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Festival d'Avignon

9 janvier 2007 2 09 /01 /janvier /2007 23:53
FINITUDE DU MONDE ET DE LA CONSCIENCE

Le Théâtre des Halles d'Avignon vient de redonner « Fin de partie » de Samuel Beckett qu'il avait créé en 2005. Une oeuvre à la fois très actuelle, d'une terrifiante drôlerie et, peut-être même, prémonitoire du destin de l'humanité.

Le plateau en hémicycle est bordé de panneaux revêtus de papiers peints ternes et déchirés. Tels quels, ils semblent évoquer les murs intérieurs d'un appartement éventré après un bombardement. Entre les panneaux, on devine les ondulations nocturnes d'une mer d'huile, calme comme après une tempête. Le sol est jonché de sacs poubelles pleins à craquer...

Au sein de cet univers claustral strictement théâtral qui pourrait évoquer aussi bien l'intérieur d'une sépulture que celui d'un utérus, ou encore la conscience d'un schizophrène, deux personnages, Clov et Ham, inséparables comme le clou et le marteau, tentent de maintenir de toutes leurs forces leur existence virtuelle de personnages de théâtre... A travers le langage, le discours, les échanges verbaux comme dans leurs relations d'interdépendance : Ham, aveugle et paralytique, est immobilisé dans un vieux fauteuil calé au fond d'un caddy de supermarché et c'est Clov, son fils adoptif, incapable de s'asseoir, qui subvient à ses besoins, répond sans cesse à ses exigences tyranniques. Cette relation inavouée et permanente, quelquefois complice, de maître à esclave rappelle celle entre Pozzo et Lucky dans « Godot »...
 Photo © DR

Une dépendance destructrice

De temps à autre, Clov ouvre des portes dans l'un ou l'autre des panneaux pour laisser surgir de leur vide-ordures respectif deux autres personnages, Nag et Nell, les géniteurs de Ham, coincés au milieu d'autres sacs poubelles et victimes eux aussi de sa tyrannie... Clov sans cesse menace Ham de le quitter, projet auquel il se révèle incapable de donner suite. Il est clair, en effet, que cette séparation signerait inéluctablement la mort de l'un et de l'autre... Clov finira pourtant par quitter Ham qu'il a poussé au milieu des sacs poubelles....

La fin de la pièce, c'est peut-être aussi celle du dernier être humain, figé au centre d'un énorme tas d'ordures. Cette scène finale ainsi mise en espace, avec, quelle intelligence, par Alain Timar, n'évoque-t-elle pas aussi la situation actuelle de notre planète Terre et les risques de sa finitude qu'elle encourt, ainsi que toute l'espèce humaine, par notre faute ?
Au sein d'une distribution homogène et de qualité (Paul Camus, Michèle Laforest et Ivo Palec), Roland Pichaud (Clov) a su donner de son personnage une interprétation forte, très physique et tonique. Un travail exigeant sur le texte l'a conduit à conférer à Clov certains des caractères d'un semi-handicapé psychomoteur, à l'expression verbale heurtée, au comportement vaguement autistique et doté d'une capacité d'analyse supérieure à la moyenne. Est-ce ce trop d'intelligence même qui le rend incapable d'agir ?

Comme Godot, cette pièce de Beckett est une oeuvre inclassable... D'un tragique hilarant, d'une poilante désespérance, elle n'en finit décidément pas, tel un koan zen, de nous poser des questions qui ne peuvent que demeurer sans réponses, sinon se terminer par un gigantesque éclat de rire !

Henri LÉPINE (Avignon)

Fin de Partie, de Samuel Beckett
Mise en scène de Alain Timar

Théâtre des Halles, Avignon, rue du Roi René du 8 au 10 décembre 2006.
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