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Festival d'Avignon

12 avril 2007 4 12 /04 /avril /2007 23:32
QUESTIONS POSEES, QUESTIONS IMBRIQUEES

Au commencement, d’immenses portes coulissantes aux couleurs de l’asphalte s’ouvrent dans le tumulte des profondeurs marines. Le public est alors plongé sous les mers, dans le vacarme des eaux lorsqu’un homme vêtu, non d’un scaphandre mais d’une tenue de pluie, s’adresse à lui avec les ongles noirs de la poésie.

Puis au fil des scènes et des plans, les portes en perspectives ou frontales donnent la tonalité au récit. Une marionnette, représentant l’enfance, assiste au déroulement de la pièce. Après le monde marin surgit l’urbain et sa violence : on devine la capitale, lieu de pouvoir et de décision. Un passage agité où un homme en tenue militaire semble faire la circulation. Le fond sonore blesse les oreilles et des bruits de motards sont plaqués sur les portes noires d’un enfer auditif.
 Photo © DR

Et puis le personnage du metteur en scène apparaît : il représente le théâtre, il est sombre mais soutient être la mélodie des espaces plus lumineux. Il devient cette lueur d’espoir. Derrière lui se profile le pouvoir politique et l’incessante phrase qu’il impose de répéter à ses sujets : « tout le pouvoir au pouvoir ». La question du langage se pose alors comme une évidence lorsque la violence du pouvoir tend à vouloir l’englober, le supprimer, l’orienter, le dominer, le violer. La création est elle aussi d’emblée immédiatement concernée. Et l’homme des fonds marins souffre parce qu’il est seul, si solitaire qu’il côtoie la mort, celle qui fait chavirer les hommes, même les plus beaux.

La métaphore de la tyrannie perçue comme un venin qui empoisonne les mots, le langage, puis ceux qui le transmettent est d’une lugubre vérité. Sur les portes du pouvoir viennent bientôt s’inscrirent des images, des échos, de l’agitation et puis le visage d’un homme dont les propos semblent représenter la pensée universelle, unique. Et dans l’ombre de ces paroles, « il n’y a pas d’amour sans liberté ni de liberté sans amour », une réflexion trace son sillon pour échapper au cerveau du pouvoir. Le théâtre du poète croate Radovan Ivsic, compagnon de route des surréalistes dès 1954, est une œuvre dramatique qui pose la question de la relation du langage et de la politique. Plus justement, il s’interroge sur la destinée du langage quand le pouvoir tend à vouloir l’absorber.

Toute de noir vêtue

Si, quelques mots devaient suffirent à résumer la pièce présentée par Jacques Bioulès qui dirige le Théâtre du Hangar de Montpellier, il serait incontournable de choisir la profondeur, le noir, la violence, le pouvoir et la liberté. La noirceur est ici dépeinte par le jeu de symboles singuliers mais profonds. Qui n’a pas besoin « de précipices muets » ou « d’ouvrir plus largement les yeux » ? Même l’amour se veut ici désobéissant et du même coup menaçant et menacé. Il anime pourtant la pièce de ses reflets vifs et de ses frivolités enfantines. Protéger de tels emportements ne peut être, aux yeux du pouvoir, que l’œuvre d’un terroriste. Et voilà que le châtiment entre en scène.

C’est un théâtre radical et intellectuel. Un théâtre où l’idéologie ne veut pas céder, où l’auteur s’attaque à la question de la création et de la mise en scène. Il exprime là sa pensée, et elle sera libérée en fonction de l’environnement où elle évolue, telle une empreinte dans l’ombre du théâtre contemporain. Une question de sens à n’en point douter. C’est bien ce qui reste au creux de nos pensées quand la pièce s’achève et que la voix d’une marionnette nous interpelle : « quand je serai grand, ce sera encore plus sanglant ».

Christelle ZAMORA (Montpellier)


Pouvoir dire ou Aiaxaia
Compagnie Jacques Bioulès
Mise en scène Jacques Bioulès
Avec : Fabienne Augié, Jacques Bioulès, Yves Gourmelon, Patrick Hannais, Alexandre Morand, Abder Ouldhaddi, David Stanley, Evelyne Torroglosa.
Lumières Jean-Yves Courcoux
Images : Claude Maurin
Costumes : Françoise Astruc

Du 20 au 31 mars 2007 au Théâtre du Hangar à Montpellier.
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