10 avril 2008
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L’IMPOSSIBLE RETOUR
Revenir de l’enfer, ça laisse des traces, forcément. Un homme est là, seul, sur scène, et il parle de la guerre, sa guerre. Ses 27 mois dans « le cul de Judas », le bourbier angolais dans lequel s’enferra l’armée coloniale portugaise au début des années 70.
On ne sait pas son nom. C’est juste un homme, un homme qui souffre. Et qui boit. Le verre à la main, la bouteille dans la poche, il cherche à s’attirer les faveurs d’une femme, invisible, et lui raconte sa vie de médecin aux armées en Angola. Il lui raconte le sang visqueux, les moignons, les plaies recousues. Il lui raconte l’apprentissage de l’agonie et la peur de la mort. Il lui raconte surtout combien il est flottant, entre deux mondes, pas tout à fait « ici et maintenant » avec son besoin d’amour, mais plutôt encore là-bas, au cours de cette nuit d’insomnie qui ressemble à tant d’autres.
L’œuvre est ancrée dans le réel : l’auteur Antonio Lobo Antunes a participé à la guerre coloniale en Angola en tant que médecin, comme son personnage. Il a publié « Le cul de Judas » en 1979, soit six années après être revenu, durablement marqué, d’Afrique. Son expérience lui a inspiré ses trois premiers romans qui l’ont rendu immédiatement célèbre dans son pays.
Un texte baroque et très écrit
François Duval sert avec maestria un texte très écrit, aux phrases aussi longues et tortueuses que le locuteur est torturé. Avec un sol de tapis rouge sang censé évoquer la splendeur du Portugal, le décor tient en une seule chaise, recouverte d’un drap, déplacée au fil des mots. Les lumières s’estompent par moments, comme pour le passage d’un gros et lourd nuage. Ou peut-être une nuit de souvenirs, qui glisse dans le silence. Puis le monologue reprend, logorrhée sans fin. Comme si la parole seule pouvait sauver. Peut-être parce que se taire reviendrait à mourir.
On ne sait pas où l’on est, tantôt dans un bar, tantôt dans un appartement vide, mais peu importe. On est surtout au fond d’un puit intérieur, à s’accrocher aux phrases et aux mots qui se lient et qui enflent parfois dans l’énervement face à cette « putain de guerre ». L’auteur dit n’être pas intéressé par l’intrigue mais plus par la mise en mots de l’émotion. Cette émotion qui prend le personnage à la gorge ou lui enserre le crâne. Ce texte a beau avoir près de trente ans, il reste éminemment actuel en pointant du doigt, à travers le témoignage d’un survivant, l’horreur sans nom à laquelle conduit la folie meurtrière des hommes.
Texte : Antonio Lobo Antunes
Traduction : Pierre Léglise-Costa
Adapté, mis en scène et interprété par François Duval
Scénographie : Charlotte Maurel
A la Maison de la Poésie, Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75003 Paris
Du 3 avril au 25 mai
Du mercredi au samedi à 21h00 et le dimanche à 17h00
Réservations : 01 44 54 53 00
Photo „ DR
Revenir de l’enfer, ça laisse des traces, forcément. Un homme est là, seul, sur scène, et il parle de la guerre, sa guerre. Ses 27 mois dans « le cul de Judas », le bourbier angolais dans lequel s’enferra l’armée coloniale portugaise au début des années 70.
On ne sait pas son nom. C’est juste un homme, un homme qui souffre. Et qui boit. Le verre à la main, la bouteille dans la poche, il cherche à s’attirer les faveurs d’une femme, invisible, et lui raconte sa vie de médecin aux armées en Angola. Il lui raconte le sang visqueux, les moignons, les plaies recousues. Il lui raconte l’apprentissage de l’agonie et la peur de la mort. Il lui raconte surtout combien il est flottant, entre deux mondes, pas tout à fait « ici et maintenant » avec son besoin d’amour, mais plutôt encore là-bas, au cours de cette nuit d’insomnie qui ressemble à tant d’autres.
L’œuvre est ancrée dans le réel : l’auteur Antonio Lobo Antunes a participé à la guerre coloniale en Angola en tant que médecin, comme son personnage. Il a publié « Le cul de Judas » en 1979, soit six années après être revenu, durablement marqué, d’Afrique. Son expérience lui a inspiré ses trois premiers romans qui l’ont rendu immédiatement célèbre dans son pays.
Un texte baroque et très écrit
François Duval sert avec maestria un texte très écrit, aux phrases aussi longues et tortueuses que le locuteur est torturé. Avec un sol de tapis rouge sang censé évoquer la splendeur du Portugal, le décor tient en une seule chaise, recouverte d’un drap, déplacée au fil des mots. Les lumières s’estompent par moments, comme pour le passage d’un gros et lourd nuage. Ou peut-être une nuit de souvenirs, qui glisse dans le silence. Puis le monologue reprend, logorrhée sans fin. Comme si la parole seule pouvait sauver. Peut-être parce que se taire reviendrait à mourir.
On ne sait pas où l’on est, tantôt dans un bar, tantôt dans un appartement vide, mais peu importe. On est surtout au fond d’un puit intérieur, à s’accrocher aux phrases et aux mots qui se lient et qui enflent parfois dans l’énervement face à cette « putain de guerre ». L’auteur dit n’être pas intéressé par l’intrigue mais plus par la mise en mots de l’émotion. Cette émotion qui prend le personnage à la gorge ou lui enserre le crâne. Ce texte a beau avoir près de trente ans, il reste éminemment actuel en pointant du doigt, à travers le témoignage d’un survivant, l’horreur sans nom à laquelle conduit la folie meurtrière des hommes.
Alexandra FRESSE (Paris)
Texte : Antonio Lobo Antunes
Traduction : Pierre Léglise-Costa
Adapté, mis en scène et interprété par François Duval
Scénographie : Charlotte Maurel
A la Maison de la Poésie, Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75003 Paris
Du 3 avril au 25 mai
Du mercredi au samedi à 21h00 et le dimanche à 17h00
Réservations : 01 44 54 53 00
Photo „ DR