20 novembre 2007
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17:30
DIRE L'INDICIBLE
En pleine Libération, l’horreur de la guerre éclate au grand jour : des milliers de déportés sont attendus, la plupart ne reviendront pas. Tandis que le Général de Gaulle impose une journée de deuil national pour la mort de Roosevelt, le peuple français pleure ses disparus.
Une femme attend son mari. Elle s'appelle Marguerite. Prénom qu'elle déteste. Mais quelle importance à présent ? Alors qu'elle ne vit plus qu'à demi ? Que seule l'attente remplit sa vie. « Jusqu'à en mourir. » Si Robert L., son mari déporté, ne revient pas des camps de concentration : elle en mourra, c'est sûr. S'il revient, « j'en mourrai » dit-elle aussi. Comme si toutes ses forces vives se concentraient dans l'attente sans fin.
« Avril ». Le mot résonne, comme une promesse. Mais les jours passent en vain. « Pas de nouvelles ? », « Non, pas de nouvelles. » De nouveaux camps se libèrent. Mais là-bas, alors que les alliés s'approchent de Berlin pour mettre la ville à feu et à sang, on continue de fusiller. On tire sur des ombres. Les ombres décharnées des hommes qui étaient parqués là.
À quoi bon lire des journaux et des listes de noms éparses pour ne jamais voir le sien ? Marguerite se décide à agir, avec le peu d'énergie qui lui reste, avec le peu d'espoir qui lui reste...
Elle fonde un petit journal indépendant, au titre évocateur : « Libres ». Destiné à recenser tous les prisonniers et déportés libérés. Avec l'audace de celle qui n'a plus rien à perdre, elle s'installe au Centre d'Orsay, par où ils transitent. Pour établir ses listes, méthodiquement, pour ne plus penser, jusqu'à la nausée. Tandis que son ami interroge les rescapés. « Connaissez-vous Robert L. ? »
Dans le silence de la nuit
Dans le silence de la nuit, alors que l'espérance s'est presque évanouie, un coup de fil retentit. Des déportés l'ont vu deux jours auparavant. Il était encore vivant ! Cependant, sa vie ne tient plus qu'à un fil. Et peut-être ne pourra-t-il pas atteindre Paris... Le compte à rebours commence. Dans un suspense insoutenable.
À son retour, rien n'est vraiment terminé. Et rien ne sera plus comme avant. Méconnaissable, il lutte pendant des jours et des jours. Marguerite doit lui cacher son épouvante. Jusqu'à ce qu'il recouvre petit à petit l'usage normal de ses fonctions vitales. Mais que reste-t-il de lui-même ? D'eux-mêmes ?
Le texte de La Douleur, édité dans les années 80 par Paul Otchakovsky-Laurens, émane du journal, tenu en 1945, par cette jeune femme, qui n'était autre que Marguerite Duras, attendant alors son époux, Robert Antelme. Retrouvé par l'auteur des années après, il témoigne, comme en attestent d'autres extraits non mis en scène ici, de son engagement politique et de son implication dans la Résistance.
Au-delà de sa valeur historique et autobiographique, il est déjà l'œuvre d'un écrivain majeur. Sur la scène, il devient un monumental monologue mis en voix par une comédienne qui rend à la fois la fragilité du personnage et sa force insoupçonnable, son courage, par delà la vie et la mort. Toute en retenue, en émotion contenue, au diapason de ce temps suspendu, de ce cri muet. Dans une mise en scène épurée, minimaliste.
La Douleur
Texte : Marguerite Duras (éditions P.O.L, 1985)
Interprétation : Sylvie Maury
Mise en scène : Francis Azéma
Production : Laurent Husson et Katy Vite
Théâtre du Pavé
34, rue Maran
31000 Toulouse
Tél. : 05 62 26 43 66
reservation@theatredupave.org
Site internet : http://www.theatredupave.org
Au Théâtre du Pavé à Toulouse du 20 novembre au 1er décembre 2007
Photo © Patrick Moll
En pleine Libération, l’horreur de la guerre éclate au grand jour : des milliers de déportés sont attendus, la plupart ne reviendront pas. Tandis que le Général de Gaulle impose une journée de deuil national pour la mort de Roosevelt, le peuple français pleure ses disparus.
Une femme attend son mari. Elle s'appelle Marguerite. Prénom qu'elle déteste. Mais quelle importance à présent ? Alors qu'elle ne vit plus qu'à demi ? Que seule l'attente remplit sa vie. « Jusqu'à en mourir. » Si Robert L., son mari déporté, ne revient pas des camps de concentration : elle en mourra, c'est sûr. S'il revient, « j'en mourrai » dit-elle aussi. Comme si toutes ses forces vives se concentraient dans l'attente sans fin.
« Avril ». Le mot résonne, comme une promesse. Mais les jours passent en vain. « Pas de nouvelles ? », « Non, pas de nouvelles. » De nouveaux camps se libèrent. Mais là-bas, alors que les alliés s'approchent de Berlin pour mettre la ville à feu et à sang, on continue de fusiller. On tire sur des ombres. Les ombres décharnées des hommes qui étaient parqués là.
À quoi bon lire des journaux et des listes de noms éparses pour ne jamais voir le sien ? Marguerite se décide à agir, avec le peu d'énergie qui lui reste, avec le peu d'espoir qui lui reste...
Elle fonde un petit journal indépendant, au titre évocateur : « Libres ». Destiné à recenser tous les prisonniers et déportés libérés. Avec l'audace de celle qui n'a plus rien à perdre, elle s'installe au Centre d'Orsay, par où ils transitent. Pour établir ses listes, méthodiquement, pour ne plus penser, jusqu'à la nausée. Tandis que son ami interroge les rescapés. « Connaissez-vous Robert L. ? »
Dans le silence de la nuit
Dans le silence de la nuit, alors que l'espérance s'est presque évanouie, un coup de fil retentit. Des déportés l'ont vu deux jours auparavant. Il était encore vivant ! Cependant, sa vie ne tient plus qu'à un fil. Et peut-être ne pourra-t-il pas atteindre Paris... Le compte à rebours commence. Dans un suspense insoutenable.
À son retour, rien n'est vraiment terminé. Et rien ne sera plus comme avant. Méconnaissable, il lutte pendant des jours et des jours. Marguerite doit lui cacher son épouvante. Jusqu'à ce qu'il recouvre petit à petit l'usage normal de ses fonctions vitales. Mais que reste-t-il de lui-même ? D'eux-mêmes ?
Le texte de La Douleur, édité dans les années 80 par Paul Otchakovsky-Laurens, émane du journal, tenu en 1945, par cette jeune femme, qui n'était autre que Marguerite Duras, attendant alors son époux, Robert Antelme. Retrouvé par l'auteur des années après, il témoigne, comme en attestent d'autres extraits non mis en scène ici, de son engagement politique et de son implication dans la Résistance.
Au-delà de sa valeur historique et autobiographique, il est déjà l'œuvre d'un écrivain majeur. Sur la scène, il devient un monumental monologue mis en voix par une comédienne qui rend à la fois la fragilité du personnage et sa force insoupçonnable, son courage, par delà la vie et la mort. Toute en retenue, en émotion contenue, au diapason de ce temps suspendu, de ce cri muet. Dans une mise en scène épurée, minimaliste.
Bernadette POURQUIÉ (Toulouse)
La Douleur
Texte : Marguerite Duras (éditions P.O.L, 1985)
Interprétation : Sylvie Maury
Mise en scène : Francis Azéma
Production : Laurent Husson et Katy Vite
Théâtre du Pavé
34, rue Maran
31000 Toulouse
Tél. : 05 62 26 43 66
reservation@theatredupave.org
Site internet : http://www.theatredupave.org
Au Théâtre du Pavé à Toulouse du 20 novembre au 1er décembre 2007
Photo © Patrick Moll