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Festival d'Avignon

5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 23:32
UNE "TRAGÉDIE MUSICALE" !

"Electra" ou "la légende au présent", comme le slogan de la saison 2007-2008 du Théâtre 140 qui fête ses 45 ans, par le Theâtre National Radu Stanca (1) de Sibiu, Roumanie.


Si le directeur-fondateur du 140,  Jo Dekmine,  jette un (bref) regard en arrière sur le chemin parcouru et parle de "son" New-York d'où il fit venir le "Living Theatre" ou le "Bread and Puppet", on voit toujours le découvreur en action. Comme partout dans le monde, comme aujourd'hui. Même appétit de recherche, même capacité d'émerveillement (ce qu'il appelle  "le grand frisson"), même prise de risques : "Vian, Gainsbourg, Polnareff, les Pink Floyd, les salles n'étaient pas pleines; c'était sans doute trop tôt"… En 2007, il persiste et signe, avec toujours le même "feeling".

electra.JPG
Sophocle, Euripide, et la musique populaire du Maramure_ (2) avec trois musiciens-chanteurs omniprésents (le Groupe Iza) dans, et avec, la foule…pour une "superproduction" d'une quarantaine de participants… Mihai M_niu_iu, le metteur en scène inspiré de "Electra" est également responsable d'une adaptation libre, gardant l'essentiel, toute la densité originelle de la tragédie grecque. Une adaptation à la fois très succincte pour ce qui est du texte roumain (3), avec des surtitres en français qui ne s'avèrent pas indispensables tant l'aspect visuel du spectacle est "parlant", riche dans l'expression non verbale qui consiste en une succession de tableaux le plus souvent très animés, d'une grande beauté picturale dont certains ne sont pas sans évoquer les clairs-obscurs de Rembrandt et dans une gestuelle, remarquable dans les mouvements de masse notamment, qui s'apparente à de la chorégraphie (sans chorégraphe cependant… c'est qu'ils ne sont pas mous ces Roumains !).

Sombre et solaire à la fois


Des corps comme autant de masses sombres jonchent le sol. On découvrira plus tard qu'il s'agit d'une petite communauté villageoise condensant à la fois chœur antique, choryphée, précepteur… et partie prenante de l'histoire de famille (royale) qui se déroulera sous nos yeux. La foule sera toujours là, pour soutenir ou pour condamner.

Une scène muette menée par un personnage que l'on devine important - la reine  Clytemnestre - résumera un long discours grâce à un objet symbolique : un très beau cheval à bascule ouvragé et ornementé. Cheval de Troie-rappel de la victoire d'Agamemnon, cheval dont le balancement évoque les choix de la reine, cheval sur lequel on (s')assied en royauté vacillante, cheval révéré ou cheval royal martyr percé de stylets… symbole sujet à bien d'autres interprétations possibles au fil de l'action. L'interprétation réussit la gageure d'être sobre et rude, en même temps que lyrique et dramatique : que ce soit Clytemnestre, les sœurs si différentes Chrysothémis et Electre, toute en passion, comme son frère Oreste, et un Egisthe offrant une parade de conquête pour le moins étonnante, il y a comme une dignité et une tension naturelles qui enveloppent le spectacle et vous coupent le souffle. On a l'impression, non pas d'être à Mycènes et d'évoquer des mythes, mais d'assister "en live" à une tragédie…moderne. Deux cultures archaïques se sont rencontrées.

A l'issue du spectacle, se dégage bien comme une impression de paix joyeuse alors que la conclusion d'Euripide n'est pourtant pas dite : "O race d'Atrée, que tu as souffert pour ta délivrance; à présent, par un sursaut suprême, c'est fait." Il y a eu catharsis, qui prend vraiment tout son sens positif. On ne peut tout de même s'empêcher de rapprocher cette conclusion de l'âme même  de cette population, encore "pure" et proche de ses rituels anciens. N'y a-t-il pas, dans le village de S_pin_a, un "cimetière joyeux", soit des tombes décorées dans des couleurs vives ? Héritage actuel d'une philosophie très ancienne, celle des Daces, qui considérait la mort comme un moment de joie car le défunt entrait dans une vie meilleure…

Suzane VANINA (Bruxelles)

1) poète et dramaturge de la "generatici pierdute" (1920-1962), il a contribué à la relance de Sibiu, maintenant capitale culturelle européenne 2007
2) au nord, dans les Carpathes, la Marmatie fait partie de la Transylvanie ("le pays au-delà des forêts"), une des trois régions de la Roumanie, qu'elle a rejoint après 14-18
3) le roumain fait partie des langues néo-latines, ressemble plus à l'italien qu'au français, et semble le seul à se souvenir, avec le romanche, qu'il tire ses origines de Rome

Electra du 13 au 15.11.2007,
au Théâtre 140 ,  avenue Plasky, 140, 1030 Bruxelles, dans le cadre d'Europalia.europa

Photo © Marian Haiduc
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