Circ Cric

LE CIRC CRIC : DRÔLES DE CRACS

Prix National du Cirque en catalan 2005, le CIRC CRIC n’est pas un débutant des tours de pistes. Depuis vingt ans, en Catalogne, le clown Tortell et son équipe nous rappellent que le cirque peut-être traditionnel et original à la fois : un spectacle plein de vitalité !

Un chapiteau à l’ancienne, une piste ronde mais en bois, sans rebords, un orchestre et des grooms aux costumes rouges. Un homme d’allure clownesque apparaît sur la piste et commence à se maquiller : nous voilà partageant le poétique moment de la naissance d’un clown. Le clown authentique, celui qui fait rire mais qui nous tire aussi la larme de l’oeil, car il est un mélange de joie naïve et de mélancolie, donne son rythme au spectacle avec ses gags burlesques qui s’intercalent entre les numéros. Le coup de la puce (animal déjà exploité par Chaplin) est parmi les meilleurs : plusieurs spectateurs lancent à tour de rôle la puce imaginaire vers le clown, et on l’entend retomber bruyamment dans un sac. Grande ovation finale lorsqu’elle redescend lentement du haut du chapiteau en mini-parachute.

Crédit photo © Patrick Boillaud

Sueurs froides

Malgré une présentatrice-polichinelle des plus ringardes (avec pour circonstance atténuante le fait que le présentateur kitch manque rarement au cirque traditionnel), tous les numéros tentent d’apporter quelque chose de plus à leur spécialité, soit par la mise en scène (accompagnée de costumes plutôt disco), soit par leurs qualités acrobatiques. À trois reprises, le jeu consiste à nous faire croire que l’artiste ne domine pas son numéro, on assiste à des chutes faites exprès, et elles sont même parfois impressionnantes : celle du funambule qui est propulsé contre les premiers rangs laisse un silence de mort dans le chapiteau. On ne sait pas vraiment quoi en penser, et pourtant l’artiste continue de mêler des moments de prouesses à d’autres maladresses qui nous font finalement bien rire. C’est une démonstration de savoir-faire : il est parfois plus dur de faire semblant de tomber, que de réussir parfaitement l’acrobatie. Même principe pour les jongleurs ; le plus doué n’est pas celui que l’on croit ! Un très beau moment quand l’un jongle avec six massues, tandis que l’autre les lui prend et les lui remet dans les mains, sans le déconcentrer. Pas de chute, heureusement, pour le couple de trapézistes qui travaille sans sécurité (juste un petit matelas placé dessous, alors qu’ils sont très haut sous le chapiteau). Était-ce bien nécessaire de nous donner des sueurs froides ? Cela en vaut la peine, lorsque le trapéziste soutient sa partenaire par un baiser, qui nous laisse bouche bée ! Nous n’apercevons le déconcertant subterfuge – un petit bout de fer que chacun d’eux serre entre les dents – qu’une fois le numéro fini.

À côté des spécialités plus classiques – l’équilibriste, la balance –, le numéro, moins courant, de la « roue américaine » est une performance impressionnante : deux acrobates font bouger une grande roue à échelons et bougent eux-mêmes à l’intérieur selon un minutieux jeu de poids et contrepoids ; c’est magique ! Du rire et de l’émotion sous un toit de chapiteau qui défie les immeubles de la ville : le cirque continue de nous faire rêver. Et le CIRC CRIC, joli méli-mélo qui allie le traditionnel au moderne, a su lui donner une touche de vitalité qui nous procure bien des plaisirs.

Clara MILOVANOFF (Barcelone)

CIRC CRIC
Chapiteau itinérant de Pallassos sense fronteres (clowns sans frontières)
Fonts de Montjuic, Barcelone - Avril 2006 - en tournée à partir de mai.