13 mars 2008
4
13
/03
/mars
/2008
23:59
NERFS D’ACIER POUR MECS EN TAULE
Guantanamo met en scène un univers concentrationnaire vu à travers deux personnages qui s’affrontent et se déchirent pour mieux se reconnaître et se respecter. Malgré quelques facilités dans l’articulation de la progression, une pièce forte et très recommandable.
Guantanamo. Deux hommes dans une cage. Un prisonnier français d’origine arabe et un G.I., genre de Rambo de l’an 2000, dont la mission est de transférer ce détenu de sa cage à la salle d’interrogatoire une fois par jour. Malgré l’interdiction de se parler, le dialogue va s’installer, ponctué de coups. Coups bas, coups de poings, coups de gueule.
Deux êtres que tout oppose et qui finissent par se trouver plus de points communs que de divergences : le fond n’est guère nouveau. En revanche, la transposition dans une geôle de Guantanamo annihile toute impression de déjà vu. Le propos en laissant la part belle à cette découverte de l’autre, offre une page d’humanisme qu’un contrepoint résolument antimilitariste et américanophobe fait résonner plus fort encore. Il nous met aussi face à notre incoercible besoin de communiquer, car parler c’est vivre.
Ainsi les mots sont souvent durs (« T’es une poubelle. Je te fourgue mes angoisses dans la gueule » rétorque le soldat à son prisonnier surpris d’un soudain élan de confession de son geôlier), les gestes gratuitement violents. Au fil des jours qui passent, suggérés par un effet de mise en scène minimaliste (extinction des projecteurs comme celle des feux à l’armée et qui appelle le silence dans les chambrées), les gestes se font moins brusques, plus solidaires et les langues se délient pour laisser passer autre chose que des harangues et de la bestialité. La confiance s’installe…
Et le duel devient duo
L’évolution progressive, quasi pointilliste du récit rend cette transition crédible. Relayée par deux comédiens criants de vérité dont la performance relève de la gageure (jouer dans une cage de cinq mètres carrés), cette histoire qui commence par des conciliabules proches de l’onomatopée et se termine par des phrases aussi fortes que « Vous avez vraiment tout aux Etats-Unis. Alors pourquoi aller faire chier les autres peuples hors de vos frontières ? », prend les allures d’une métaphore de la civilisation, de l’âge de pierre à la communication rendue possible par le simple truchement des mots. Mais avec cette chape de plomb de l’enfer carcéral où s’impose la solitude. Cette solitude qui fait dire au prisonnier « Tiens il pleut, j’avais perdu l’habitude d’avoir de la visite » ou encore « Un terroriste, à part ses aveux, ça ne s’entend pas ».
La cigarette partagée, l’audace crescendo du prisonnier, deux histoires d’une troublante similitude sous le vernis de la dissemblance, la compassion croissante et réciproque de ces deux solitaires : autant de petits détails vont tisser le canevas de ce duel qui devient duo, passant de l’impossibilité d’une entente à son inéluctabilité, de deux « je » à un « on ».
Même si l'on peut trouver parfois le procédé dépourvu de finesse et certaines situations assez improbables (mais l’humain est bourré de ces improbabilités qui forgent les héros), il reste que cet affrontement nous met en face d’une réalité qu’on aimerait égoïstement bien pouvoir oublier…
Guantanamour de Gérard Gelas
Mise en scène : Gérard Gelas
Avec Damien Rémy et Guillaume Lanson
Vingtième théâtre, 7 rue des Plâtrières, 75020 Paris
Tel : 01 43 66 01 13
Du 7 mars au 27 avril 2008, du mercredi au samedi à 21h30. Dimanches à 17h30 et jeudis à 14h30
Guantanamo met en scène un univers concentrationnaire vu à travers deux personnages qui s’affrontent et se déchirent pour mieux se reconnaître et se respecter. Malgré quelques facilités dans l’articulation de la progression, une pièce forte et très recommandable.
Guantanamo. Deux hommes dans une cage. Un prisonnier français d’origine arabe et un G.I., genre de Rambo de l’an 2000, dont la mission est de transférer ce détenu de sa cage à la salle d’interrogatoire une fois par jour. Malgré l’interdiction de se parler, le dialogue va s’installer, ponctué de coups. Coups bas, coups de poings, coups de gueule.
Deux êtres que tout oppose et qui finissent par se trouver plus de points communs que de divergences : le fond n’est guère nouveau. En revanche, la transposition dans une geôle de Guantanamo annihile toute impression de déjà vu. Le propos en laissant la part belle à cette découverte de l’autre, offre une page d’humanisme qu’un contrepoint résolument antimilitariste et américanophobe fait résonner plus fort encore. Il nous met aussi face à notre incoercible besoin de communiquer, car parler c’est vivre.
Ainsi les mots sont souvent durs (« T’es une poubelle. Je te fourgue mes angoisses dans la gueule » rétorque le soldat à son prisonnier surpris d’un soudain élan de confession de son geôlier), les gestes gratuitement violents. Au fil des jours qui passent, suggérés par un effet de mise en scène minimaliste (extinction des projecteurs comme celle des feux à l’armée et qui appelle le silence dans les chambrées), les gestes se font moins brusques, plus solidaires et les langues se délient pour laisser passer autre chose que des harangues et de la bestialité. La confiance s’installe…
Et le duel devient duo
L’évolution progressive, quasi pointilliste du récit rend cette transition crédible. Relayée par deux comédiens criants de vérité dont la performance relève de la gageure (jouer dans une cage de cinq mètres carrés), cette histoire qui commence par des conciliabules proches de l’onomatopée et se termine par des phrases aussi fortes que « Vous avez vraiment tout aux Etats-Unis. Alors pourquoi aller faire chier les autres peuples hors de vos frontières ? », prend les allures d’une métaphore de la civilisation, de l’âge de pierre à la communication rendue possible par le simple truchement des mots. Mais avec cette chape de plomb de l’enfer carcéral où s’impose la solitude. Cette solitude qui fait dire au prisonnier « Tiens il pleut, j’avais perdu l’habitude d’avoir de la visite » ou encore « Un terroriste, à part ses aveux, ça ne s’entend pas ».
La cigarette partagée, l’audace crescendo du prisonnier, deux histoires d’une troublante similitude sous le vernis de la dissemblance, la compassion croissante et réciproque de ces deux solitaires : autant de petits détails vont tisser le canevas de ce duel qui devient duo, passant de l’impossibilité d’une entente à son inéluctabilité, de deux « je » à un « on ».
Même si l'on peut trouver parfois le procédé dépourvu de finesse et certaines situations assez improbables (mais l’humain est bourré de ces improbabilités qui forgent les héros), il reste que cet affrontement nous met en face d’une réalité qu’on aimerait égoïstement bien pouvoir oublier…
Franck BORTELLE (Paris)
Guantanamour de Gérard Gelas
Mise en scène : Gérard Gelas
Avec Damien Rémy et Guillaume Lanson
Vingtième théâtre, 7 rue des Plâtrières, 75020 Paris
Tel : 01 43 66 01 13
Du 7 mars au 27 avril 2008, du mercredi au samedi à 21h30. Dimanches à 17h30 et jeudis à 14h30