18 juin 2009
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L'IMPORTANCE DE RÉSISTER, PAR TOUS LES MOYENS
Ce n'est pas une île paradisiaque mais une geôle infernale où deux hommes trouvent la force de s'épauler pour ne pas sombrer.
Cette île n'est pas nommée. Au départ il s'agit de Robben Island, Cape Town, en Afrique du Sud, où furent incarcérés Nelson Mandela mais aussi John Kani et Winston Ntshona, deux des auteurs de la pièce qu’ils ont tirée de leur pénible expérience, avec Athol Fugard. Pour la première fois, un auteur blanc écrivait avec deux Noirs, en plein apartheid.
En passe de devenir culte désormais, cette œuvre, née sur les lieux mêmes et créée dans la clandestinité en 1973, a passé les océans et été rejouée ensuite de Londres à Paris. La voici à nouveau portée à la scène, mais, sous les noms de Amani et Kembo, en version congolaise au texte légèrement adapté.
On peut (hélas facilement !) élargir l'histoire à tous les prisonniers d'opinion de par le monde, d'hier et d'aujourd'hui. Ici la particularité est que, dimension supplémentaire, Amani est Rwandais et Kembo, Congolais. Nous les voyons après un certain temps passé dans la même cellule, alors que la fameuse "Réconcilation" à l'échelon africain s'est tout à fait réalisée à leur niveau.
Et pourtant, dans cette geôle, pas "d'accompagnement ciblé", pas de "programme de réinsertion". Pour les politiques, bien au contraire, il s'agit de mater les esprits comme les corps, surtout quand il s'agit d'hommes ayant commis le pire des délits pour un régime dictatorial : celui de s'opposer à lui, d'avoir sa propre opinion.
La portée universelle de "l'Île", et d'"Antigone"
Dès l'entrée en salle, de chaque côté d'un plateau au décor minimaliste - deux paillasses, un seau - nous voyons un acteur filiforme et un autre plus massif, occupés à une étrange chorégraphie, un sinistre ballet. On imagine bien un soleil brûlant, du sable, chacun creusant son trou à la pelle, transportant la masse obtenue dans une brouette pour aller la déverser dans le trou que l'autre vient de creuser. Un travail absurde, visant à humilier. Sans un mot, tout est là : la forme actuelle de l'univers destructeur du bagne de jadis.
Pourtant Amani et Kembo ne se sont pas laissés annihiler complètement et préparent tant bien que mal une représentation théâtrale pour le personnel et les détenus de la prison. D'origine et de tempérament bien différents, ils ont réussi à s'entendre, à s'entraider.
Amani essaie de dynamiser un Kembo qui peu à peu, après avoir été hostile à l'idée de jouer une femme, Antigone, prend conscience de la portée du mythe grec. C'est tout à fait convaincus, pénétrés à fond de leur personnage - Amani Créon, Kembo Antigone - qu'ils arriveront à la représentation, dans une prison devenue théâtre l'espace d'un moment.
Théâtre dans le théâtre mais vraie vie se mêlent à la scène car ces deux acteurs professionnels sont réellement, l'un, Ados Ndombasi Banikina (Kembo), Congolais, l'autre, Diogène Atome Ntarindwa (Amani), Rwandais-tutsi, ce qui rend cette création d'autant plus impressionnante, interpellante, dure et pleine d'espoir.
Au Théâtre de Poche, 1a chemin du Gymnase, Bruxelles du 9 au 27 juin 2009, 20 h 30 (sauf di, lu) (Tél: +32(0)2.649.17.27 – www.poche.be )
En tournée : la pièce qui s'est préparée à Kisangani (Congo) avant Bruxelles, y retournera pour une tournée incluant également le Rwanda
L'île/The Island
Texte : Athol Fugard, John Kani, Winston Ntshona (1973)
Traduction française : Marie-Hélène Estienne (éd. Actes Sud/Papiers, 1999)
Mise en scène : Roland Mahauden assisté de Olivier Maloba Banza Umba
Collaboration artistique : Claudio Dos Santos
Scénographie : Olivier Wiame
Interprétation : Ados Ndombasi Banikina, Diogène Atome Ntarindwa
Lumière : Xavier Lauwers
Coproduction Théâtre de Poche/Groupe Taccens (Kisangani)
Photo © Stéphanie Jassogne
Ce n'est pas une île paradisiaque mais une geôle infernale où deux hommes trouvent la force de s'épauler pour ne pas sombrer.
Cette île n'est pas nommée. Au départ il s'agit de Robben Island, Cape Town, en Afrique du Sud, où furent incarcérés Nelson Mandela mais aussi John Kani et Winston Ntshona, deux des auteurs de la pièce qu’ils ont tirée de leur pénible expérience, avec Athol Fugard. Pour la première fois, un auteur blanc écrivait avec deux Noirs, en plein apartheid.
En passe de devenir culte désormais, cette œuvre, née sur les lieux mêmes et créée dans la clandestinité en 1973, a passé les océans et été rejouée ensuite de Londres à Paris. La voici à nouveau portée à la scène, mais, sous les noms de Amani et Kembo, en version congolaise au texte légèrement adapté.
On peut (hélas facilement !) élargir l'histoire à tous les prisonniers d'opinion de par le monde, d'hier et d'aujourd'hui. Ici la particularité est que, dimension supplémentaire, Amani est Rwandais et Kembo, Congolais. Nous les voyons après un certain temps passé dans la même cellule, alors que la fameuse "Réconcilation" à l'échelon africain s'est tout à fait réalisée à leur niveau.
Et pourtant, dans cette geôle, pas "d'accompagnement ciblé", pas de "programme de réinsertion". Pour les politiques, bien au contraire, il s'agit de mater les esprits comme les corps, surtout quand il s'agit d'hommes ayant commis le pire des délits pour un régime dictatorial : celui de s'opposer à lui, d'avoir sa propre opinion.
La portée universelle de "l'Île", et d'"Antigone"
Dès l'entrée en salle, de chaque côté d'un plateau au décor minimaliste - deux paillasses, un seau - nous voyons un acteur filiforme et un autre plus massif, occupés à une étrange chorégraphie, un sinistre ballet. On imagine bien un soleil brûlant, du sable, chacun creusant son trou à la pelle, transportant la masse obtenue dans une brouette pour aller la déverser dans le trou que l'autre vient de creuser. Un travail absurde, visant à humilier. Sans un mot, tout est là : la forme actuelle de l'univers destructeur du bagne de jadis.
Pourtant Amani et Kembo ne se sont pas laissés annihiler complètement et préparent tant bien que mal une représentation théâtrale pour le personnel et les détenus de la prison. D'origine et de tempérament bien différents, ils ont réussi à s'entendre, à s'entraider.
Amani essaie de dynamiser un Kembo qui peu à peu, après avoir été hostile à l'idée de jouer une femme, Antigone, prend conscience de la portée du mythe grec. C'est tout à fait convaincus, pénétrés à fond de leur personnage - Amani Créon, Kembo Antigone - qu'ils arriveront à la représentation, dans une prison devenue théâtre l'espace d'un moment.
Théâtre dans le théâtre mais vraie vie se mêlent à la scène car ces deux acteurs professionnels sont réellement, l'un, Ados Ndombasi Banikina (Kembo), Congolais, l'autre, Diogène Atome Ntarindwa (Amani), Rwandais-tutsi, ce qui rend cette création d'autant plus impressionnante, interpellante, dure et pleine d'espoir.
Suzane VANINA (Bruxelles)
Au Théâtre de Poche, 1a chemin du Gymnase, Bruxelles du 9 au 27 juin 2009, 20 h 30 (sauf di, lu) (Tél: +32(0)2.649.17.27 – www.poche.be )
En tournée : la pièce qui s'est préparée à Kisangani (Congo) avant Bruxelles, y retournera pour une tournée incluant également le Rwanda
L'île/The Island
Texte : Athol Fugard, John Kani, Winston Ntshona (1973)
Traduction française : Marie-Hélène Estienne (éd. Actes Sud/Papiers, 1999)
Mise en scène : Roland Mahauden assisté de Olivier Maloba Banza Umba
Collaboration artistique : Claudio Dos Santos
Scénographie : Olivier Wiame
Interprétation : Ados Ndombasi Banikina, Diogène Atome Ntarindwa
Lumière : Xavier Lauwers
Coproduction Théâtre de Poche/Groupe Taccens (Kisangani)
Photo © Stéphanie Jassogne