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Festival d'Avignon

19 octobre 2006 4 19 /10 /octobre /2006 13:30
Spectacle vu à Namur (Belgique) le 19 octobre 2006 par notre correspondant Michel VOITURIER.

UN DOMPTEUR D’OBJETS SAUVAGES


Johann Le Guillerm est l’âme d’un chapiteau insolite. Il en est seul acteur. Les spectateurs du « Cirque Ici » sont conviés à pénétrer dans le Secret du maître des lieux qui donne vie à des ustensiles inertes et banals tout autant qu’à des constructions inattendues. L’ensemble est imprégné d’art contemporain.

Du contemporain sur piste

La bande son de Werchowski et Ajaguin ressemble par moments aux collages de la « Music Promenade » de Luc Ferrari, aux compositions concrètes d’un Pousseur ou d’un Shaeffer, à des partitions zen autant qu’à des films d’horreur. Les poulaines métalliques de chevalier pourfendeur de monstres que chausse l’artiste n’auraient pas détonné parmi les créatures de plomb signées Saudoyez. La barre, patiemment tordue avant de devenir un être spiralé doté d’une vie invisible, rappelle telle courbe spatiale de Norbert Kricke. La tornade miniature, qui hante la piste en un tourbillon impressionnant et poétique, est cousine d’une réalisation cinétique de Bertrand Lamarche. Le couple au coït tremblotant d’ombres chinoises éclairées par des bougies appartient à « La Famille en laiton » de Calder. L’oiseau de papier blanc renoue avec les lignes esthétiques du design. L’échafaudage improbable qui défie les lois de l’équilibre avec ses madriers juxtaposés et qu’escalade l’acrobate, se situe dans la lignée des assemblages vertigineux de Kawamata.

De la physique pour art


Le Guillerm ne pratique pas le cirque de grand-papa. Il est résolument actuel, inclassable. Même s’il lui arrive, par ses mimiques autant que par les situations, de se référer aux anciennes légendes de paladin en lutte contre les dragons, aux êtres hallucinants issus des manipulations de quelque Frankenstein ou de la littérature fantastique. Ses numéros doivent leur potentiel d’émerveillement à une connaissance assez profonde des lois de la physique. Les fauves que Guillerm dompte et fait défiler sont des bassines et des seaux, lancés en un ballet roulant qui les entrecroise avec élégance. Il les transforme aussi en derviches tourneurs. Un chariot prend son élan grâce à l’écoulement de sable depuis une superposition de pots de fleurs. Un tapis magique se soumet, déroulant de lui-même sa surface à fouler. Chaque séquence frise le paranormal même si le public comprend qu’il y a derrière ces prouesses un considérable travail de recherches. Les éclairages accroissent l’étrangeté. Ils viennent de soufflets suspendus au faîte du chapiteau. Ils s’invitent autour de la piste, en ribambelle de carrousel, formant une rampe de bougies ou de lampes.

Les spectateurs sortent de la tente abasourdis, éblouis. Ils ont communié avec une sorcellerie rassurante mais fabuleusement porteuse d’imaginaire. Conscients peut-être aussi du privilège d’avoir partagé un « secret » qui, d’habitude, ne dresse sa tente que dans les grandes villes du monde entier.

Michel VOITURIER (Lille)

Secret, de Johann Le Guillerm
Après la Maison de la Culture de Tournai, à la Citadelle de Namur jusqu’au 27 octobre à 20 h 30. Infos : 00 32 (0)81 226 026. Du lundi 5 au samedi 24 mars au Théâtre national de Toulouse. Les 8 ,9, 12, 13, 15, 16, 19, 20 22 & 23 juin 2007à Indre, Place du Marché (Basse Indre).

Informations pratiques : sur le site du Festival d'Avignon

Johann Le Guillerm s’est formé au fil et aux arts du clown au Centre national des Arts du cirque. Il est sorti de l’école en 1989 avec les félicitations du jury. Il tourne alors avec Archaos, puis participe à la création de la Volière Dromesko, co-fonde le cirque O avec d’anciens camarades du CNAC et crée son propre cirque, Cirque ici en 1994. Un an plus tard, naît Où ça, son premier solo. En 1996, il obtient le Grand prix national du cirque. En 1999, il entame un voyage de 18 mois sur tous les continents pour confronter ses incertitudes aux déséquilibres des populations marginalisées. Dès son retour en 2001, il pose les premières bases d’ATTRACTION, étape de sa quête de compréhension du monde. Un projet colossal qui comprend à ce jour : Secret, le spectacle, La Motte, phénomène de cirque, Monstration, installation. Ces objets artistiques forment des repères dans l’univers d’un artiste qui s’acharne à voir le monde à 360°.
Au Festival d’Avignon, Johann Le Guillerm a déjà présenté Secret en 2004.

En décalage, comme extérieur au temps, Johann Le Guillerm est un personnage troublant. En piste, il installe ses exploits autant qu’il expose sa vulnérabilité, maniant le symbolique et jouant des complexités de la pensée comme de la trivialité des corps. Secret, le spectacle du projet ATTRACTION, explore la relation de l’artiste à la matière. Numéro après numéro, Johann Le Guillerm va partager avec le spectateur tout ce qu’il sait de ses réactions, de ses métamorphoses. Entre concentration extrême et absurdité narquoise, il se joue des éléments, installe le suspens, vainc ou renonce dans des corps à corps homme-matière qui forment des tableaux d’une mystérieuse poésie. Il feule devant l’adversité, s’acharne sans craindre l’ennui qu’une telle obstination pourrait provoquer et dans la répétition ; affleure quelque chose d’existentiel. Depuis 2004, Secret a évolué ; dépouillé de certains numéros aux performances toutes circassiennes, il gagne en épure. Et les constructions plastiques qui composent le spectacle prennent une importance nouvelle, plus essentielle peut-être à la globalité du projet. Mais on est au cirque, toujours. Un cirque en tensions, entre puissance et fragilité. Et de ce “Secret” partagé, sourd une étrange et sidérale beauté. AQ
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