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Festival d'Avignon

23 juin 2005 4 23 /06 /juin /2005 00:00

LA TENTATION DE L’OGRE

Le samedi 21 mai 2005, exceptionnellement, le metteur en scène avignonnais Jean-François Matignon faisait une lecture de textes de David Peace. J’ai voulu en savoir plus. Nous avons donc pris rendez-vous pour une interview.

Précisons d’abord qu’il s’agit de Red Riding Quartet, une tétralogie, composée par David Peace, de quatre romans : 1974, 1977, 1980 et 1983. Cette œuvre « noire », publiée chez Rivages, est consacrée à la ville de Leeds et à son histoire criminelle, politique et sociale dans les années soixante-dix - quatre-vingt.



Plus précisément, David Peace est marqué, à l’âge de dix ans, par les crimes commis par Peter Sutcliffe, « l’Éventreur du Yorshire », qui a assassiné treize femmes dans les années 1970. Pendant longtemps, l’écrivain croit que le tueur est son père. Directeur d’école, celui-ci s’absente souvent tard le soir. Il pense même que sa mère sera sa prochaine victime. Enfance aux cauchemars noirs comme de l’encre, donc.

Jean-François Matignon découvre le premier tome de la tétralogie grâce à une critique du livre 1974 dans Libération. Tout de suite, il admire l’auteur, David Peace, et pour le fond et pour la forme. Il aime le style efficace et la description politique, sociale, économique de cette partie du Royaume-Uni. Mais il apprécie peut-être encore plus, chez ce romancier, la montée de la terreur au fil des pages. À cet égard, il cite cette phrase éclatante de Rainer Werner Fassbinder : « La peur dévore l’âme. »

Le Mal à l’œuvre

« 1974 est le portrait très précis d’une Angleterre socialement dégradée [nous sommes sous le règne de Margaret Thatcher, N.D.L.R.], où les nantis sont incroyablement corrompus, au détriment des pauvres, bien sûr. Il y a même un meurtre d’enfant, très bien raconté. Peace crée des lieux qui deviennent inoubliables, métaphoriques d’une quantité de choses. C’est un peu comme si la tête de l’auteur ressemblait à la caverne de Platon, avec ses ombres qui s’agitent. En fait, à travers les personnages des journalistes et des flics qui enquêtent, c’est le Mal à l’œuvre dans le monde. Évidemment, ça dérange, ça révèle des fractures intimes, qu’on n’a pas envie de regarder en face, c’est totalement tabou. Mais cette révélation indique une transcendance, qui indique une morale, qui renvoie donc à Dostoïevski. »

« En même temps, qui s’intéresse au Mal s’intéresse aux victimes, et les victimes sont légion, y compris les victimes économiques. »

M. Matignon me raconte que son intérêt pour Peace a été croissant au fil des volumes. Et, dès la lecture du troisième tome, il s’y est intéressé en tant que matériau d’une future création théâtrale.

L’ogre

« Un chant doit naître de tout ça… c’est une histoire d’ogre. C’est la figure mythique et universelle de l’ogre » ajoute-t-il. C’est, d’un certain point de vue, l’histoire des puissants qui mangent les faibles, en d’autres termes : l’injustice fondamentale du monde.

Mais ça évoque également, pour le metteur en scène, « ce mystère énorme qu’exercent les enfants sur les adultes. Mon spectacle précédent, La Tentation de l’ogre, est né du poème de Goethe Le Roi des Aulnes. C’est la question taboue du Mal infligé aux enfants, la question de la tentation et du fantasme ». Qui peut se rattacher à la solitude de l’homme. « La solitude est le pire des maux. Ça amène inexorablement vers des endroits où on n’a pas envie d’aller. J’ai veillé à ce qu’il n’y ait aucune complaisance dans La Tentation de l’ogre et qu’il y ait une énorme rigueur. »

Ce spectacle devait être joué au Festival d’Avignon en 2003 [l’année de la grève des intermittents, N.D.L.R.], dans une ancienne fabrique de robinets, avenue Saint-Jean à Avignon. Pendant deux mois, la compagnie Fraction a aménagé le lieu. Finalement, la décision, déchirante, de faire grève a été prise à l’unanimité, « car cette grève avait un sens ». Parce que « jouer malgré tout était impossible. À la violence du geste du Medef, il fallait opposer une posture radicale. C’est avec une infinie tristesse, un vrai malaise du corps et de l’âme que je me suis résolu, que nous nous sommes décidés à ne pas jouer. Comment dire cela autrement : il le fallait. C’est fait ».

Le travail théâtral sur Peace commencera à devenir public à l’automne 2006 (« ce seront les prémices de cette virée au pays de David Peace ») et va occuper Fraction jusqu’à l’été 2007. « Ce sera un spectacle en plusieurs parties, comme des blocs de thèmes. »

Je serai au rendez-vous.


Lecture d’un extrait de la tétralogie de David Peace (1974, 1977, 1980 et 1983)
Par Jean-François Matignon
Compagnie Fraction – 23, place des Carmes • Avignon
Tél./Télécopie : 04 32 74 06 77
Courriel : fraction@wanadoo.fr
1974, 1977, 1980 et 1983 ont paru en France chez Rivages, coll. « Thriller »
Théâtre Golovine, 1 bis rue Sainte-Catherine • Avignon
Tél. : 04 90 86 01 27 – Télécopie : 04 90 14 09 80
Courriel : theatre_golovine@yahoo.fr
Samedi 21 mai 2005 à 20 h 30

Par ailleurs, la compagnie Fraction va jouer La Peau dure, de Raymond Guérin, pendant le Festival d’Avignon, du 19 au 30 juillet 2005, à 18 h 20, tous les jours au Théâtre Golovine.

Parcours de la compagnie Fraction :
• Le Bouc, Rainer Werner Fassbinder, 1987 ;
• La Peau dure, Raymond Guérin, 1988 ;
• Parle-moi comme la pluie, Tennessee Williams, 1990 ;
• Les Bonnes, Jean Genet, 1992 ;
• Quartett, Heiner Müller, 1993 ;
• Christos et les Chiens, Vidosav Stévanovic, 1994 ;
• Les Âmes en peine, Tennessee Williams, 1995 ;
• La Joie du cœur, Raymond Guérin, 1997 ;
• Lalla (ou la Terreur), Didier-Georges Gabily, 1998 ;
• La Tête vide, Raymond Guérin, 2000 ;
• Hôtel Europa, Goran Stéfanovski, 2000 ;
• Woyzeck, Georg Büchner, 2001 ;
• La Répétition permanente, Vidosav Stévanovic, 2002 ;
• La Tentation de l’ogre, Goethe, Enzo Cormann, Georges Bataille, Charles Péguy, Leonard Cohen, Bertold Brecht, Stig Dagerman, Edmond Jabès, 2002 ;
• La Peau dure (nouvelle création), Raymond Guérin, 2004 ;
• Macbeth, Shakespeare, 2005.

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