4 décembre 2007
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UNE SOLITUDE PERTURBÉE
Dans un lieu dévasté, un être cherche ses repères. Il se heurte à ses souvenirs concrétisés par des objets. Il affronte la venue d’un étranger qui perturbe son univers. Ils sont, tous deux, comme Robinson Crusoë et Vendredi, destinés à s’apprivoiser.
La représentation commence par un cataclysme. Grondement, éclatements, vibrations et chaos. Puis une lueur en quête d’un espace retrouvé. Alors se distingue une silhouette étrange. Un homme, oui, mais à l’allure de ces poupées dont les membres inférieurs sont une boule lestée et qui, bousculées, retrouvent toujours leur précaire équilibre. C’est un homme handicapé par ses petites jambes, engoncé dans un costume noir, visage figé par un maquillage blanc de clown triste.
Le lieu où il vit est hors du temps. Il a ses quatre murs, c’est évident, même si deux sont invisibles, car l’occupant finit par y ouvrir une brèche à la tronçonneuse. C’est un lieu au sein duquel les bruits de l’extérieur surgissent dès qu’on ouvre une porte, un tiroir, un placard. Un lieu du dedans-dehors. Tout comme le personnage, mi-extraverti, mi-renfermé sur lui-même.
Le bonhomme soliloque, marmonne, raconte, songe. Il va et vient, sans cesse, chipote, range, dérange. Et voilà que de la coulée de terre qui a envahi la pièce par la fenêtre, dépasse un pied humain. Et si on tire sur ce pied, un corps entier jaillit. Celui d’un intrus qui est le double et le contraire de l’occupant, nu, libre, souple, resplendissant de santé. Se tisse alors une relation d’attirance-répulsion, d’approches et de fuites. De sérénité et d’agacement.
Le nouveau venu semble être le fantasme surgi du cerveau du Grand Nain. Il est aussi l'immixtion du monde extérieur dans son microcosme intérieur. Il tient du miroir comme de l’image d’un rival. Il est l’Autre avec des habitudes, des attitudes étrangères. Le chassé-croisé entre les deux personnages est inévitable.
De cela naît une sorte de désespérance. Une réflexion à propos de la solitude existentielle de chacun, de l’apocalypse qui menace la survie du monde et peut ravager chaque individu pris dans ses contradictions. Il y a du Beckett derrière cette vision. Avec une sorte de rivalité entre le glacial et le sensuel, l’intellectualisation des gestes ou des mots et la volupté du corps. C’est en tout cas la plénitude vitale du passant fugace qui disparaît derrière le toit après une escalade de la façade, tandis que la solitude reparaît, faute d’avoir pu réaliser ce dont elle rêvait.
Ce tragique clownesque et expérimental ne laisse pas indifférent même s’il est fragmentaire. Il met le public dans le malaise de se reconnaître sans posséder toutes les clés, d’être exclu tout en étant pris à partie, d’être emporté par le jeu tout en cherchant une émotion à partager.
Le Grand nain
Texte, distribution : Jambenoix Mollet, Philippe Eustachon
Mise en scène : Philippe Eustachon
Scénographie, costumes : Yvette Rotscheid
Lumières : Anne Vaglio
Bande son : Thomas Turine
Production : Cie Anomalie
À la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq du 13 au 17 novembre.
En tournée : le 4 décembre à L'Odyssée de Périgueux ; le 7 au Théâtre d'Arles - Scène conventionnée pour des écritures d'aujourd'hui ; mai- juin 2008 dans le cadre du festival
Dedans-Dehors au Théâtre de Bretigny du Val d'Orges ; le 20 juin 2008, au Centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon, Ollioules.
Dans un lieu dévasté, un être cherche ses repères. Il se heurte à ses souvenirs concrétisés par des objets. Il affronte la venue d’un étranger qui perturbe son univers. Ils sont, tous deux, comme Robinson Crusoë et Vendredi, destinés à s’apprivoiser.
La représentation commence par un cataclysme. Grondement, éclatements, vibrations et chaos. Puis une lueur en quête d’un espace retrouvé. Alors se distingue une silhouette étrange. Un homme, oui, mais à l’allure de ces poupées dont les membres inférieurs sont une boule lestée et qui, bousculées, retrouvent toujours leur précaire équilibre. C’est un homme handicapé par ses petites jambes, engoncé dans un costume noir, visage figé par un maquillage blanc de clown triste.
Le lieu où il vit est hors du temps. Il a ses quatre murs, c’est évident, même si deux sont invisibles, car l’occupant finit par y ouvrir une brèche à la tronçonneuse. C’est un lieu au sein duquel les bruits de l’extérieur surgissent dès qu’on ouvre une porte, un tiroir, un placard. Un lieu du dedans-dehors. Tout comme le personnage, mi-extraverti, mi-renfermé sur lui-même.
Le bonhomme soliloque, marmonne, raconte, songe. Il va et vient, sans cesse, chipote, range, dérange. Et voilà que de la coulée de terre qui a envahi la pièce par la fenêtre, dépasse un pied humain. Et si on tire sur ce pied, un corps entier jaillit. Celui d’un intrus qui est le double et le contraire de l’occupant, nu, libre, souple, resplendissant de santé. Se tisse alors une relation d’attirance-répulsion, d’approches et de fuites. De sérénité et d’agacement.
Le nouveau venu semble être le fantasme surgi du cerveau du Grand Nain. Il est aussi l'immixtion du monde extérieur dans son microcosme intérieur. Il tient du miroir comme de l’image d’un rival. Il est l’Autre avec des habitudes, des attitudes étrangères. Le chassé-croisé entre les deux personnages est inévitable.
De cela naît une sorte de désespérance. Une réflexion à propos de la solitude existentielle de chacun, de l’apocalypse qui menace la survie du monde et peut ravager chaque individu pris dans ses contradictions. Il y a du Beckett derrière cette vision. Avec une sorte de rivalité entre le glacial et le sensuel, l’intellectualisation des gestes ou des mots et la volupté du corps. C’est en tout cas la plénitude vitale du passant fugace qui disparaît derrière le toit après une escalade de la façade, tandis que la solitude reparaît, faute d’avoir pu réaliser ce dont elle rêvait.
Ce tragique clownesque et expérimental ne laisse pas indifférent même s’il est fragmentaire. Il met le public dans le malaise de se reconnaître sans posséder toutes les clés, d’être exclu tout en étant pris à partie, d’être emporté par le jeu tout en cherchant une émotion à partager.
Michel VOITURIER (Lille)
Le Grand nain
Texte, distribution : Jambenoix Mollet, Philippe Eustachon
Mise en scène : Philippe Eustachon
Scénographie, costumes : Yvette Rotscheid
Lumières : Anne Vaglio
Bande son : Thomas Turine
Production : Cie Anomalie
À la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq du 13 au 17 novembre.
En tournée : le 4 décembre à L'Odyssée de Périgueux ; le 7 au Théâtre d'Arles - Scène conventionnée pour des écritures d'aujourd'hui ; mai- juin 2008 dans le cadre du festival
Dedans-Dehors au Théâtre de Bretigny du Val d'Orges ; le 20 juin 2008, au Centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon, Ollioules.