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Festival d'Avignon

26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 01:03
DE L'INTERET DE LA PATAPHYSIQUE

Alfred Jarry (1873-1907) fait son entrée à la Comédie-Française avec sa pièce « Ubu Roi ». La mise en scène passionnante de Jean-Pierre Vincent donne à cette pièce un souffle puissant à la fois grotesque et ravageur, sinistre et drôle, sans tomber dans le délire potache. Les comédiens saisissent intelligemment une si belle occasion.


Il fallut donc un bon siècle pour que cet « Ubu Roi » de l'inclassable Alfred Jarry, que cette pièce parmi les plus jouées sur les scènes du monde depuis son apparition en 1896 fasse enfin son entrée au répertoire de notre Comédie Française. Avec comme il se doit, en ouverture, un « Merdre » tonitruant mais ici totalement maitrisé par un Père Ubu magnifiquement incarné par Serge Bagdassarian.


Dans un décor sombre, plutôt abstrait de Jean-Paul Chambas, la manière dont on reçoit cette entrée en matière est tout sauf anodine. Cet auto-contrôle du comédien n'est pas du tout timidité ou manque de hardiesse loin de là. Le parti-pris va marquer l'ensemble du spectacle. Car cet « Ubu Roi » évite avec intelligence les débordements souvent faciles que cette œuvre peut provoquer par l'esprit foncièrement potache du texte.

Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent a cadré le jeu, apposé sa signature sans rature. Il l'explique déjà dans l'opuscule de la Comédie-Française (« Les Nouveaux Cahiers », en co-édition avec L'avant-scène théâtre) que nous conseillons d'acheter : « Il faut se méfier systématiquement de l'appel à la drôlerie du texte », rappelle-t-il notamment. Et il s'y tient. Ce qui n'empêche pas de rire avec plaisir des aventures de Père Ubu et Mère Ubu, ces avatars de « Macbeth » au pays de la pataphysique, cette « science des solutions imaginaires » selon Jarry soi-même qui fait dire au Père Ubu en final, « S'il n'y avait pas de Pologne, il n'y aurait pas de Polonais » !

Une idée géniale

Il faut donc rappeler que c'est Mère Ubu qui tripatouille l'esprit de son homme en le poussant lui, l'ancien roi d'Aragon, l'officier de confiance du roi Venceslas, à zigouiller ce dernier pour lui prendre sa couronne de roi de Pologne et ainsi déposséder les Polonais de leur argent ! Il s'ensuit des courses endiablées, des repas ragoûtants, des guerres avec le Czar, des meurtres à n'en plus finir même des corps constitués, des fuites en bateau passant au large du Danemark vers la pointe ... d'Elseneur, d'un rêve de France où Père Ubu se voit en Maître des Finances.

Jean-Pierre Vincent ne met pas d'époque précise dans sa mise en scène même si la noirceur de la scénographie, même si Ubu porte moustache et d'autres parfois des bérets. Des images et des ambiances qui peuvent renvoyer aux années sombres d'une quelconque guerre, de toutes ces périodes troubles où un totalitarisme veut s'installer ? Le metteur en scène n'insiste pas pour politiser trop clairement ce texte dont il dit « qu'il n'est pas un chef d'œuvre [mais] une idée géniale ». Alors, il fait traverser toute la pièce d'un personnage qui est l'auteur lui-même. Alfred Jarry (efficace Christian Gonon dans le rôle), avec son vélo, sa dégaine, son pistolet, devient le spectateur de ce qu'il a créé. Il met à bonne distance, ce rêve ou ce cauchemar.

Les comédiens devraient tous être cités. Anne Kessler (mère Ubu) très gouailleuse, Martine Chevallier (Reine Rosemonde, Paysanne et Mère du Czar) élégante même dans le cauchemardesque, Benjamin  Jungers (Bougrelas) énergique héritier de la couronne de Pologne, et encore Michel Robin, Christian Blanc .... Et tous savent reprendre (au milieu de la pièce et non au final) la « Chanson du décervelage » avec ce chœur inoubliable toujours d'actualité : « Voyez, voyez, la machin'tourner/ Voyez, voyez, la cervell'sauter/ Voyez, voyez les Rentiers trembler / Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! ».

                                                                        Jean-Pierre BOURCIER (Paris)

Ubu Roi d'Alfred Jarry

Mise en scène : Jean-Pierre Vincent
Dramaturgie : Bernard Chartreux
Décor : Jean-Paul Chambas
Costumes : Patrick Cauchetier
Lumières : Alain Poisson
Chansons : Pascal Sangla
Son : Benjamin Furbacco
Maquillages : Suzanne Pisteur
Avec Martine Chevallier, Anne Kesler, Michel Robin, Christian Blanc, Christian Gonon, Nicolas Lormeau, Grégory Gadebois, Pierre Louis-Calixte, Serge Bagdassarian, Benjamin Jungers, Stéphane Varupenne, Adrien Gamba-Gontard, Gilles David et Imer Kutllovci.

Jusqu'au 21 juillet 2009 (en alternance) à la Comédie Française, salle Richelieu. Reprise en juin-juillet 2010.
1 Place Colette, 75001 Paris. Tél. 0825 10 16 80. www.comedie-francaise.fr

« Alfred Jarry » dans Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, 104 pages, 10€.

Photo : Brigitte Enguérand

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