15 décembre 2008
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Stephen BUNARD (Paris)
Le Cercle des Menteurs par eux-mêmes :
POURQUOI ?
J'ai créé le Cercle des Menteurs avec des comédiennes et des comédiens que je connais, pour la plupart, depuis plus de vingt ans. En participant à la naissance en France des Matchs d'Improvisations sous les couleurs de la L.I.F. (Ligue d'Improvisation Française), nous avons contribué à populariser cet exercice périlleux qu'est l'improvisation en public.
Le Match d'Impro, comme son nom l'indique, est basé sur les lois du sport et de la compétition. Deux équipes s'affrontent en improvisant sur des thèmes tirés au hasard par un arbitre et les points sont donnés par le public qui vote apès chaque improvisation. Un concept génial (inventé par Robert Gravel et Yvon Leduc, deux québécois dont je salue ici la folie contagieuse) qui s'est répandu dans toute la francophonie et connaît même aujourd'hui une ampleur internationale.

Pourtant, au fil des années, en participant à de nombreuses rencontres, je me suis souvent surpris à regretter que l'esprit sportif l'emporte sur celui du théâtre.
C'est en partant de ce regret que je me suis mis à cogiter sur un concept où toute forme de compétition serait exclue. Un concept où notre expérience et notre complicité seraient au seul service des histoires que nous inventons, mais où chaque acteur aurait la liberté d'agir et d'intervenir selon ses idées et l'inspiration du moment. Un concept structuré, au rituel immuable, où le public aurait aussi, bien sûr, son mot à dire.
C'est donc en cogitant sur ces envies et en tentant de les appliquer qu'est né Le Cercle des Menteurs.
Que soient remerciés ici tous ceux qui m'ont suivi dans cette aventure et qui s'adonnent encore aujourd'hui au seul vrai plaisir qui nous anime : celui de partager sans avoir à compter, de faire rêver sans avoir à gagner.
Christian SINNIGER
"Chaque mot est la portion visible
de tout un univers caché"
C'est en découvrant cette phrase dans le magnifique ouvrage d'Henri Castin-Girsin, "Mes clés du centre réel", qu'un soir tout à commencé.
Pour je ne sais quelle raison, ce court énoncé enfièvra mon esprit déjà bougrement surchauffé. Une puissance mystérieuse, doublée d'une énigmatique invitation à la songerie, semblait en émaner.
Si comme l'auteur le prétendait, des univers entiers se cachaient derrière les mots, par quel moyen secret pouvait-on partir les explorer ?
Bientôt cette question m'occupa tout entier et ne m'apparut plus que comme un défi lancé au monde l'imaginaire. La nuit durant, je la retournais en tous sens (ce qui est ridicule, car une question n'a de sens que si elle est correctement formulée). Au petit matin, épuisé, je me décidais finalement à m'en poser une autre : un mot, un simple mot, pouvait-il par la seule force de son évocation, faire jaillir une histoire et donner vie à des personnages ?
Oui, bien sûr, me répondis-je immédiatement.
Mais si oui, pourquoi partir explorer des mondes que l'on peut tout aussi bien inventer sur place. Ce constat, somme toute satisfaisant, m'amena illico à me poser une nouvelle question : l'invention, dés lors qu'on l'emploie pour conter une histoire, n'est-elle point considérée comme un mensonge ? Cette fois je tenais ma réponse. Je revins au livre d'Henri-Castin Girsin et cherchai le paragraphe que je subodorai pertinent. C'est celui-ci que je reproduis ci-après, in extenso :
Le théâtre n'est que mensonge, mais un mensonge joyeux ou les deux parties sont de connivence. Art du faux par excellence, il demande au décor de représenter, au temps de jouer à couler, au spectateur de jouer à croire et à l'acteur de jouer à être. Un jeu où tout est feint et où tout le monde fait comme si.
C'est ainsi que l'idée me vint de créer une confrérie vouée à l'invention, ou, plus exactement, à la mensongerie divertissante.
Enthousiasmé et malgré la fatigue, j'alertai aussitôt quelques fieffés complices et leur fit part de mon projet. Je vis, dans la pénombre de mon alcôve, leurs yeux battre des mains, et je sus dans la ferveur enflammée du moment qu'ils venaient à leur tour de sucomber à la folie naissante d'une nouvelle aventure.
Mentir pour le plaisir, mentir pour divertir, tel allait être désormais notre credo.
J'inscrivis sur mon grimoire la date historique de notre assemblée et nous partimes illico propager sur le monde nos imprévisibles activités.
Le Cercle des Menteurs était bel et bien né.
Frère Désiré Moimême
en l'an 1992 du véritable calendrier.