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Mois AprÈS Mois

Festival d'Avignon

25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 20:46
MOISISSURE AMOUREUSE

Franz Xaver Kroetz ne s’est pas contenté d’écrire une tragédie du quotidien, dans laquelle deux sous-héros se déchirent un plat de boulettes et les fesses de leur négresse : il s’est aussi attaqué, avec une poigne naturaliste, à mettre en scène son propre texte, traduit de l’allemand. Qui d’autre en aurait eu l’audace ?

Un appartement miteux accueille un début de scène érotique, puis voit arriver l’ancien mari, déchet ambulant qui vient réclamer son dû – des slips propres – et prouver qu’il sera encore vivant tant qu’il pourrira l’existence misérable de son épouse. Cette dernière, princesse d’un royaume pitoyable, fière et soumise à la fois, balaie le plateau de cour à jardin, de sa nouvelle conquête au mari, sans trouver ni tendresse ni réconfort.


Mère de cinq enfants qu’elle entretient seule ainsi que son intérieur (« tout est propre »), battue, ridiculisée par sa chtouille (MST), prise comme bout de viande indésirable, elle accepte ce cauchemar sans force, à moitié nue, la cigarette au bec. Quant au petit dernier, jeune prince machiste et violent, il joue à l’invisible mais se délecte de la barbarie conjugale et de boulettes-purée. Et si le prince charmant n’existait pas ?

Grandeur et décadence

Tout est dit, vu, vécu en temps réel. Le public plonge dans les profondeurs de la misère sociale à travers des dialogues torchés mais criants de justesse, ou reste insensible face à un jeu qui s’étend trop, dans l’espace et le langage. Si nos trois acteurs sont brûlants de ce réalisme cru qui secoue notre conscience, ils se détournent de l’horreur par un parler lent, des accents populaires poussés à l’extrême, un faux contact entre les comédiens.

Finis les jeunes premiers et le langage de Racine : populisme, vulgarité et petitesse humaine sont le lot de notre vie, que le théâtre se doit, parfois, de représenter. Voilà qui est fait. Une pièce dont le sujet parlera à tous, dont l’expression scénique choquera certains.

Julie LEMAIRE (Bruxelles)


Au Théâtre National (Studio) du 11 au 21 février 2009 à 20h30, Boulevard Emile Jacqmain, 111-115, Bruxelles (02 203.41.55 – www.theatrenational.be)

Negerin
Texte et mise en scène : Franz Xaver Kroetz assisté de Tatjana Pessoa
Traduction : Danielle De Boeck
Lumières : Joël Bosmans
Costumes et accessoires : François Lefebvre
Interprétation : Laurent Caron, Didier De Neck, Anne Tismer

Durée du spectacle : 1h30.

Coproduction : Festival de Liège / Théâtre National

Photo © DR
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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 20:41
SCIENCE-FICTION A LA SAUCE FINLANDAISE

"Le théâtre doit être un loup, pas un mouton" : tel est le credo de Kristian Smeds, metteur en scène finlandais pour sa dernière création. Le ton est donné : attention les yeux, et les oreilles ! Son projet, en mettant en cause le devenir de l'Europe, est de toucher du doigt ce que dissimule la fameuse globalisation.

Le résultat est un assemblage de séquences qui s'enchaînent sans liens logiques immédiats, une grosse machine tragicomique qui fait appel à tous les sens, grâce à des techniques variées : projections vidéos, vidéo life et même engins volants en salle. Dame ! ne sommes-nous pas en 2069 … dans une Europe disciplinée, unie et conventionnelle – délicieux ballet de tutus du début – qui va découvrir une poche de résistance.


A savoir une sorte de télé pirate, "Mental Finland", diffusant la contestation nationale, et une musique affreusement décadente, depuis un container du Nord (qui subira de nombreux avatars au gré d'autant de séquences). Des "barbares des temps modernes" en surgiront, hilares et grossiers, bousculant tout sur leur/s passage/s à transformations multiples.

On peut trouver le plat trop copieux (150 min.) mais chacune de la quinzaine de séquences accroche, avec son ambiance particulière, et doit être vue comme un reportage sur le vif où l'impression de naturel prévaut. Les interpellations directes au public ne sont pas exclues.

Il y a un petit côté "Strip-Tease" (l'émission télévisée RTBF) dans certaines, comme cette mise à nu de relations interfamiliales sordides. Avec la séquence où un merveilleux acteur, virtuose d'un langage inconnu, incarne à lui tout seul l'´Étranger frappant au portail de la grande Maison Europe (en l'occurrence la porte d'un sauna), d'où il finira par se faire éjecter et massacrer, on atteint au tragique. Dans d'autres - une curieuse partie de cow-boys/indiens - on nage  dans le nonsense à la Monty Python et, avec le lynchage de l'ultime idole, le Père Noël, dans une activité rigolo-subversive à la Jan Bucquoy, c'est un "Joyeux Bordel" pour un final hénaurme !

Bruxelles : détestable ou fascinante ?

"Vue de Finlande", Bruxelles est  "politico-administrative et détestée" mais après la découverte de sa culture, "in the mood", on lui trouve de grands points communs -  autodérision et surréalisme - avec la mentalité finlandaise. La collaboration entre le KVS belge et le "Smeds Ensemble" finlandais de Kristian Smeds ne date pas d'hier (4ème coproduction depuis 2002) et s'avère fructueuse à tous points de vue. C'est ainsi que des danseurs de nationalités différentes, installés à Bruxelles sont pour moitié de la distribution comportant des acteurs de renom finlandais.

In fine, que l'on adore ou reste plus mitigé, cette création mondiale porte une réussite incontestable : celle d'avoir réuni tant de gens différents dans une énergie commune pour un projet tout à fait cohérent, malgré les apparences…

Suzane VANINA (Bruxelles)

Du 11 au 22 février 2009, 20 h, au KVS BOL – Tél : +32(0)2.210.11.12 – www.kvs.be - Voir aussi : www.dramacorner.fi

"Mental Finland" : en finnois et estonien, + allemand, anglais et bikuru, surtitré NL/FR/EN

Texte, mise en scène : Kristian Smeds, assisté de Reeta Tuoresmäki (+ surtitrages)
Dramaturgie : Ivo Kuyl
Scénographie : Juraté Paulekaité
Conception vidéo : Ville Hyvönen
Chorégraphie : Ari Numminen assisté de Laura Lee Kamppila
Interprétation : Juhan Ulfsak, Kalle Holmberg, Eva Klemets, Tarja Heinula, Tommi Korpela, H-P Björkman, Janne Reinikanen
Danse : Eléonore Valère, Milton Paulo, Laura Lee Kamppila, Domenico Giustino, Milla Koistinen, Stefan Baier, Ana Cristina Velasquez,
Lumière : Gérard Maraite
Son : David Simeon Lipp, Thomas Binder-Reisinger
Costumes, réalisation décors, animations diverses, technique : ateliers du KVS

Production : KVS/Smeds Ensemble
Coproduction Finnish National Theatre (Helsinski)/Linz & Vilnius Cultural Capitals 2009/

Photo © Bart Grietens
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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 20:34
SOMBRE DRAME EN FORME DE COMÉDIE MUSICALE…

C'est dans le cadre d'un petit Festival au titre éloquent :"Elles causent…" regroupant des écritures nouvelles de femmes que le théâtre "Les Tanneurs" propose cette création, exemplaire de ce que l'on peut avoir comme surprise de leur part !


Le pitch de l'histoire est en forme de faits-divers : "Mort suspecte : Sally B., une jeune femme, a été trouvée écrasée dans un banc solaire au cœur de son appartement ; on cherche à savoir pourquoi et comment  cela a pu se passer; une veillée funéraire s'y déroule pendant trois jours".


Si l’on se fiait à ce résumé, on pourrait s'attendre à une pièce policière classique, un thriller à la Hitchcock. Rien de tout cela, ou plutôt par bouffées malsaines, traversant un petit délire en trois "actes", dû à l'imagination, à la plume et à la mise en scène de Anne-Cécile Vandalem. 

Celle-ci a bien l'intention de plonger le spectateur dans l'angoissante réalité fragmentée de Sally B., qui sera à la fois terrifiante, grotesque et cruellement drôle pour qui apprécie l'humour noir fait de kitsch, de trash, comme de paillettes : coulées de sang et de liquides divers avec coiffures pimpantes et chorégraphies rigolotes.

Une précision diabolique

Avec méthode et une maîtrise parfaite dans la direction d'acteurs, la jeune metteuse en scène fait évoluer ses interprètes - dont elle-même - dans un décor évoquant un aquarium pour le spectateur-voyeur : le 4ème mur habilement employé est une large paroi transparente. Décor  exhumé des années 50, scénographie, ombres/lumières et environnement sonore, qui revêtent ici une importance particulière, sont en adéquation idéale avec le propos initial.


Que ce soit Brigitte Dedry, mère plutôt dérangée, Zoé Kovacs, invalide brutale, Anne-Cécile Vandalem, sœur inquiétante ou Lara Persain, la voisine (trop) pleine de vie, elles nous font croire à ces personnages qu'on voudrait "hors du commun"… et ne jamais rencontrer !

Une nunuche pour trois harpies : quatre femmes dans un huis clos infernal où la maison semble un cinquième personnage par ses manifestations agressives… relevant quasi du paranormal. Il est vrai que  nous sommes dans la tête de Sally B. en pleine crise, avec ses peurs, ses tocs, ses idées fixes, sa solitude au sein d'une pseudo famille fermée sur elle-même.

Dès lors tout est possible. Bonjour les fantasmes les plus incroyables ! Et cela même si l'auteure, dont c'est la 3ème création, s'est inspirée d'un drame et d'un personnage réel (simple "squelette" d'écriture si l'on ose dire), sujets d'une étude médicale *, avant de s'en écarter dans un magnifique cauchemar surréaliste…Pour une fois, le terme tant galvaudé, prend ici tout son sens !.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Au Théâtre Les Tanneurs du 10 au 21 février 2009 (Ma au Sa), 20 h 30 (32+(0)2.512.17.84 - www.lestanneurs.be )


"(Self) Service

Idée de départ :"La dissociation d'une personnalité, étude biographique de psychologie pathologique, le cas Miss Beauchamp" par le Dr Morton Prince (éd. L'Harmattan, 2005)

Texte, mise en scène : Anne-Cécile Vandalem, assistée de Céline Gaudier
Scénographie : Julia Kravtsova assistée de Valérie Perin
Interprétation : Brigitte Dedry, Zoé Kovacs, Lara Persain, Anne-Cécile Vandalem
Composition musicale : Pierre Kissling
Son : Fred Morier
Lumière et ombres : Samuel Marchina assisté de Anne Leclercq
Costumes : Laurence Hermant
Maquillages : Marie Messien

Création de la Cie "Das Fraulein" en coproduction avec Théâtre des Tanneurs/Théâtre de Namur/MC de Tournai (production Théâtre Vidy, Lausanne)

En tournée :  Maison de la Culture deTournai, les 5-6 mai 2009  (www.maisonculturetournai.be)

Photo © Mario De Curto

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 20:09
DEVOIR DE MEMOIRE À VOIR

A l’occasion de la 9ème édition du Festival Escena Contemporánea, le Reina Sofia -Centre d’art contemporain de la ville de Madrid-, reçoit l’artiste libanais Walid Raad, pour une conférence performance troublante : The Loudest Muttering is Over : Documents from the Atlas Group Archive.

Dans une attitude à la fois élégante et décontractée, Walid Raad attend son public. Il est en costume, mais s’est assis sur le plateau, les jambes croisées, à côté de l’ordinateur qui contient tous ses documents. On pense assister à une conférence historique… c’est, en réalité, bien plus compliqué que cela.


Artiste et professeur d’art à New York (The Cooper Union), Walid Raad, né à Chbanieh, au Liban, en 1967, interroge à travers son œuvre la production de l’histoire officielle. Ses travaux mêlent vidéos, photos, installations, représentations et essais littéraires. C’est en 1999 qu’il fonde The Atlas Group. Ce projet, mené sous sa direction jusqu’en 2004, est destiné à la recherche et à la compilation de documents. Il s’agit de constituer un fonds d’archives sur l’histoire contemporaine du Liban, sur la mémoire de ses guerres civiles en particulier. The Loudest Muttering is Over: Documents from the Atlas Group Archive donne un panorama d’ensemble sur le matériel du groupe.   

Histoire et histoire

On peut dès lors voir une série d’images, fixes ou en mouvement : planches photos nous informant sur nombre d’attentats à la voiture piégée, pages d’un cahier attribué au docteur Fadl Fakhouri, éminent historien du Liban, ornées de notes, chiffres et collages en papier découpé, extraits vidéo nous présentant le témoignage d’un ancien otage ou le soleil qui se couche sur la corniche de Beyrouth, indûment saisi par une caméra de "sécurité"…La qualité graphique et esthétique de ce qui est présenté ne peut effacer la confusion du spectateur.

Qu’est-ce qui est montré exactement ? Doit-il reconnaître à ces documents une valeur historique authentique ? Ou ne sont-ce "que" des œuvres d’art ?...Peu importe. Là n’est pas la question pour ce collectif qui prospecte justement la fracture qu’il existe entre l’expérience vécue et sa transmission. Que ces documents soient réels ou fictionnels (et, dans les faits, le fictif l’emporte souvent sur le véridique) n’est qu’un problème secondaire, puisque ce qui est recherché, c’est précisément la possibilité de transmettre une expérience à quelqu’un qui ne l’a pas partagée.

L’Atlas Group remet en cause la possibilité de l’élaboration d’une histoire factuelle pour lui en substituer une autre : une histoire du vécu, un art reconstituant une mémoire mise à mal.

                                                            Alexandra VON BOMHARD (Madrid)

 
The Loudest Muttering is over: Documents from the Atlas Group Archive
Conçu et présenté par : Walid Raad /Atlas Group

Photo©WalidRaad/AtlasGroup.

www.theatlasgroup.org

Auditorium du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia
c/ Santa Isabel, 52
28012 Madrid
Tel : 91 774 10 00

www.museoreinasofia.es/museoreinasofia/live/index.html
www.escenacontemporanea.com

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 13:09
VIOLENCE CARCÉRALE INTEMPORELLE

Retour du mythique Living Theatre. Reprise du tout aussi mythique « The Brig » de 1963 qui retrace une journée de prisonniers dans un camp de marines étasuniens. Brimades, humiliations, violences, soumission sont les éléments d’une remise en ordre des soldats rétifs ou inadaptés à la discipline absurde de l’armée.

« Ce n’est pas une pièce. Mais c’est sûrement un acte de rébellion », écrit Pierre Biner dans son livre consacré à la troupe de Julian Beck et de Judith Malina (éd. L’Âge d’Homme, 1968). C’est vrai que l’œuvre présente d’abord des aspects documentaires narrant une journée d’enfermement d’une dizaine de prisonniers. Pas de vraie progression dramatique, pas d’évolution des conflits mais un fonctionnement déterminé une fois pour toutes.


Il exprimait dans la réalité du jeu des acteurs une situation existante. Il continue à la dire puisque, de nos jours, il y a encore Guantanamo, tous ces centres de rééducation au drill impitoyable sur lesquels la télévision a souvent diffusé des reportages. Depuis, il y a eu aussi en 1987 le film de Kubrick, « Full Metal Jacket » et quelques autres.

Les esthétiques changent plus vite que les sociétés

Le spectateur d’aujourd’hui n’a plus la surprise qu’avait celui d’il y a 45 ans. L’émotion se fait moins sentir, comme s’il y avait une sorte d’accoutumance à la violence. Le travail des comédiens demeure, lui, impressionnant. Le jeu est en priorité physique. Les voix hurlent. Les corps souffrent, exsudent, se plient, rampent, s’essoufflent. Les regards sont fixes, parfois hallucinés. Les faciès sont crispés. Les êtres sont malmenés, dépossédés de leur personnalité, privés d’espoir et d’autonomie.

Ce qu’ils montrent devient plus que jamais une image du monde avec ses pressions des plus forts sur les plus faibles, de l’absurdité des pouvoirs sur ceux qui les subissent, des abus de ceux qui détiennent les leviers de commande, du cynisme de ceux qui possèdent envers ceux qui sont démunis. Le règne de l’arbitraire est absolu,  incontrôlable et incontrôlé. La solidarité est aussi exclue que l’équité.

Le spectacle de « The Brig » est une commémoration, un jalon historique dans l’histoire de l’art dramatique. Il se perçoit maintenant comme cela. Comme lorsqu’on visite un monument classé : avec admiration, respect, un sentiment centré sur l’esthétique plutôt que sur le message. (voir www.ruedutheatre.info/article-19364487.html  )

Michel VOITURIER (Bruxelles)

Au BPS22, avenue Solvay à Charleroi le 17 février 2009 et les 20-21 février au Manège, rue Rensonnet à Liège (Festival de Liège)


Texte : Kenneth H. Brown
Mise en scène : Judith Malina 
Interprétation Gene Ardor, Kesh Baggan, Gary Brackett, David Copley, Andrew Greer, John Kohan, Albert Lamont, David Markham-Gessner, Thom McGinn, William Minogue, Jeff Nash, Christopher O'Brien Spicer, Johanny Paulino, Morteza Tavakoli, Evan True, Issac Scranton, Enoch Wu 
Scénographie et lumière : Gary Brackett |
Photos  © Bernd Uhlig, J. Ranard, Chantel Cherisse Lucier
Production : Living Theatre.


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17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 09:37
VU D'AFRIQUE OU UNE EXPLORATION RECIPROQUE

Comment un cliché - celui du "Noir"-  peut en cacher un autre - celui du "Blanc"- et comment on s'aperçoit, avec humour, de l'indécrottable narcissisme de l'Européen colonisateur.

Tout commence par le parcours chanté et rythmé d'une sorte de bateleur emmenant le public vers la salle où il proposera une version haïtienne d'un monologue de Dario Fo qu'on jurerait écrit spécialement pour lui. Mais le griot n'est-il pas un personnage ancré dans la culture africaine ? Et l'histoire est universelle (et éternelle) puisqu'il s'agit d'un puissant qui  spolie de sa terre un paysan, lequel, suite à une rencontre décisive, va se transformer, se révolter et propager autour de lui sa parole de résistance à l'oppression.


Zéphyr Brunatche a le rythme et le don d'expression de tout un corps dont il joue comme d'un instrument, une formidable présence aussi, une santé contagieuse. De quoi nous mettre en condition d'entendre ensuite la voix particulière venue d'un autre continent, des paroles qui ne nous ménageront pas, nous les "papalagui"…(un papalagui en haïtien, c'est l'homme blanc). Olindo Bolzan, qui connaît bien Dario Fo, en a assuré la mise en scène.

Deux pièces pour un même thème et deux formidables acteurs haïtiens

On doit à la création du Festival des Quatre Chemins en 2003, et à sa récurrence, l'émergence d'un Collectif :"Nous", ainsi que d'artistes haïtiens de valeur. Des échanges permanents avec la Belgique, concrétisent une volonté de partage et d'échanges enrichissants pour tous.

 "Le Papalagui" est l’adaptation libre d'une œuvre curieuse de l'Allemand Erich Scheurmann. On ne sait trop s'il faut croire sur parole le récit de voyage de cet explorateur du début du XXe siècle qui aurait rencontré un voyageur, Toulavii, chef polynésien venu de ses îles lointaines pour visiter les états européens et dont il aurait noté les impressions.

De toute manière, l'adaptateur, François de Saint-Georges, a laissé libre cours à sa fantaisie pour proposer, avec le metteur en scène Pietro Varrasso, une version théâtrale qui se joue de la véracité, puisque proposée comme la tentative d'un pseudo-savant, Scheurmann, de promener sa découverte de salle en salle… de spectacle.

En l'occurrence la découverte c'est donc celle de Toulavii, chef de tribu samoane, que Scheurmann veut faire interpréter par un tirailleur sénégalais sceptique, peu enthousiasmé par le projet et qui du reste, en profite pour lui asséner quelques vérités bien senties. Ansou Diedhiou (Haïti) et Eugène Egle-Corlin (Belgique) forment un étonnant duo contrasté et font passer avec brio un texte un peu trop touffu parfois.

Suzane VANINA (Bruxelles)

À La Balsamine du 3 au 21 février 2009, 20 h 30  (32(0)2.735.64.68 – www.balsamine.be)

"Naissance du Jongleur" 
Texte : Dario Fo
Mise en scène : Olindo Bolzan, assisté de Albert Moléon
 Interprétation : Zéphyr Brunatche

"Le Papalagui"
Texte : Eric Scheurmann,
Adaptation théâtrale : François de Saint-Georges
Mise en scène : Pietro Varrasso assisté de Olivier Boudon et Abdel Bellabiad
Interprétation : Ansou Diedhou, Eugène Egle-Corlin
Scénographie : Olivier Wiame
Film : Olivier Boudon
Musique: Vincent Cahay
Lumière : Xavier Lauwers
Costumes : Odile Dubucq
Masque : Christine Grégoire

Coproduction : La Charge du Rhinocéros"/Cie "Projet Daena"/Festival des Quatre Chemins/Théâtre de La Balsamine/C.C. d'Arlon/ Zuiderpershuis d'Anvers


Photo © Véronique Vercheval
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17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 09:33
UN SAVOIR ESSENTIEL !

Avez-vous déjà entendu parler du lemming ? Si ce n’est le cas, venez écouter cet orateur scientifico-dérangé. S’il s’oublie, va jusqu’à se transformer en lemming et creuser sa tombe sous la table de conférence, c’est uniquement pour mieux faire passer le message. Un atout essentiel pour notre culture générale que de l’écouter sombrer dans un discours exalté et sentimental, drôle et décalé.

Nous entrons en classe : grande table nette, lumière éclairant les livres sur le coin, rétroprojecteur et écran blanc (l’Arctique, bien sûr, difficile à prononcer). Un scientifique débraillé, ou peut-être un prof d’univ' - spécimens rares absorbés par des détails essentiels au fonctionnement de l’humanité ou à leur équilibre psychologique – arrive à pas fracassants.


Il ne perd pas son temps en broutilles : directement, le petit auditoire est pris à parti. La course commence, il y a trop à dire sur ce petit mammifère rongeur du grand Nord, surtout lorsque ce passionné se perd en digressions aussi ridicules qu’hilarantes.

On en apprend beaucoup, dans cette fausse réalité qui donne à la pièce toute sa raison d’être. L’orateur nous entraîne dans les régions polaires, s’applique à dessiner la boule de poils avec la conviction d’un artiste de dix ans. Il suit les migrations de son animal favori, pour enfin expliquer que le suicide des lemmings du haut des falaises, c’est de la légende « made in » Walt Disney et guerre froide de 1958.

Cette comédie est assumée jusque sous la table par François-Michel Van Der Rest, qui incarne le savant fou à la perfection. Tous les publics seront contents d’avoir ri avec intelligence, et d’avoir pris peur de cette folie oratrice. Saluons le travail d’Elisabeth Ancion, pour l’idée, et l’exploitation si vivante du texte. Même si on s’y perd, on ne s’ennuie pas.

Julie LEMAIRE (Bruxelles)

Du 02 au 06 février 2009 à l’Atelier 210, Chaussée St-Pierre, 210, Etterbeek (Bruxelles), dans le cadre d’Entrevues (Rencontres des arts de la scène), www.atelier210.be

Causerie sur le lemming                                            
Conception : François-Michel van der Rest et Elisabeth Ancion
Mise en scène: Elisabeth Ancion Interprétation: François-Michel Van Der Rest
Scénographie: Jean Van Geebergen
Lumière: Laurent Kaye
Musique: Muriel Herion
Enregistrement: Gregory Beaufays
Régie: Marcel Maus
Production : Catherine Blanjean et Leila Di Gregorio
Coproduction : Le groupe® - Transhumance – Théâtre de la Place - avec l’aide de la Communauté Française Wallonie – Bruxelles, Service Théâtre.

Photo © Lou Hérion





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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 12:08
QUAND DUSSENNE SERT (ET SERRE) WILLEMS

Des destins se croisent sous la voie lactée…Neuf acteurs donnent voix à une œuvre parfois plus poétique que scénique, plus tragique que comique, plus surréaliste que romantique. Le Rideau, qui avait commandé une première pièce à notre auteur en 1949, accueille ici la mise en scène de F. Dussenne (2007), pour tous ceux qui aiment le théâtre de texte.

Ecouter le « Kat »’ Astrophe et son ombre nous incite à abandonner la norme, pour entrer dans un univers énigmatique, où la vie croise la mort sur un fond de poésie. La beauté toute humaine de l’action scénique fait apparaître nos angoisses existentielles, nos désenchantements, nos amours déçus, tandis que les personnages, moins créés qu’induits par le texte, se débattent autour d’un terrain vague, un plan incliné noir sur fond noir.

 Leurs costumes nous rappellent qu’ils quittent à peine l’enfance, et les voilà déjà coupables, lâches, victimes…Et si seulement ils écoutaient leurs ombres, ces doubles éclairés, cette partie d’eux-mêmes qui les suit ou les précède et semble vouloir leur indiquer le chemin…

Mais qui aidera Vincent, coupable jusqu’à la mort de n’avoir pas tenu la main de sa petite amie ? Qui guidera sa sœur, confondant amour et possession jusqu’à préférer enfermer son frère dans un asile, dans le silence ? Qui sortira Bella de sa torpeur, de son mariage raté, de sa passion irraisonnée pour ce Vincent, au bord de la rivière et de la mort ? Qui fera fondre en larmes l’insensible bourgeoise, épargnera le secret de son protégé ? Les ombres parlent, la morale n’existe que pour elles…Et personne n’est épargné.

Avec pour seul décor un plan incliné et des trappes laissant passer les visages, le metteur en scène n’a pas misé sur le visuel. Les acteurs, quant à eux, sont des instruments corporels et psychiques portant la prose. Et s’ils remplissent bien ce rôle, ils semblent aussi s’effacer de toute création de personnage, vraisemblance ou possibilité d’identification. La beauté du texte pour lui-même surprendra les oreilles attentives et éveillées. Un hommage réussi à un poète et dramaturge belge toujours vivant sur scène.

Julie LEMAIRE (Bruxelles)

Du 6 au 27 février 2009 à 20h30 au Rideau de Bruxelles (www.rideaudebruxelles.be - 02 507 83 61), 18 rue Ravenstein, à Bruxelles.

Nuit avec ombres en couleurs
Texte : Paul Willems (éd.Textes pour Didascalies, 1983)
Mise en scène : Frédéric Dussenne, assisté de Simon Gautiez
Distribution : Alexandre Dewez, Janie Follet, Thierry Hellin, Vincent Hennebicq, Marion Hutereau, Julie Leyder, Bernard Sens, Pierre Verplancken, Pascale Vyvère.
Scénographie : Vincent Lemaire
Lumières : Renaud Ceulemans
Musique originale : Pascal Charpentier
Costumes : Lionel Lesire
Concepteur marionnettes & conseiller manipulation : Bernard Clair
Régie générale : Marcel Derwael

Production : L’Acteur et l’Écrit

En tournée : le 3 mars au Centre Culturel de Dinant.
Durée du spectacle : 1h50 sans entracte.


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12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 09:32
UNE INTÉRESSANTE ET ORIGINALE RÉFLEXION SUR  LE GENRE

Comment échapper aux contraintes de la société ? Comment assumer les effets d'un engrenage qu'on a soi-même construit ? Et comment accepter une singulière histoire d'amour ?

Simon, bien que un peu trop gros  est déclaré bon pour le service… d'une guerre non précisée. Comme il refuse d'y aller, il entre, non pas dans la clandestinité, mais dans la supercherie. Il devient la cousine Josée qui garde la maison pendant que "Simon dort"…ainsi qu'il veut s'en persuader. Le voilà devenu femme, du moins en apparence. Il s’agit pour lui d'accueillir "pour le bon café " quotidien, trois amies privées de maris, partis au front, eux. Elles vont le persuader de devenir marraine de guerre d'un certain Thomas, célibataire, dont il convient de soutenir le moral et, comme elles le font, d'engager une correspondance avec ce soldat inconnu.


De courts messages - conseils anodins, mots brefs - au départ, l'échange épistolaire va devenir de plus en plus chaleureux au point qu'un (réciproque) sentiment amoureux naîtra…en même temps qu'une "femme de papier", mais aussi… la plus grande confusion intérieure chez Simon, sans pour autant faire surgir l'ombre de la folie, tout au contraire.

Elle ou lui, lui ou elle et nous

Si Josée/Simon est bien présent/e devant le public avec sa double personnalité, par rapport à lui/elle, les trois amies ne seront que des projections en format démesuré sur un écran translucide avec lequel la mise en scène joue habilement. Ce rapport de force virtuel écrasant à cause de leurs réflexions répétées obsessionnellement par Josée/Simon, va accentuer la pression qui lui est faite, opérer tout un cheminement dans sa pensée et aboutir à une conclusion… que le spectateur pourra interpréter suivant son ressenti.


Déjà remarqué pour sa très belle écriture, ce spectacle est le deuxième volet d'une trilogie (les 1er et 3ème ont déjà été représentés) que Virginie Thirion a voulu consacrer à un thème commun : le questionnement sur l'identité, le genre, les rôles sociaux attribués à chaque sexe dans notre société. En même temps, chaque volet lui a été inspiré par un de ses acteurs-fétiches.

Comédienne elle-même, metteure en scène, elle aime nourrir sa parole de ce qu'elle sait de l'acteur lui-même. Ici, c'est Christophe Herrada qu'elle a rencontré, acteur-chanteur qui manie avec énormément de talent et de subtilité toute l'ambiguïté et le déchirement du personnage.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Au "Petit Varia" du 20 janvier au 7 février 2009, 20 h - Tél +32(0)2.640.82.58 - www.varia.be

"Ecris que tu m'embrasses" (Prix des Metteurs en scène belges 2005-2006 - primé Journée des Auteurs à Lyon en 2006)
Texte : Virginie Thirion (éd. Lansman avec "Rentrez vos poules" et "Manon", autres volets du triptyque.
Mise en scène : Virginie Thirion
Interprétation : Christophe Herrada avec à l’image Delphine Bibet, Nathalie Cornet, Ludmilla Klejniak
Réalisation film : Sofia Betz
Décor, costumes, accessoires : Zouzou Leyens
Son : Eric Ronsse
Maquillage : Valentine Delbey

Coproduction "Collectif Travaux Publics"/Théâtre Varia

Photo © Danièle Pierre

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12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 09:29
UN THÉÂTRE BRUT

Les enfants victimes de la guerre sont monnaie courante en Afrique. Avec sa troupe venue du Burkina Faso, Dioari Abidine Coulidiaty a voulu montrer le poids des souffrances et des terreurs qui assaillent les plus petits, les plus démunis.

Avec une sincérité spontanée et un engagement physique total, Exodi Lionelle Gnoula et Hyppolite Kanga incarnent de tout jeunes gamins en fuite tandis que les armes à feu crépitent partout autour d’eux. Ils traduisent la panique de ceux qui sont soumis à la traque permanente de la violence.


La fillette et le garçonnet sont pris entre l’envie des jeux de leur âge et l’angoisse provoquée par les exactions incessantes des troupes en train de se massacrer, de se servir de la population comme une sorte de monnaie d’échange entre rebelles de factions antagonistes. Les deux comédiens jouent cela de manière très corporelle. Ce sont les chairs, d’abord, qui traduisent les émotions par la gestuelle, par les mouvements, par les cris. Le texte vient en aide ensuite pour préciser les nuances.

Reptations, bonds, replis sur soi, enlacements, rejets sont les éléments du travail scénique ponctués par la présence de musiciens. Alternance de terreur primaire et de tentation de se réfugier dans l’illusoire protection d’un crucifix, symbole d’une religion importée qui aurait dû s’imposer en tant que message de paix et dont la symbolique pourrait être aussi celle de la souffrance. Flux et reflux d’une tendresse recherchée et d’une effroi qui glace autant les peaux que les cœurs.

La technique n’est pas parfaite. La diction laisse parfois à désirer. Mais le message est lisible. Il rappelle celui de « Rwanda 94 » du Groupov, de « Une saison de machettes » par Lurcel d’après Hartzfeld. À ceci près que cette fois, il est monté, conçu et écrit par des autochtones, de ceux qui parlent en connaissance de cause. De ceux dont le jeu généreux ne se méfie pas de l’outrance mais se concrétise dans une évidente sincérité.

Michel VOITURIER (Bruxelles)

Présenté les 27 et 28 janvier 2009 au Manège de Liège et de 31 au Manège de Mons (Festival de Liège)

Germes de folie
Texte, mise en scène : Dioari Abidine Coulidiaty
Interprétation : Exodi Lionelle Gnoula, Hyppolite Kanga
Musique : Salif Dabone (guitare), Dioari Abidine Coulidiaty  (percussions)

Production : Cie des Empreintes
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