6 octobre 2006
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SECRETS DE FAMILLE ET AUTRES BRUITS
Le Théâtre de la Balsamine ouvre sa saison, avec la création attendue de la dernière pièce de Thierry Debroux, Eros medina. Sur scène, une comédienne, une lumière, un récit. Du théâtre pur au coeur du silence familial. Le théâtre à répliques de Thierry Debroux (une quinzaine de pièces) trempe dans l’insolite: il joue du réel tout en y insufflant une part de fantastique.
Dans Eros medina, monologue né de l’histoire familiale de la comédienne Anouchka Vingtier, l’auteur nous propose une fiction troublante. Récit labyrinthique, texte à clef, en deux parties, il nous bascule du Maroc à la Normandie, à travers le silence assourdissant des secrets de famille qui rongent toute une lignée. Une lumière sable, striée d’ombre, enrobe une vaste scène, tel le soleil passant à travers des persiennes. Au fond, le mur de briques rugueuses de la Balsa avec, au centre, un simple tabouret de formica comme appui. Nous sommes dans les ruelles de la Médina de Marrakech et une jeune femme blonde, d’allure classique, attaque de front un mystérieux homme qui la suit depuis quelque temps. «Aurai-je l’odeur d’une femme en attente d’un homme?». L’homme est tapi dans l’improbable. Face au silence de cette présence dérangeante, Alexina, effrontée et provocante, interpelle, questionne, cherche le contact et se raconte.
Silence assourdissant
Comédienne en tournage à Marrakech, une scène érotique la sépare de son compagnon. Elle commente alors les regards dérangeants d’hommes sur le corps de femmes, purs fantasmes sexuels. De sa famille, elle épingle une mère culpabilisante, évoque la grand-mère Alexina, et amorce le mystérieux secret du «champ des trois pendus». Nous basculons dans la deuxième partie du spectacle. Alexina, cheveux dénoués, dos voûté, assise sur son tabouret est le seul point lumineux dans l’immense espace sombre. Venue d’outre-tombe, elle est Alexina l’aïeule et raconte enfin l’innommable secret. Nous sommes en 1944, dans une ferme de Normandie où les GI ont apporté la liberté… avec viols à l’appui. Alexina, elle, a été violée par trois GI’s en présence de son mari. Cour militaire improvisée, pendaison expéditive des trois soldats dans les premiers champs du coin. «Leur mort ne m’a pas soulagée, le silence non plus.»
Dans cette pièce, spectacle-témoignage, Anouchka Vingtier est impressionnante d’intériorité, passant de la fausse légèreté aux questions existentielles, du malaise sans réponse jusqu’au secret rendu palpable. Le visage expressif, l’allure souple, elle va et vient, naturelle, sans artifice, tourne, parle, s’arrête à deux pas du public, plante son regard sur nous, interpelle, fronce le sourcil, s’emporte, puis continue, accroupie, adoucie…
La mise en scène de Julie Annen et les lumières de Nathalie Borlée encadrent ce drame en évitant le mélo, malgré la crudité des images et des mots. Elles permettent de faire passer le message fort de l’auteur par une interprète qui tire son énergie d’une fragilité maîtrisée.
Eros medina
Les pièces de Thierry Debroux sont publiées chez Lansman.
Jusqu’au 7 octobre à 21h Théâtre de la Balsamine à Bruxelles.
Le Théâtre de la Balsamine ouvre sa saison, avec la création attendue de la dernière pièce de Thierry Debroux, Eros medina. Sur scène, une comédienne, une lumière, un récit. Du théâtre pur au coeur du silence familial. Le théâtre à répliques de Thierry Debroux (une quinzaine de pièces) trempe dans l’insolite: il joue du réel tout en y insufflant une part de fantastique.
Dans Eros medina, monologue né de l’histoire familiale de la comédienne Anouchka Vingtier, l’auteur nous propose une fiction troublante. Récit labyrinthique, texte à clef, en deux parties, il nous bascule du Maroc à la Normandie, à travers le silence assourdissant des secrets de famille qui rongent toute une lignée. Une lumière sable, striée d’ombre, enrobe une vaste scène, tel le soleil passant à travers des persiennes. Au fond, le mur de briques rugueuses de la Balsa avec, au centre, un simple tabouret de formica comme appui. Nous sommes dans les ruelles de la Médina de Marrakech et une jeune femme blonde, d’allure classique, attaque de front un mystérieux homme qui la suit depuis quelque temps. «Aurai-je l’odeur d’une femme en attente d’un homme?». L’homme est tapi dans l’improbable. Face au silence de cette présence dérangeante, Alexina, effrontée et provocante, interpelle, questionne, cherche le contact et se raconte.
Silence assourdissant
Comédienne en tournage à Marrakech, une scène érotique la sépare de son compagnon. Elle commente alors les regards dérangeants d’hommes sur le corps de femmes, purs fantasmes sexuels. De sa famille, elle épingle une mère culpabilisante, évoque la grand-mère Alexina, et amorce le mystérieux secret du «champ des trois pendus». Nous basculons dans la deuxième partie du spectacle. Alexina, cheveux dénoués, dos voûté, assise sur son tabouret est le seul point lumineux dans l’immense espace sombre. Venue d’outre-tombe, elle est Alexina l’aïeule et raconte enfin l’innommable secret. Nous sommes en 1944, dans une ferme de Normandie où les GI ont apporté la liberté… avec viols à l’appui. Alexina, elle, a été violée par trois GI’s en présence de son mari. Cour militaire improvisée, pendaison expéditive des trois soldats dans les premiers champs du coin. «Leur mort ne m’a pas soulagée, le silence non plus.»
Dans cette pièce, spectacle-témoignage, Anouchka Vingtier est impressionnante d’intériorité, passant de la fausse légèreté aux questions existentielles, du malaise sans réponse jusqu’au secret rendu palpable. Le visage expressif, l’allure souple, elle va et vient, naturelle, sans artifice, tourne, parle, s’arrête à deux pas du public, plante son regard sur nous, interpelle, fronce le sourcil, s’emporte, puis continue, accroupie, adoucie…
La mise en scène de Julie Annen et les lumières de Nathalie Borlée encadrent ce drame en évitant le mélo, malgré la crudité des images et des mots. Elles permettent de faire passer le message fort de l’auteur par une interprète qui tire son énergie d’une fragilité maîtrisée.
Nurten AKA (Bruxelles)
Eros medina
Les pièces de Thierry Debroux sont publiées chez Lansman.
Jusqu’au 7 octobre à 21h Théâtre de la Balsamine à Bruxelles.