièces brèves écrites par les auteurs issus de la première promotion « d’écriture dramatique » de l’Ensatt, dirigée par Enzo Cormann :
- Trop compliqué pour toi, de Cédric Bonfils
- Les Cravates, de Thibault Fayner
- Autopsie du Gibier, de Samuel Gallet
- Les Blés, de Sabine Tamisier
- Toute cette neige, d’Olivier Mouginot
- Le Chat de Schrodinger en Tchétchénie, de Marie Dilasser

Mises en scène de Guillaume Delaveau et Simon Delétang
Avec Cassandre Vittu de Kéroul, Myraim Le Chanoine, Aymeric Lecerf, Claire Galopin, Julien Gauthier, Michaël Maîno, Ophélie Marsaud, Michaël Pinelli, Marc Lamigeon, Simon-Pierre Ramon et Juliete Rizoud

Du 18 au 29 juin 2007 à l'Ensatt, 4 rue Sœur Bouvier 69005 Lyon
Tél : 04 78 15 05 07
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21 juin 2007 4 21 /06 /juin /2007 00:50
ENTRE JOURNALIER ET IMAGINAIRE

Deux énormes caisses en bois pour conteneurs. L’une étiquetée du Nord de la France ; l’autre d’Italie. À l’intérieur, deux couples qui révèlent leur cadre quotidien et leur existence entre véridique et chimère.

La première s’ouvre peu à peu, laissant le public installé de chaque côté, découvrir une intimité. Cela commence quasi sans paroles, avec Marc Amyot, funambule qui se situe au confluent du clown, du maladroit accablé d’un léger handicap, du poète qui vit les événements autrement, sans souci des qu’en dira-t-on.
 Photo © Eric Legrand

À travers des gestes qui ne sont ni du mime ni de la réalité banale, il devient très vite évident que le quotidien se fond avec des souvenirs d’enfance, des fantasmes personnels. C’est plus flagrant encore dès qu’apparaît la compagne, Annie Poli. Sa présence est écrasante et irradiante. Elle joue aux limites du trivial, de l’exaltation, de la générosité, de la vie assumée pleinement. Elle chante et scande. Elle dit revendications et rêves. Et pendant ce temps-là, lui va et vient, passe du grenier au jardin, du travail ordinaire à des périples en mobylette ou à grands coups de pédale sur un vélo de Paris-Roubaix. Et, ironiquement didactique, il inscrit sur des ardoises à l’intention de ceux qui n’auraient pas compris.

Du Nord vers le Sud

En Italie, ce ne sont plus les corons et les jardins ouvriers. C’est la campagne et l’existence agricole. C’est un autre couple, Paola Berselli et Stefano Pasquini, moins exubérants. Liés par un amour tranquille au milieu d’une pompe à eau de pluie, d’une mécanique de moulin et de vrais lapins qui fourragent dans un décor dévoilé pan par pan. C’est la simplicité des mots, la confidence narrée. Ce sont les sentiments qui perdurent, obstinément. Et les tâches ménagères et champêtres, cycles de la vie sans cesse recommencés, comme ces montées et ces descentes d’un étage à l’autre sur de vieilles échelles en bois. Ce qui n’empêche pas de vieillir ensemble et d’aller vers la mort. Les corps affirment beaucoup dans le Nord de Piret. Les paroles s’écoulent dans le Sud de ses partenaires. Les tranches de vie rejoignent l’histoire personnelle de chacun. Tant et si bien qu’à la fin du spectacle, tout le monde, acteurs et spectateurs, se retrouve à partager un même repas, en franche convivialité.

Michel VOITURIER (Lille)

Dans ma maison, contes de la vie ordinaire
Texte : « Nord », Christophe Piret ; « Italie », Paola Berselli, Stefano Pasquini, Christophe Piret
Mise en scène : Christophe Piret
Distribution: Annie Poli, Marc Amyot, Paola Berselli, Stefano Pasquini
Décors : Christophe Piret et Rémy Dursin
Musique : Luna Lost
Son : Benjamin Delvalle
Production : Théâtre de Chambre (Aulnoye-Aymeries) ; Teatro delle Ariette (Castello di Serravalle)

À la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq du 5 au 9 juin ; à l’Operaestate - Festival Veneto 2007 de Bassano del Grappa (Italie) au Palazzo Bonauguro le 30 juin 2007
Durée : 1h50 (repas compris)

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13 juin 2007 3 13 /06 /juin /2007 10:07
FAITES VOS JEUX

L’art de la triche, c’est aussi l’art de la conter avec fougue, emphase et véhémence comme s’y emploie ici Sacha Guitry, au point d’en ériger les Mémoires d’un tricheur. Avec l’humour et l’ironie qu’on lui connaît, il nous livre les confessions d’un homme de jeu et de plaisirs, derrière lesquelles il dissimule une ambivalente et âpre morale opportuniste.

Pour mettre en voix, en corps et en scène cette jouissive digression, rien de tel que l’expérience et le talent de Francis Huster. Une véritable rencontre à laquelle le comédien rend hommage dans son livre Sacha le magnifique ; une œuvre qu’il sert, de plus, admirablement, par son interprétation scénique du joueur invétéré.
 Photo © Cosimo Mirco Magliocca

Sous l’œil observateur du barman – son comparse Yves Le Moign’ – Francis Huster nous prend à partie, nous interpelle ou nous questionne pour mieux s’abandonner en confidences. Ce héros du vice nous ramène avec lui à l’enfance, au vol des huit sous dans la caisse de l’épicerie familiale, cause de privation de champignons qui lui évitera néanmoins la mort. Laissant derrière lui une famille décimée, il prend acte de ce geste répréhensible mais salvateur. Il devient alors groom dans un hôtel puis croupier à Monaco et, attiré par la douce saveur de l’argent, goûte aux affres du jeu avant de se changer en professionnel de la duperie et de l’usurpation.

Un discours (a)moral

L’amour sans attache, l’argent et la luxure traversent le récit de Guitry pour s’imposer comme les préceptes d’une vie trop courte dont il faut jouir à chaque instant. Sous couvert d’un protagoniste qui se joue des autres, l’auteur lui-même se joue de nous, cachant derrière la légèreté et la gaieté de son texte, un cynisme désabusé. Et pour rendre l’intensité d’un tel propos, Francis Huster se fait orateur fascinant et fasciné, enivrant et enivré, habitant avec force présence la salle du théâtre, nous laissant de bout en bout happés par son éloquence. Du protagoniste de Sacha Guitry, il adopte toutes les facettes de séduction, de galanterie, d’esprit et de malice, s’approprie la parole avec une incroyable aisance et fait sien avec naturel le récit de cette vie de perfide.

Face à un auditoire curieux et attentif, il réussit une très belle incarnation d’un homme au destin drolatique et trépidant, teinté par moments d’une amère lucidité. Des mémoires qui nous laissent en mémoire le discours amoral d’une jouissance sans culpabilité. Et maintenant, mesdames et messieurs, à vous de faire vos jeux !

Anne CARRON (Lyon)

Mémoires d’un tricheur, de Sacha Guitry
Mise en scène de Francis Huster
Avec Francis Huster et Yves Le Moign’
Décor : Nicolas Sire / Costumes : Pascale Bordet / Lumières : Laurent Castaingt

Du 5 au 17 juin 2007 au Théâtre des Célestins, 4 rue Charles Dullin 69002 Lyon
Renseignements et Réservations : 04 72 77 40 00
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12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 17:39
DES HUIS CLOS DE PAROLE ENFOUIE

Stéphane Verrue est fasciné par Samuel Beckett. Son théâtre, il se l’est peu à peu approprié. Qu’il a monté jadis de manière étonnante avec des handicapés mentaux. Qu’il monte à présent avec trois comédiennes incarnant trois faux monologues : Pas, pas moi, berceuse.


C’est à chaque fois le ressassement d’une parole qui tourne en rond. Qui cherche à dire sans y parvenir, tout en finissant cependant par manifester l’essentiel : la solitude, la maladie, le vieillissement, la mort à proximité de la vie. Sous la banalité des mots surgit la difficulté d’être, de transmettre mais aussi la délivrance par le verbe tâtonnant, devenu litanie et rythme. C’est le non-dit contenu dans le syntagme « tout ça », si fréquent chez Beckett, et dans lequel chacun posera le sens qu’induit sa propre existence.
 Photo © Eric Legrand

« Pas » exprime des signifiés pluriels. Ce sont les enjambées d’une femme qui traîne inlassablement les pieds sur une surface limitée explorant en boucle autrefois et maintenant. C’est aussi cet adverbe de négation par lequel on refuse d’exister, d’agir, de communiquer. Elle apostrophe une voix off. Elle est l’écho d’une vieille qu’il lui faut soigner, peut-être sa mère, peut-être sa fille, peut-être l’écho d’elle-même en son devenir, peut-être le souvenir d’une morte. Elle est en conciliabule avec une hantise, un secret familial, un mal-être que même les mots n’extirpent pas.

Les phrases sont quasi seules visibles dans « Pas moi » car sur scène, dans le noir intégral, uniquement une bouche apparaît, haut perchée, en apesanteur. De ces lèvres qui seules remuent sort une logorrhée anaphorique. Elle se teinte d’une gouaille impertinente et cette goguenardise propre à l’humour de Becket, quand il décrit la souffrance de l’existence. Elle meuble de silences une avalanche de parole volubile. Elle se prend dans les méandres du passé, dans des certitudes pimentées de doutes. Elle cherche à dire ce qui n’arrive pas à s’incarner à travers les épisodes d’une vie malmenée. Le poids du langage fait mal à qui s’en empare comme à qui l’écoute.

Troisième volet, « Berceuse » prend corps dans un rocking-chair. Là où la vieillesse termine son temps terrestre. Mais c’est une voix venue autant d’ailleurs que du fin fond de sa carcasse que la personne s’adresse en résonance d’elle-même. La quête est d’apaisement, de conciliabule capable de combler un mutisme qui s’installe au fil du temps. Le balancement devient le signe même d’être au monde, celui qui déclenche une résonance. Ainsi se pressent l’inéluctable fin des êtres, après avoir erratiquement tenté d’être soi et cru n’y jamais parvenir.

La minutieuse mise en scène de Verrue accorde toute son importance au physique, au mouvement des membres et des muscles. Qui rend palpable l’invisible présence d’Arlette Renard, voix issue d’au-delà, réalité prégnante quoique insaisissable, en dialogue avec une Gaelle Fraysse dont le travail vocal lui permet, dans les première et dernière séquences, d’occuper l’espace de manière obsédante. Qui affole véritablement par ses tonalités décalées sortant de la bouche de Florence Masure comme une partition musicale.

Michel VOITURIER (Lille)

Lire aussi la chronique de notre rédacteur parisien Mattia Scarpulla
sur une autre mise en scène
.


Dramaticules
Texte : Samuel Beckett
Mise en scène : Stéphane Verrue
Distribution : Gaelle Fraysse, Florence Masure, Arlette Renard
Costumes, maquillage : Catherine Lefebvre
Éclairages : Nathalie Perrier
Son : Matthieu Chappey

Production : Cie Avec vue sur la mer/Théâtre d’Arras
Au Théâtre d’Arras du 13 au 24 mars 2007 ; à l’Hospice d’Havré Maison Folie à Tourcoing les 24 et 25 mai 2007.

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30 mai 2007 3 30 /05 /mai /2007 09:14
LE LANGAGE INTERPOSÉ

Le décor créé par Jean-Paul Chambas séduit dès l’abord. Il affirme bien ce qu’est le théâtre : une illusion qui n’a pas besoin de réalisme pour emporter l’adhésion. Et parfois une illusion qui ne fait pas longtemps illusion...

Tout est contenu dans une boîte immaculée, volume clos ouvert seulement vers la salle. La voiture dans laquelle circuleront les héroïnes est esquissée au moyen de quelques formes métalliques qui rappellent carrosserie et volant. L’horizon se pare de signes graphiques qui disent le passage, le mouvement, le voyage. Côté jardin, une stèle matérialise un monument, une montagne, un repère géographique. Au sol, des lignes suggèrent des limites, des contraintes routières ou foncières…
  Photo © Ingrid Legrand

Le texte, signé par Bruno Bayen, en revanche, engendre quelque scepticisme. Au point qu’on se dise que lorsque Samuel Beckett ou Anton Tchekhov donnent à leurs personnages une parole vide tandis qu’il ne se passe rien, elle se pare d’une multitude de significations. Alors que, lorsque l’auteur met dans la bouche des siens des phrases chargées de références psychologiques, historiques, sociologiques, intimement liées au relationnel, elle sonnent cruellement creux, s’enlisant dans l’immobilisme de l’histoire. Apparemment, il n’y a pas grand intérêt à faire dialoguer deux sœurs vieillissantes à propos de leurs blessures, de leurs difficultés à s’entendre, de leur enfance lointaine. Aucune vraie tension ne les anime. Aucun événement bouleversant ne vient relancer un discours qui tourne en rond.

Voyage immobile et déferlant discours


Les apports extérieurs de protagonistes épisodiques ne bouleversent en rien la monotonie. L’intrusion d’un curé, censé moderne, n’y change pas davantage que l’éphémère apparition d’une juvénile chanteuse, censée être la demi-sœur inconnue des deux aînées ou du moins une sorte d’image de ce qu’elles auraient pu être si elles avaient été jeunes aujourd’hui.

Jean-Pierre Vincent a mis cela sur scène. L'un des rares effets visibles de son travail, en dehors de la projection de l’éclipse et de la brume qui s’étend parfois dans le paysage, est un jeu de lumière inconsistant, supposé traduire le déferlement multicolore des projecteurs d’un proche podium dévolu à une artiste de variété. Le verbiage littéraire ressassé et futile de Béatrix et de Christine déferle. Il donne néanmoins des indications sur la manière dont il doit être perçu. Il suffit de glaner dans le texte pour savoir qu’on y sera « glacé par un frisson de l’esprit », que les personnages se demandent (sans oser le demander au public) depuis combien de temps elles ne s’étaient plus ennuyées ensemble comme aujourd’hui. Elles terminent d’ailleurs en affirmant qu’il vaut mieux ne plus se souvenir (et donc d’oublier au plus vite ce qui vient de se passer).

Bref, cette espèce d’autisme bavard, dans lequel des individus semblent parler de la France alors qu’ils ne parlent que d’eux-mêmes, laisse froid.

Michel VOITURIER (Lille)

L’Éclipse du 11 août
Texte : Bruno Bayen (éd. L’Arche, 2006)
Mise en scène : Jean-Pierre Vincent
Distribution : Edith Scob, Bérengère Bonvoisin, Sylvain Élie, Aurélie Leroux
Décor et costumes : Jean-Paul Chambas
Éclairage : Alain Poisson Son : Alain Gravier
Maquillage : Suzanne Pisteur
Production : Cie Studio libre, Théâtre national de la Colline, Théâtre La Criée de Marseille

Au Théâtre du Nord à Lille, du 22 au 27 mai 2007.

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Chronique FraÎChe