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Festival d'Avignon

10 avril 2008 4 10 /04 /avril /2008 18:46
UN PIEGE PIRANDELLIEN

Pour créer La chance de ma vie, Valérie Grail a choisi de présenter ce qui demeure en principe en amont de la représentation : l’audition des comédiens. Piège pirandellien, le spectacle reposera justement sur leur entretien. Un jeu où chacun montre et cache une vérité impitoyablement traquée par cinq auteurs.

Tout d’abord cinq auteurs qui s’employèrent à rassembler un matériau textuel. À cette fin, ils rencontrèrent de vraies personnes, notamment une classe d’ados. Grâce à ce travail d’orpailleur, ils conçurent une sorte de tissage reliant paroles entendues et mots imaginaires, enfin un texte au sens étymologique du terme. Cela donne un spectacle qui pourrait ressembler à ces savoureuses scènes de portraits vues chez Molière ou Marivaux, ou à un défilé de personnages aux allures, au langage, aux attentes à la fois semblables et contrastées. Car la situation de l’audition crée des règles auxquelles il faut se soumettre. Mais elle implique aussi le surgissement de certaines vérités, de certaines souffrances. Quelque part dans la salle, mi-régisseur, mi-grand inquisiteur, se tient l’ordonnateur de l’interview, maître d’un jeu dont il dose savamment les encouragements amicaux et les injonctions contradictoires. Chacun joue alors sa partition, entre attaques et défenses.


Ainsi, en dépit du caractère convenu de certaines questions, se dessinent devant nous les figures de personnes qui nous amusent, nous attachent, nous étonnent : une jeune fille passionnée de littérature qui rêve de faire vivre les héros de ses pièces favorites, une autre qui donne dans toutes les conventions du genre et qui débite des phrases toutes faites sur l’art théâtral, un "winner" de pacotille qui prend les choses en main, révèle qu’il fut propre très tard et qui récite sans qu’on l’en prie un extrait de Don Juan, une fine mouche qui renvoie l’interrogateur dans ses cordes en lui lançant : « Je ne vois pas bien où vous voulez en venir mais je suppose que vous savez ce que vous faites. » À côté de ces comédiens en quête de rôles, un personnage s’interroge sur cette étrange folie qui consiste à imiter la vie, le théâtre où souvent il s’ennuie. Ironique contrepoint, il raconte lui aussi son existence, si banale que nul cette fois ne songe à se l’approprier ni à en faire un récit exemplaire.

La sobriété de la mise en scène

Pour la mise en scène, Valérie Grail a choisi l’austérité. Au centre de la scène, un cercle lumineux, parfois un inconfortable tabouret où se pose un corps devenu gauche, presque godiche. Les autres acteurs attendent sur un banc, rongeant leurs ongles et leur frein. Le visage des protagonistes apparaît souvent sur un écran pour rappeler les caricatures de la télé-réalité, l’impérialisme de l’image qui caractérise notre époque. Près de la table de régie, l’interrogateur pose ses questions qui tombent d’en haut, pleuvent dru souvent sur le pauvre comédien devenu si vulnérable dans la lumière.

La seule dramaturgie est celle de la succession des postulants. Parfois émergent quelques entorses : velléités de révolte, dénonciation d’un jeu où les dés sont pipés, risques inégalement partagés. Alors, tout est suspendu à la prestation de chaque comédien. Un peu comme dans l’audition qu’il est en train de simuler, c’est en effet sur lui que repose le succès de l’entreprise. Le charme n’opère pas toujours de la même façon. Le public manifeste des préférences, c’est aussi une règle du jeu. Une loi du théâtre qui, à l’inverse de la télé-réalité dont nous parlions, est un art du mentir vrai qui se pratique sans filet.

Yoland SIMON (Le Havre)

La chance de ma vie
Valérie Grail/compagnie Italique
1er volet : L’audition
Théâtre de la foudre, Petit Quevilly, les 1er et 2 avril 2008 à 20h30.
Mise en scène : Valérie Grail
Assistante à la mise en scène : Julie Ménard
De Valérie Grail, Fabrice Melquiot, François Monnié, Jean-Gabriel Nordmann, Rémi de Vos
Musique originale : Stefano Genovese
Lumières : Catherine Reverseau
Régie : Rima Ben Brahim
Avec Pierre Barrat, Daniel Berlioux, Julie Ménard, Audrey Meulle, Catherine SchaubAbkarian, Rainer Sievert, Eléonore Simon
Coproduction : Théâtre du Soleil, Théâtre de Chelles, Scène nationale de Petit-Quevilly/Mont-Saint-Aignan.
Avec le soutien de Beaumarchais et du Conseil régional d’Île de France

Crédit photographique : Photo Michèle Laurent.
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