Ce spectacle a été donné, le 3 avril 2005, dans le cadre des « scènes ouvertes » des VIe Rencontres théâtres banlieues et aux Trois Pilats, la scène la plus joliment intimiste dAvignon, le 4 avril 2005.
Dabord. Dabord, de jolies couleurs. Des costumes noirs, des sièges rouges, des visages blancs. Un pianiste en redingote et gilet, grand style, qui joue, peut-être, le 6e prélude en si mineur, de Chopin. Une scène et des éclairages chauds, moirés docre. Je me sens bien, à labri. La messe peut commencer.
Au soir mélancolique et gris de sa vie, George Sand, vieille, tranquille et fatiguée, est soudain apostrophée par son double, de quarante-deux ans son cadet : « Je suis ta jeunesse, mon George ! » Cette jeune femme lui demande des comptes. Âprement. Ironiquement. La bataille risque dêtre rude. Combien de rêves avons-nous trahis ? Combien de regrets aigres, étriquant notre cur et rétrécissant notre corps, avons-nous accumulés ? De combien de renoncements avons-nous gagé notre âme ? De combien de violences avons-nous blessé notre bonheur ? George Sand le sait, elle, qui dit : « Nous avions rêvé dune autre mort. »
Le texte de Thierry Debroux, magnifique et bouleversant, est tissé dhumour : « une femme qui rêve de changer de parfum rêve de changer de mari » ; maillé de sagesse : « que peut-on comprendre de la mort quand on a quatre ans ? » ; brodé de lucidité : « ce sont toujours les êtres faibles qui nous dominent ». Lil du tisserand est toujours aigu : « Musset a travaillé toute sa vie au suicide de son intelligence. » Laiguille, acérée, est trempée dans lacide : « Le public ne samuse des critiques que si elles sont méchantes. » Mais létoffe est également couturée, parfois, dune venimeuse cruauté : « Cette grosse dinde de Solange [ ] Robespierre des roses ! » Rapiécée, aussi, dune tristesse lasse : « Tous sont morts, tous mont abandonnée. » Pour être ravaudée, « comme une sublime provocation », par une fulgurance finale : « Ma seule drogue à moi, cest lencre dont je barbouille mes livres. » « Ite, missa est ! », la messe est dite, George peut partir, doucement, vers sa mort. Réconciliée.
Nadj Boughalem (George Sand âgée) porte bien la vieillesse et la mélancolie de la Bonne Dame de Nohant. Mais son jeu est inégal, manque encore de précision, dune diction affûtée, dune émotion venue de lintérieur. En revanche, Silvia Cimino (George Sand jeune) convainc par la pétillance nacrée, la vivacité vermillon de son jeu multicolore.
George et Sand, extrait de Sand la scandaleuse, de Thierry Debroux
Mise en forme : Silvia Cimino
Avec : Nadj Boughalem et Silvia Cimino
Musicien : Sylvain Souret
Lumières : Philippe Bercot
Le 3 avril 2005 à 16 h 30 à
LEntrepôt, 1 ter, bd de Champfleury Avignon
6 et 3 , pass 15
Le 4 avril 2005 à 19 h 30 au
Théâtre des Trois-Pilats, 18, place des Trois-Pilats Avignon
Tél. : 04 90 85 67 74
Courriel : Les Trois Pilats
Ce spectacle va être rejoué les 27 et 28 juin 2005 à Compagnie Mises en scène, 1, rue de Bône BP 286 84011 Avignon Cedex 1
Tél. : 04 90 88 47 71
Télécopie : 04 90 89 61 61
Courriel : Mises en scène