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Festival d'Avignon

12 février 2008 2 12 /02 /février /2008 00:41
TOUS LES CHÔMEURS S'APPELLENT OHNE

Frais émoulus du cours Florent, trois jeunes comédiens s’emparent d’un texte brillant pour en faire, sous la férule d’une metteuse en scène très inspirée, un spectacle maîtrisé et méchamment drôle. Ca mérite plus que des encouragements…


Ils s’appellent tous Ohne (« sans » en allemand). Sans emploi. Sans famille. Sans espoir. Sans véritable langage qu'un sabir qu'ils ont inventé. Pendant trois jours, ils se succèdent à l’ANPE, écopent du même numéro de passage, ne voient pas passer leur tour et, le soir venu, au moment de la fermeture, pètent les plombs. L’employé va s’humaniser et les écouter. Déboule un parent défunt du chômeur au milieu des procédures de remplissage du formulaire…

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Ce « formulaire bleu » à remplir, plus épais que le dossier de mise en examen d’un ministre véreux, des employés réduits à l’état d’automates obnubilés par les numéros de passage de l'usager... la rigidité du système administratif est ici poussée à son absurdité paroxystique autant que l'aliénation de « l’homme sans » par « l’homme avec » (sans / avec un job avec le flot de conséquences que cela induit). Deux pôles qui constituent l'ossature de ce texte naviguant sur les flots de l'outrance, truffé d’aphorismes et persillé de bons mots dont la polysémie crée à maintes reprises de pétillants quiproquo d’une irrésistible drôlerie.

Pour appuyer là où ça fait mal, l’auteur réduit ces êtres humains à leur plus stricte motivation sociale : chercher du boulot pour les uns,  exercer le leur pour les autres avec tout ce que cela implique quand on a le pouvoir de martyriser un innocent –et plus encore un indigent- avec un formulaire. De leur existence, rien. De timides coups de fil passés à un hypothétique conjoint pour dire qu’on sera en retard pour le souper et l’intrusion de la mère défunte au milieu de cette mascarade socio-administrative. Mais d’où sort-elle ? Du corps du chômeur !

L'humour plus fort que la mort

Cette métaphore du mort qui sommeille en tout demandeur d’emploi est relayée par celle de la dislocation du même chômeur par l’entremise d’une chaise puzzle, fil conducteur du spectacle et trait d'union entre la noirceur du propos et son contrepoint drolatique. Cet humour, parfois noir et macabre, rétablit donc l’équilibre et fait même pencher la balance du côté des rires.

Si l’immobilisme empesé des fonctionnaires, souligné par de grotesques frusques que Courteline eut adorées, apporte une touche de drôlerie, c’est bien le mouvement induit par une mise en scène énergique et énergisante qui confère à ce spectacle sa fraîcheur vivifiante et sa permanente efficacité. Trois tableaux, un seul décor, neuf personnages interprétés par trois comédiens dans un ordre judicieusement choisi. En effet, l’employé de l’agence devient le chômeur de l’acte suivant. Jamais l’inverse. La roue aux dents d’acier tourne toujours dans le même sens, celui de l’inéluctable paupérisation qu’une fragilité sociale endémique induit inévitablement.

Il convient d’ajouter à ce concert de louanges méritées une interprétation digne des plus aguerris dont celle, toutefois dominante, de Eve Herszfeld. Dans la peau de l’employée psychorigide ou celle de la demandeuse d’emploi du dernier acte, elle déploie une palette de jeu spectaculaire, jouant avec toute sa bonhomie corporelle et des mimiques faciales sans que jamais la caricature ne prenne le pas sur la véracité du personnage.

Ces jeunes, bourrés de talent, qui nous rappellent que nous sommes tous un jour ou l’autre les « Ohne » de quelqu’un, ne devraient pas avoir de problème pour rapidement être des « mit » (« avec » en allemand). Un tel talent est rare. Trop rare pour demeurer inaperçu.

Franck BORTELLE (Paris)

Ohne, de Dominique Wittorski (2002)
Mise en scène : Anne Évrard, assistée de Cédric Leproust

Avec Cédric Leproust, Eve Herszfeld, Fabrice Riou, les chanteurs Maïlis Dupont, Marine André, Nicolas Audebaud et la pianiste Alice Béhague
Chansons : Anne Evrard (textes) et Alice Béhague (musique)
Décors : Thierry Grand et la compagnie Vita Brevis
Lumières : Anne Evrard et Cédric Leproust
Costumes : compagnie Vita Brevis

Texte édité par Acte Sud Papiers

Durée 1h30

Les 6, 7, 8 et 9 février à 20h au théâtre de la Jonquière, 88 rue de la Jonquière, 75017 Paris (métro : Brochant) Réservations : 01 46 07 25 24 ou par SMS au 06 19 58 39 62 ou par courriel à vita-brevis@hotmail.fr

Du 10 février au 30 mars, les vendredis et dimanches à 19h45 au Théâtre Pixel, 18 rue Championnet, 75018 Paris, Réservation 01 42 54 00 92 ou par SMS au 06 19 58 39 62 ou par courriel à vita-brevis@hotmail.fr



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commentaires

P
Très bonne soirée avec cette pièce. Elle montre bien l'isolement du demandeur d'emploi face à l'ANPE. A quand un accompagnement humain au lieu d'une "mise en fiche" des personnes. Belle interprétation; les "rôles tournants" montrent que chacun peut se retrouver un jour ou l'autre dans une situation difficile face à la "machine administrative" qui fait peu de cas des situations personnelles difficiles. On ne s'ennuie pas une seconde tant le jeu des acteurs et la mise en scène sont dynamiques. Bravo les jeunes.
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L
Allez vite voir ces jeunes comédiens époustouflants, dans la mise en scène originale d'une pièce cynique et drôle. Dans la salle, un seul spectateur est resté de marbre. Peut-être était-ce un vrai fonctionnaire de l'ANPE... ?? Il ne faut surtout pas rater cette occasion de passer une excellente soirée au théâtre, et en plus c'est  moins cher qu'ailleurs !
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Chronique FraÎChe