TOUBIB OR NOT TOUBIB ?
Jean-Claude Cotillard se livre à un numéro assez exceptionnel en se donnant corps et âme à un texte sublime de Daniel Pennac. On peut toutefois regretter que le spectacle vire au one-man show, où les partenaires sont inexistants et la mise en scène, pourtant intéressante, presque accessoire.
Un homme traverse la scène de long en long, une clé à molette à la main et précédé d’un pneu. Un deuxième personnage le rejoint, propre sur lui et attaché-case dans le prolongement de son avant-bras. Ce dernier va, bien malgré lui, être l’auditeur parfois désabusé de cet étrange mécanicien qui va raconter son passé de F.F.I (faisant fonction d’interne) il y a vingt ans et comment sa vie a basculé au cours d’une nuit de cauchemar tout éveillé dans un hôpital.
Entre fougue induite par des énumérations grandiloquentes et moments de pure poésie quand on s’y attend le moins, les mots de Daniel Pennac constituent du pain béni pour un comédien. Parfois la patine du burlesque recouvre un surréalisme proche de Queneau qui n’est pourtant jamais loin de l’âpre vérité que la condition humaine laisse évader de ses comportements. Ici l’arrivisme con et dangereux qui se lit sur une carte de visite brandie comme un étendard de la vantardise sert de fil rouge aussi drôle que pitoyable avec son texte, épitaphe grotesque sur la tombe de la modestie. Le corps médical n’est finalement qu’un prétexte à cette énorme farce. Il ne s’agira nullement d’en démonter les rouages si souvent sujets à controverses, même si le personnel soignant n’est pas vraiment non plus érigé en parangon de professionnalisme. Le texte s’intéresse plus à l’homme qu’au médecin…
Jean-Claude Cottillard s’est emparé de ce terreau fertile et plante un décor habile, tout en fausses transparences avec moyens vidéo et rideau qu’on ferme et rouvre sans cesse comme pour alterner les non-dits qu’on veut masquer et les vérités bonnes à dire. Le travail de mise en scène s’avère intéressant. Celui du comédien Cotillard aussi. L’alchimie des deux laisse davantage sur sa faim, moins à cause de la performance du comédien que l’utilisation de tout ce qui n’est pas lui. En effet, tout tourne autour de lui. Un peu trop. Les effets visuels, les partenaires, pourtant bons, sont à son service et réduits souvent à la portion congrue (on parlerait presque plus de figurants que de véritables partenaires). On se dit que finalement, le one-man show aurait été aussi efficace, voire davantage, car rien n’aurait parasité la prestation du comédien qui de toute façon s’accapare la scène (avec ferveur, du reste) de bout en bout.
Franck BORTELLE (Paris)
Diagnostic
De Daniel Pennac
Mise en scène : Alan Boone et Jean-Claude Cotillard
Avec André Antébi, Paul Bouffartigue, Jean-Claude Cotillard, Nicole Genovese
Décors : Charlotte Smoos et Katia Siebert
Costumes : Claire Djemah
Lumières : Mathieu Courtaillier
Création sonore : Franck Combe
Théâtre Daniel-Sorano, 16 rue Charles Pathé à Vincennes (Métro : Château de Vincennes ou RER Vincennes)
Du 12 novembre au 21 décembre du mercredi au samedi à 20h45, dimanche à 16 heures
Réservations : 01 43 74 73 74 ou www.espacesorano.com