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Festival d'Avignon

7 juin 2008 6 07 /06 /juin /2008 17:38
PERFORMANCE GRINCANTE

Les centres culturels étrangers sont bien souvent perçus comme les vitrines d'une culture. On pourrait alors croire que les artistes accueillis participent  plus de la valorisation de l'état représenté que de sa mise en question. Que l'on se rassure, ce n'est pas le cas au Centre Culturel Suisse.

La structure helvétique dont l'un des objectifs est de « faire connaître en France la création contemporaine helvétique » évite l'écueil de l'auto-congratulation. Toujours et encore. Préférant au contraire la (re)mise en question à travers une programmation ambitieuse qui pointe au passage les contradictions et préjugés suisses. Ainsi, actuellement, tandis que côté exposition c'est John Armleder et Jacques Garcia qui investissent les lieux, côté spectacle vivant le CCS a accueilli un spectacle énergique aux attaques sans équivoques. Relevant d'ailleurs autant du théâtre que de la performance, Les pauvres sont tous les mêmes ou des chevreuils à vive allure est une proposition féroce de Marielle Pinsard. L'artiste lausannoise a écrit la pièce suite à une invitation d'Hubert Colas lors du festival d'Avignon 2005. Ce qui avait alors été présenté en lecture devient ici un véritable objet scénographique. À la forme directe, sans artifices.


Un homme au sol, entouré de quelques cartons, occupe un coin de la scène. On comprend vite qu'il n'est pas l'un des comédiens, mais le vidéaste, « customisé » et intégré dans l'espace. Un clochard pour tout décor donc, avec sur le mur central un tableau. Ou plutôt un cadre vide. Rentrent trois femmes. Jeunes, apprêtées, toutes de blanc vêtues mais chacune cultivant un style propre que ce soit dans le choix de la robe, des talons ou du sac à mains. Elles nous tournent le dos pour contempler le tableau qui s'anime. La plus boulote prend la parole, mais est interrompue par les « chutt! » de ses comparses. Après quelques secondes, toutes trois se retournent et débutent leurs adresses directes au public.

Mécanique de la peur

Ce protocole se reproduira par trois fois, rythmant ce qui devient une dégringolade dans le  pire de leurs confidences. Avec légèreté, les jeunes femmes évoquent leur rapport à la mendicité. On aborde pèle-mêle les solutions pour remédier à la situation des mendiants, ou la crainte et le dégoût qu'ils suscitent. De banalités en lieux communs on glisse insensiblement vers une colère et une rage froide envers le pauvre, responsable de la « désagréable » culpabilité qu'il suscite.

À l'image du tableau virtuel qui se compose au fil du spectacle dans le cadre, les comédiennes esquissent le visage d'une société suisse bourgeoise bien-pensante, engluée dans ses préjugés. Cette escalade grinçante dans la xénophobie et la mauvaise foi mène les amies jusqu'à se lancer dans une fiction, où chacune interprète mentalement les rôles de « pauvres ». Mais cette « mise en jeu » à la mécanique étrange fera vaciller les certitudes. Difficile au final d'être véritablement protégé et d’échapper à toute remise en question... La fiction laissera des traces dans le réel et lorsque les amies se sépareront, leurs adieux seront chargés d'inquiétudes.

Dans cette création encore inégale formellement, Marielle Pinsard pointe avec franchise et ironie une classe sociale percluse de peurs et d'individualisme. Le texte épingle avec une férocité abrupte – et drôle! - les postures contemporaines face à la suspicion que nous inspire « les pauvres ». L'adresse directe au public, ainsi que le jeu énergique des comédiennes donnent au propos une efficacité grinçante. Cette plongée dans la rhétorique de la persécution est rythmée de phrases ritournelles et de tensions musicales soutenant avec justesse l'ensemble. Mais si la première partie du spectacle transmet avec clarté le texte, la seconde partie, plus confuse, perd elle son sujet. La montée hystérique dans la fiction suscite un malaise diffus, difficilement identifiable. La mécanique de jeu jusqu'alors réglée et rigoureuse devient plus brouillonne, pesante. On peine à saisir le sens de cette mise en jeu, moins convaincante et précise que le reste de la proposition. Pourtant le trouble est bien là... Souhaitons au spectacle qu'il trouve, avec le temps, l'énergie et la précision indispensable à la réussite de cette partition terriblement incisive.

Caroline CHÂTELET (Paris)

Les Pauvres sont tous les mêmes ou des chevreuils à vive allure
Texte et mise en scène : Marielle Pinsard
Jeu : Catherine Büchi, Julie Cloux, Tiphanie Bovay
Vidéo : Michael Spahr
Lumières et technique : Laurent Prunier

au Centre Culturel Suisse, 32-38 rue des Francs Bourgeois, 75003 Paris, T. 01 42 71 44 50,  www.ccsparis.com
du lundi 19 au jeudi 22 mai à 20h

Photo © DR

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commentaires

A
l'une des meilleures du site ! bravo, encore !
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Chronique FraÎChe