27 juin 2009
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LE MANTEAU DE PROSPERO
COUP DE CŒUR RUE DU THEATRE
Très probablement avant dernière œuvre de Shakespeare, « La Tempête » n’a cessé de donner à réfléchir à tous ses exégètes. Elle ouvre la porte à une foultitude d’interprétations, chacune plus ou moins réductrice au regard de sa richesse, voire sa complexité. Sa dimension onirique jusqu’au fantastique n’en simplifie certes pas l’analyse. Elle a même donné lieu, en 1956, à une transposition cinématographique dans le space opera avec un film de science fiction devenu culte depuis : « Planète interdite ».
Le Théâtre du Kronope a pour règle de produire des spectacles qui mettent en jeu délibérément toutes les ressources dont dispose le théâtre : masques en provenance de la comédia del arte, costumes, jeu très physique, circassien ou même clownesque, pouvant faire appel aux acrobaties… le tout dans le cadre d’une gestuelle, une rythmique, rigoureusement minutées en fonction d’une bande sonore et musicale très travaillée, le plus souvent au service d’œuvres classiques très connues. Le résultat est, le plus souvent, éblouissant, d’autant que le dispositif scénique et la scénographie elle-même dans sa globalité ne laissent guère de libertés par rapport au but recherché. Tout est minuté très rigoureusement. Ainsi en est-il pour cette adaptation de « La Tempête » qui a soulevé l’enthousiasme de tout le public.
On connaît l’argument de départ : Prospéro, ancien duc de Milan, évincé par son frère, trouve refuge avec sa fille Miranda, sur une île inconnue. Grâce aux enseignements qu’il a tirés de ses livres, il prend le pouvoir – un pouvoir magique – sur les éléments : Ariel, l’esprit de l’air, et Caliban, la terre, et manipule les créatures qui l’habitent. Devenu le maître tout puissant des lieux, il provoque une tempête qui fait échouer sur le rivage de l’île le bateau qui transportait son frère usurpateur, son complice Alonso, roi de Naples, Sébastien, son frère et le jeune Ferdinand, le fils du roi de Naples, lequel tombera très vite follement amoureux de Miranda.
Résolument moderne…
Après de multiples chassés croisés et manipulations magiques provoquées par Prospéro et son fidèle Ariel pour échapper aux complots de Caliban et de son frère, notre magicien consentira à pardonner à tous ceux qui l’ont jadis trahi. Il acceptera aussi que Miranda puisse répondre à l’amour de Ferdinand en l’épousant. Il se résoudra enfin à perdre définitivement ses pouvoirs de magicien pourvu que son frère lui restitue son bien : le duché de Milan. Cette renonciation prend ici sans nul doute une signification particulière. Elle exprime pour Prospéro la volonté de revenir à la réalité, de se réveiller enfin, en échappant à l’univers fantasmatique qu’il a lui-même créé et en accédant à l’âge adulte tout comme Miranda va accéder à son statut de femme. Mais ce que semble manifester tout à la fin Prospéro dans son « Délivrez-moi !... » qu’il adresse au public, n’est-ce point peut-être le souhait d’échapper aussi à sa condition même de personnage de théâtre ? Et en cela, le théâtre de Shakespeare n’annonce-t-il pas déjà quelque peu les préoccupations d’un Samuel Beckett dans une vision résolument moderne, non aristotélicienne, du théâtre ?
Le manteau immense de Prospéro, au début du spectacle, recouvre entièrement le plateau tel le signe même de la possession d’un territoire dont il est le seigneur et maître. Le magicien le surplombe, au sommet d’un grand praticable, une structure métallique évoquant, côté jardin, une bande de Moebius et, dans son ensemble, l’ossature d’un calmar géant. Ce praticable sert de point d’appui à l’évolution des personnages dans la mise en scène très inventive et dynamique de Guy Simon.
C’est Guy Simon lui-même qui interprète Prospéro à qui il confère une autorité non dénué de malice. Anaïs Richetta joue alternativement, et avec quel brio, Miranda et Ariel, espiègle génie de l’air aux accents juvéniles. Et, dans ses deux prestations, on ne peut que l’applaudir sans aucune réserve pour sa fougue, Martine Baudry, Loïc Beauche, Anouck Couvrat et Jérôme interprètent avec brio et sous le masque tous les autres personnages.
La Tempête
Auteur : William Shakespeare.
Mise en scène, adaptation, scénographie : Guy Simon. Théâtre du Kronope.
Avec Martine Baudry, Loïc Beauche, Anouck Couvrat, Anaïs Richetta, Guy Simon, Jérôme Simon.
Musique originale : Fodor.
Conception décor et conception graphique : Vivien Simon.
Décors : Jacques Brossier.
Conception-création costumes : Joëlle Richetta. Chef Costumière : Virginie Breger, assistée de Laura Martineau, Eva Tourault et d’Anne Veziat. Réalisation manteau de Prospéro : Monique Vernier. Masques et accessoires : Martine Baudry. Création lumière : Jean-Claude Delacour et Fodor.
Festival Off 2009. Fabrik’ Théâtre, 32, Bd Limbert. 84000 Avignon. Du 8 au 31 juillet à 18 h 15. Tél. 04 90 86 47 81.
COUP DE CŒUR RUE DU THEATRE
Très probablement avant dernière œuvre de Shakespeare, « La Tempête » n’a cessé de donner à réfléchir à tous ses exégètes. Elle ouvre la porte à une foultitude d’interprétations, chacune plus ou moins réductrice au regard de sa richesse, voire sa complexité. Sa dimension onirique jusqu’au fantastique n’en simplifie certes pas l’analyse. Elle a même donné lieu, en 1956, à une transposition cinématographique dans le space opera avec un film de science fiction devenu culte depuis : « Planète interdite ».
Le Théâtre du Kronope a pour règle de produire des spectacles qui mettent en jeu délibérément toutes les ressources dont dispose le théâtre : masques en provenance de la comédia del arte, costumes, jeu très physique, circassien ou même clownesque, pouvant faire appel aux acrobaties… le tout dans le cadre d’une gestuelle, une rythmique, rigoureusement minutées en fonction d’une bande sonore et musicale très travaillée, le plus souvent au service d’œuvres classiques très connues. Le résultat est, le plus souvent, éblouissant, d’autant que le dispositif scénique et la scénographie elle-même dans sa globalité ne laissent guère de libertés par rapport au but recherché. Tout est minuté très rigoureusement. Ainsi en est-il pour cette adaptation de « La Tempête » qui a soulevé l’enthousiasme de tout le public.
On connaît l’argument de départ : Prospéro, ancien duc de Milan, évincé par son frère, trouve refuge avec sa fille Miranda, sur une île inconnue. Grâce aux enseignements qu’il a tirés de ses livres, il prend le pouvoir – un pouvoir magique – sur les éléments : Ariel, l’esprit de l’air, et Caliban, la terre, et manipule les créatures qui l’habitent. Devenu le maître tout puissant des lieux, il provoque une tempête qui fait échouer sur le rivage de l’île le bateau qui transportait son frère usurpateur, son complice Alonso, roi de Naples, Sébastien, son frère et le jeune Ferdinand, le fils du roi de Naples, lequel tombera très vite follement amoureux de Miranda.
Résolument moderne…
Après de multiples chassés croisés et manipulations magiques provoquées par Prospéro et son fidèle Ariel pour échapper aux complots de Caliban et de son frère, notre magicien consentira à pardonner à tous ceux qui l’ont jadis trahi. Il acceptera aussi que Miranda puisse répondre à l’amour de Ferdinand en l’épousant. Il se résoudra enfin à perdre définitivement ses pouvoirs de magicien pourvu que son frère lui restitue son bien : le duché de Milan. Cette renonciation prend ici sans nul doute une signification particulière. Elle exprime pour Prospéro la volonté de revenir à la réalité, de se réveiller enfin, en échappant à l’univers fantasmatique qu’il a lui-même créé et en accédant à l’âge adulte tout comme Miranda va accéder à son statut de femme. Mais ce que semble manifester tout à la fin Prospéro dans son « Délivrez-moi !... » qu’il adresse au public, n’est-ce point peut-être le souhait d’échapper aussi à sa condition même de personnage de théâtre ? Et en cela, le théâtre de Shakespeare n’annonce-t-il pas déjà quelque peu les préoccupations d’un Samuel Beckett dans une vision résolument moderne, non aristotélicienne, du théâtre ?
Le manteau immense de Prospéro, au début du spectacle, recouvre entièrement le plateau tel le signe même de la possession d’un territoire dont il est le seigneur et maître. Le magicien le surplombe, au sommet d’un grand praticable, une structure métallique évoquant, côté jardin, une bande de Moebius et, dans son ensemble, l’ossature d’un calmar géant. Ce praticable sert de point d’appui à l’évolution des personnages dans la mise en scène très inventive et dynamique de Guy Simon.
C’est Guy Simon lui-même qui interprète Prospéro à qui il confère une autorité non dénué de malice. Anaïs Richetta joue alternativement, et avec quel brio, Miranda et Ariel, espiègle génie de l’air aux accents juvéniles. Et, dans ses deux prestations, on ne peut que l’applaudir sans aucune réserve pour sa fougue, Martine Baudry, Loïc Beauche, Anouck Couvrat et Jérôme interprètent avec brio et sous le masque tous les autres personnages.
Henri LEPINE (Avignon)
La Tempête
Auteur : William Shakespeare.
Mise en scène, adaptation, scénographie : Guy Simon. Théâtre du Kronope.
Avec Martine Baudry, Loïc Beauche, Anouck Couvrat, Anaïs Richetta, Guy Simon, Jérôme Simon.
Musique originale : Fodor.
Conception décor et conception graphique : Vivien Simon.
Décors : Jacques Brossier.
Conception-création costumes : Joëlle Richetta. Chef Costumière : Virginie Breger, assistée de Laura Martineau, Eva Tourault et d’Anne Veziat. Réalisation manteau de Prospéro : Monique Vernier. Masques et accessoires : Martine Baudry. Création lumière : Jean-Claude Delacour et Fodor.
Festival Off 2009. Fabrik’ Théâtre, 32, Bd Limbert. 84000 Avignon. Du 8 au 31 juillet à 18 h 15. Tél. 04 90 86 47 81.