23 février 2008
6
23
/02
/février
/2008
12:50
À LA CROISÉE DES CHEMINS
Fin 1941, entre Berlin et Paris, dans le train qui les ramène vers la capitale française, deux jeunes hommes rouvrent sous nos yeux une page de l’Histoire. Ecrit et mis en scène par Jacques-Yves Henry, Le Voyage de Retour est une exploration temporelle, politique, culturelle et personnelle, qui revient sur la situation européenne durant la guerre, par la rencontre d’un officier allemand et d’un résistant français.
Ce face à face ne tient cependant pas au hasard ; il s’inscrit dans le paysage intellectuel et artistique de l’époque qui voyait certains esprits de l’intelligentsia française partager les ambitions politiques de l’Allemagne hitlérienne. Ainsi, par l’intermédiaire d’un père écrivain pro-nazi, le résistant Paul Chardon se trouve placé sur la route du lieutenant Hans von Hoehler, qui tentera une insidieuse opération de séduction envers le jeune français, sous couvert d’un dépassement des idéologies politiques, d’un échange entre deux esprits liés par des fréquentations et des aspirations communes.
La petitesse de la salle du Carré 30 nous place comme des voyageurs indiscrets qui auraient surpris, au détour d’un wagon, la conversation de deux passagers. Et c’est avec une oreille attentive que nous découvrons un dialogue riche et solide, une parole littéraire et érudite – à l’image de la communauté intellectuelle des personnages – qui mériterait toutefois, de temps à autre, plus de spontanéité.
Histoire et singularités
Cette pièce s’inscrit dans la continuité du travail de Jacques-Yves Henry, dans son exploration du rapport dominant-dominé à l’intersection de la sphère privée et de la sphère publique. La proposition théâtrale réussit à séduire et à capter l’attention au moyen d’un échange travaillé et variablement rythmé, sur un sujet pourtant mainte fois exploité. L’auteur parvient à éviter la rhétorique surannée et à dépasser le simple débat historique sans pour autant le minimiser. Il fait ainsi s’entrechoquer deux singularités, deux sensibilités, par le biais de références culturelles et historiques, sans jamais nous laisser voir qui mène la partie. Derrière l’inévitable opposition politique du lieutenant allemand et du résistant français, Jacques-Yves Henry perçoit deux jeunes esprits dont les goûts, les doutes et les peurs sont peut-être similaires. On appréciera d’ailleurs la subtile absence d’accent de Hans von Hoehler lors de ses quelques apartés ; cette disparition d’un signe distinctif probant et presque accusateur aux yeux de Paul, présent pendant le reste du dialogue, fonctionne comme une suppression du caractère étranger qui sépare les deux hommes, comme une abolition d’un rapport de force induit par l’appartenance à une communauté.
Le Voyage de retour propose donc un itinéraire dichotomique intéressant dont l’ossature scénique reste néanmoins fragile. Pierre Livet et Romain Gorce ne possèdent pas l’assurance et la conviction dont se réclament les personnages, mais conservent le mérite de soutenir pendant plus d’une heure un texte cossu et trapu.
Le Voyage de retour
Texte et mise en scène de Jacques-Yves Henry
Avec Pierre Livet et Romain Gorce
Du 14 au 24 février 2008 au Carré 30, 12 rue Pizay 69001 Lyon
Tel : 04 78 39 74 61
Photo ©
Fin 1941, entre Berlin et Paris, dans le train qui les ramène vers la capitale française, deux jeunes hommes rouvrent sous nos yeux une page de l’Histoire. Ecrit et mis en scène par Jacques-Yves Henry, Le Voyage de Retour est une exploration temporelle, politique, culturelle et personnelle, qui revient sur la situation européenne durant la guerre, par la rencontre d’un officier allemand et d’un résistant français.
Ce face à face ne tient cependant pas au hasard ; il s’inscrit dans le paysage intellectuel et artistique de l’époque qui voyait certains esprits de l’intelligentsia française partager les ambitions politiques de l’Allemagne hitlérienne. Ainsi, par l’intermédiaire d’un père écrivain pro-nazi, le résistant Paul Chardon se trouve placé sur la route du lieutenant Hans von Hoehler, qui tentera une insidieuse opération de séduction envers le jeune français, sous couvert d’un dépassement des idéologies politiques, d’un échange entre deux esprits liés par des fréquentations et des aspirations communes.
La petitesse de la salle du Carré 30 nous place comme des voyageurs indiscrets qui auraient surpris, au détour d’un wagon, la conversation de deux passagers. Et c’est avec une oreille attentive que nous découvrons un dialogue riche et solide, une parole littéraire et érudite – à l’image de la communauté intellectuelle des personnages – qui mériterait toutefois, de temps à autre, plus de spontanéité.
Histoire et singularités
Cette pièce s’inscrit dans la continuité du travail de Jacques-Yves Henry, dans son exploration du rapport dominant-dominé à l’intersection de la sphère privée et de la sphère publique. La proposition théâtrale réussit à séduire et à capter l’attention au moyen d’un échange travaillé et variablement rythmé, sur un sujet pourtant mainte fois exploité. L’auteur parvient à éviter la rhétorique surannée et à dépasser le simple débat historique sans pour autant le minimiser. Il fait ainsi s’entrechoquer deux singularités, deux sensibilités, par le biais de références culturelles et historiques, sans jamais nous laisser voir qui mène la partie. Derrière l’inévitable opposition politique du lieutenant allemand et du résistant français, Jacques-Yves Henry perçoit deux jeunes esprits dont les goûts, les doutes et les peurs sont peut-être similaires. On appréciera d’ailleurs la subtile absence d’accent de Hans von Hoehler lors de ses quelques apartés ; cette disparition d’un signe distinctif probant et presque accusateur aux yeux de Paul, présent pendant le reste du dialogue, fonctionne comme une suppression du caractère étranger qui sépare les deux hommes, comme une abolition d’un rapport de force induit par l’appartenance à une communauté.
Le Voyage de retour propose donc un itinéraire dichotomique intéressant dont l’ossature scénique reste néanmoins fragile. Pierre Livet et Romain Gorce ne possèdent pas l’assurance et la conviction dont se réclament les personnages, mais conservent le mérite de soutenir pendant plus d’une heure un texte cossu et trapu.
Anne CARRON (Lyon)
Le Voyage de retour
Texte et mise en scène de Jacques-Yves Henry
Avec Pierre Livet et Romain Gorce
Du 14 au 24 février 2008 au Carré 30, 12 rue Pizay 69001 Lyon
Tel : 04 78 39 74 61
Photo ©
Partager cet article
