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FRAGMENTS TRANCHANTS DE NOTRE NÉANT
Les jeunes lauréats du Conservatoire de Liège savent qu’on ne devient comédien qu’en jouant. Ils se sont donc mis à créer leurs propres spectacles, mini structures dramatiques dans lesquelles ils ont l’occasion de tout réaliser : scénario, texte, éclairage, musique, jeu corporel, travail vocal…
Accueilli par la baratineuse chanteuse Sandrine Bergot et son pianiste Frederik Lebeer, le public est mis dans le bain dès son arrivée au foyer. Il sera mené de Charybde en Scylla à travers des moments grinçants de notre univers déboussolé par la démence de son propre fonctionnement.
Voyage d'hiver, 1ère partie
Noir. Un objet mystérieux surgit un peu sous une pénombre. Des bruits, des cris. Débarque un être qui descend à la corde à nœuds. C’est une mise au monde, à notre monde. Là où les abeilles disparaissent, récit logorrhée sous tension, ponctué d’un travail exacerbé au piano.
Là où les appels téléphoniques sur portable envahissent l’existence de
leurs indiscrétions, de leur matraquage publicitaire, des promesses fallacieuses d’un quelconque bonheur matériel, de leur racolage pour actions humanitaires. Une escalade jouée sur la mise en superposition de chaises et de tables, accumulation visuelle de l’invasion auditive tandis que les messages s’entrecroisent, se télescopent, s’annihilent, exaspèrent.
Là où des suspectés de tout et de n’importe quoi subissent des interrogatoires. Car on y tue, on s’y débarrasse de sa mère encombrante s’il le faut, en prenant pour argument la fin de la reine Marie-Antoinette sous la Révolution française. Car les enquêteurs sont blasés, les criminels cyniques.
Là où la compétition, suggérée par des figures chorégraphiques sur rollers lumineux, transforme les employés des sociétés en stakhanovistes, en ogres dévoreurs des collègues pour obtenir un monopole et des distinctions honorifiques factices, en gourmands d’argent à dépenser. Là où on disparaît dans le noir de l’oubli, en un réduit obscur qui pourrait bien être un caveau au sein duquel les cris s’éteignent et disparaissent avec la fin inéluctable.
C’est un peu hétéroclite. C’est une panoplie convaincue de l’énergie et de la générosité donnée aux spectateurs pour qu’ils accompagnent des personnages qui, parfois, se répètent trop mais en lesquels les jeunes comédiens croient d’autant plus qu’ils les ont inventés.
Het maakt nieks uit, het blijft onzichtbaar
Amené en un lieu annexe du théâtre, le public se retrouve engradiné face à une pyramide à rayures burenniennes. Une silhouette exaltée, au sommet, de dos, se momifie avec de l’adhésif transparent, avant de plonger sur le plateau. Elle a pris des allures de mutante pour orchestrer sa performance dont le titre signifierait en français : «Ça n’a pas d’importance, c’est invisible».
Rythmé par une bande son éclectique, parodique, paroxystique, une sorte de cauchemar mimé, dansé, habite Émilie Jonet. Elle se déchaîne par saccades. Elle s’empare de jouets devenus des partenaires délirants. La structure centrale accouche de dizaines de bras de poupées qui la palpent, la caressent, la meurtrissent. Elle dégorge des objets vite malmenés, quasi violentés. La créature se retrouve avec du sang plein les cuisses, maniant aussi bien un masque à gaz qu’une ombrelle.
Les fantasmes s'empilent. Le rire grince. Le corps frémit. Le rythme ne faiblit guère. Les images ne laissent nul repos. La violence s’installe. C’est un moment explosif, cohérent, nimbé d’un fantastique de B.D. ou de films concoctés par les frères Quay.
Apocalypse Know
Pour en finir avec notre dérive consommatrice, gaspilleuse, égoïste, voici le monologue du pétrole de Marie Simonet. Il est écrit avec une rigueur argumentative qui ne souffre aucun contre-argument. Comme tout dépend du pétrole dans la course à la dégradation planétaire, elle démontre avec fougue, virtuosité capable d’user de tons fort diversifiés, que nous courons à la catastrophe intégrale, prévisible, inévitable. C’est d’une effrayante drôlerie.
Au Théâtre de l’Ancre (122 rue de Montigny) à Charleroi du 16 au 26
septembre
Voyage d'hiver, 1ère partie
Texte, interprétation : Grigory Collomb, Romain David, Benoît Piret et Jean-Baptiste Szézot Porteur du projet : Benoît Piret
Régie et regard extérieur : Sarah Testa
Het maakt nieks uit, het blijft onzichtbaar
Création et interprétation : Émilie Jonet
Manipulation : Anabel Lopez, Anaïs Moreau
Direction : Mathias Simons
Apocalypse Know
Texte, interprétation Marie Simonet
Assistanat : Saskia Brichart
Direction : Philippe Laurent
Production : Conservatoire royal de Liège – Festival de Liège
Photos © Lou Hérion
Les jeunes lauréats du Conservatoire de Liège savent qu’on ne devient comédien qu’en jouant. Ils se sont donc mis à créer leurs propres spectacles, mini structures dramatiques dans lesquelles ils ont l’occasion de tout réaliser : scénario, texte, éclairage, musique, jeu corporel, travail vocal…
Accueilli par la baratineuse chanteuse Sandrine Bergot et son pianiste Frederik Lebeer, le public est mis dans le bain dès son arrivée au foyer. Il sera mené de Charybde en Scylla à travers des moments grinçants de notre univers déboussolé par la démence de son propre fonctionnement.
Voyage d'hiver, 1ère partie
Noir. Un objet mystérieux surgit un peu sous une pénombre. Des bruits, des cris. Débarque un être qui descend à la corde à nœuds. C’est une mise au monde, à notre monde. Là où les abeilles disparaissent, récit logorrhée sous tension, ponctué d’un travail exacerbé au piano.
Là où les appels téléphoniques sur portable envahissent l’existence de
leurs indiscrétions, de leur matraquage publicitaire, des promesses fallacieuses d’un quelconque bonheur matériel, de leur racolage pour actions humanitaires. Une escalade jouée sur la mise en superposition de chaises et de tables, accumulation visuelle de l’invasion auditive tandis que les messages s’entrecroisent, se télescopent, s’annihilent, exaspèrent.
Là où des suspectés de tout et de n’importe quoi subissent des interrogatoires. Car on y tue, on s’y débarrasse de sa mère encombrante s’il le faut, en prenant pour argument la fin de la reine Marie-Antoinette sous la Révolution française. Car les enquêteurs sont blasés, les criminels cyniques.
Là où la compétition, suggérée par des figures chorégraphiques sur rollers lumineux, transforme les employés des sociétés en stakhanovistes, en ogres dévoreurs des collègues pour obtenir un monopole et des distinctions honorifiques factices, en gourmands d’argent à dépenser. Là où on disparaît dans le noir de l’oubli, en un réduit obscur qui pourrait bien être un caveau au sein duquel les cris s’éteignent et disparaissent avec la fin inéluctable.
C’est un peu hétéroclite. C’est une panoplie convaincue de l’énergie et de la générosité donnée aux spectateurs pour qu’ils accompagnent des personnages qui, parfois, se répètent trop mais en lesquels les jeunes comédiens croient d’autant plus qu’ils les ont inventés.
Het maakt nieks uit, het blijft onzichtbaar
Amené en un lieu annexe du théâtre, le public se retrouve engradiné face à une pyramide à rayures burenniennes. Une silhouette exaltée, au sommet, de dos, se momifie avec de l’adhésif transparent, avant de plonger sur le plateau. Elle a pris des allures de mutante pour orchestrer sa performance dont le titre signifierait en français : «Ça n’a pas d’importance, c’est invisible».
Rythmé par une bande son éclectique, parodique, paroxystique, une sorte de cauchemar mimé, dansé, habite Émilie Jonet. Elle se déchaîne par saccades. Elle s’empare de jouets devenus des partenaires délirants. La structure centrale accouche de dizaines de bras de poupées qui la palpent, la caressent, la meurtrissent. Elle dégorge des objets vite malmenés, quasi violentés. La créature se retrouve avec du sang plein les cuisses, maniant aussi bien un masque à gaz qu’une ombrelle.
Les fantasmes s'empilent. Le rire grince. Le corps frémit. Le rythme ne faiblit guère. Les images ne laissent nul repos. La violence s’installe. C’est un moment explosif, cohérent, nimbé d’un fantastique de B.D. ou de films concoctés par les frères Quay.
Apocalypse Know
Pour en finir avec notre dérive consommatrice, gaspilleuse, égoïste, voici le monologue du pétrole de Marie Simonet. Il est écrit avec une rigueur argumentative qui ne souffre aucun contre-argument. Comme tout dépend du pétrole dans la course à la dégradation planétaire, elle démontre avec fougue, virtuosité capable d’user de tons fort diversifiés, que nous courons à la catastrophe intégrale, prévisible, inévitable. C’est d’une effrayante drôlerie.
Michel VOITURIER (Bruxelles)
Au Théâtre de l’Ancre (122 rue de Montigny) à Charleroi du 16 au 26
septembre
Voyage d'hiver, 1ère partie
Texte, interprétation : Grigory Collomb, Romain David, Benoît Piret et Jean-Baptiste Szézot Porteur du projet : Benoît Piret
Régie et regard extérieur : Sarah Testa
Het maakt nieks uit, het blijft onzichtbaar
Création et interprétation : Émilie Jonet
Manipulation : Anabel Lopez, Anaïs Moreau
Direction : Mathias Simons
Apocalypse Know
Texte, interprétation Marie Simonet
Assistanat : Saskia Brichart
Direction : Philippe Laurent
Production : Conservatoire royal de Liège – Festival de Liège
Photos © Lou Hérion