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Mois AprÈS Mois

Festival d'Avignon

17 août 2008 7 17 /08 /août /2008 18:52
UNE FEMME QUI CHANTE

Quant Isabelle chante… Brel, qu’elle chante aussi, doit probablement lui permettre de se détacher davantage de son modèle que dans ce récital consacré à Barbara. Un tour de chant idolâtre et dépourvu d’émotion qui fait certes passer un moment agréable mais laisse une cruelle impression de monotonie plus que de nostalgie.

C’est une jeune femme toute menue qui arrive sur scène, s’installe au piano et entonne « Dis quand reviendras-tu », ce texte aux alexandrins fougueux qui marqua les débuts de Barbara auteur et compositeur. Les notes courent agiles au bout de ses doigts. Le piano semble être le prolongement de ses bras… Elle ne le quittera que très peu, le temps d’un déplacement sur « Mes Hommes », une des très nombreuses chansons drôles de la grande dame brune. Isabelle Vajra va interpréter ce titre comme les autres. Avec une volonté de respecter le modèle qui confine à l’idolâtrie. Avec une application extrême. Avec irréprochabilité. Avec une voix dont les tessitures ne sont pas sans rappeler celles de Barbara. Avec passion, assurément…

De jolies choses, mais…


Mais sans vraiment réussir à ce que l’émotion dépasse les limites de la scène. Le don de soi, cette aura qui électrisait les foules dès que Barbara paraphait l’air de ses folles arabesques, est ici cruellement absente.  Isabelle Vajra interprète quelqu’un dont on a l’impression qu’elle a peur de ternir le souvenir en se risquant à un peu de fantaisie. Le public est heureux d’écouter des mots qu’il connaît. Il semble applaudir davantage ces derniers que celle qui les chante devant lui. Quand Barbara terminait certains passages de ses chansons (« Perlimpinpin », « Göttingen »), un frisson s’emparait du public. Ce public auquel elle se donnait intégralement, impudiquement. Comme Brel. Comme Nougaro.



C’est un choix que d’interpréter de telles figures sans y mettre un peu de soi. Mais c’est aussi risquer d’ériger un mur entre soi et le public. C’est ce qu’il se passe avec Isabelle Vajra. Toute la bonne volonté, sa très jolie voix et sa réelle sincérité ne suffisent pas. Et lorsque l’interprétation de « Mes Insomnies » vire au cauchemar car la diction fait défaut là où on attendrait que soient appuyés certains mots pour provoquer les rires, on se dit que « l’Aigle noir » ne nous fera pas décoller, que la version russe de « Göttingen » (au texte pourtant fort joli, parole de russophone…) ne nous emportera nulle part. C’est la ligne droite sans virage, le fleuve impassible sans méandre. Ca peut être beau un fleuve impassible. Mais ça ne ressemble pas à Barbara. Et quand arrive l’inévitable « Ma plus belle histoire d’amour », on n’y croit plus. On se dit simplement qu’on a passé un agréable moment. Pis-aller d’un récital qu’on aurait souhaité forcément plus énergique, plus enflammé.
Une heure trente durant, oui, elle fut longue la route…

Franck BORTELLE (Paris)

Barbara passion
Avec Isabelle Vajra (chant et piano), Patrick Rouquet (Clavier)
Lumières : Michel Cabrera
Théâtre du Tambour Royal, 94 rue du Faubourg du Temple, (passage Piver)  75011 Paris
Tel : 01 48 06 72 34
Le jeudi à 19 heures et le samedi à 21 heures



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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 14:27
RECITS MANIPULES

Une compagnie réunionnaise investit pour un mois le Tarmac de la Villette, avec une création où les marionnettes se suivent et ne se ressemblent pas. Six accidents cruels et drôles portés par des comédiens manipulateurs tout autant précis que présents.

Accidents, ce sont d'abord des récits. Courts donc, et imaginés par les comédiens des Alberts. À partir de ce matériau multiple, l'équipe emmenée par Martial Anton, directeur artistique de la compagnie Tro-Héol, a élaboré la structure du spectacle. Le résultat est une proposition ludique en forme de puzzle, constituée de six univers à l'esthétique soignée. Les confidences d’une vieille dame alternent avec chaque récit, rythmant ainsi l'ensemble du spectacle.



Unité dans la multiplicité

Les histoires sont simples. Les personnages ne sont ni des héros, ni de grandes figures, les entre-sorts s'attachant plus à nous conter de petits morceaux de quotidien. Une soirée banale dans un immeuble dont les habitants se passionnent pour un feuilleton télé, un garçonnet attendant consciencieusement une lettre de son père, un clochard père de famille à deux doigts de renouer contact avec ses enfants... Ce sont des vies ordinaires, permettant au public une identification et une complicité rapide avec le propos. Jusqu'à l'accident fatal dont chacune est touchée. On bascule alors selon les récits dans le fantastique, l'étrange, ou au contraire dans la réalité la plus crue et la plus dure. Si les histoires sont multiples, l'unité réside dans cette chute, dénominateur commun suscitant, par sa clôture bien souvent cruelle, le rire.

Cohérence formelle

Accidents affirme des choix esthétiques cohérents, contribuant à donner son unité au spectacle. Une scénographie épurée, une création lumières raffinée, ainsi que des marionnettes toutes différentes mais très stylisées, d'une facture volontairement assez pauvre participent de l'homogénéité de la proposition. Seuls les partis pris musicaux soulignent un peu trop clairement la volonté de séduction à tout prix. Chaque morceau, issu de la culture populaire, renvoie à des références partagées par tous, ne pouvant que favoriser notre adhésion au propos. On regrette parfois la présence de cette musique un peu trop explicite. Mais force est de reconnaître que l'univers est parfaitement maîtrisé, et que les images minutieusement élaborées possèdent une forme de beauté simple. Ainsi, tous les artifices mis en œuvre pour nous embarquer dans cette traversée d'accidents touchent aisément leur but.
 
Corps manipulant

Au-delà des petites épopées narrées, dont certaines pêchent parfois par excès de démonstration, Accidents développe un singulier rapport au comédien et à l'objet. Si les comédiens sont habillés de noir, ils ne se camouflent pas pour autant et participent autant au procédé de la narration que les marionnettes. Au ballet des figures s'ajoute celui des manipulateurs, dont la présence enrichit les sentiments dépeints. La précision de leur manipulation, doublée quelquefois d'une forme de complicité avec les marionnettes tend à donner de l'épaisseur à ces petits et bien souvent terribles accidents. Une création pratiquant l'art de la manipulation et de la séduction avec humanité et simplicité. 

Caroline CHÂTELET (Paris)


Accidents
Mise en scène Martial Anton
Comédiens manipulateurs : Isabelle Martinez, Alexandra Shiva Mélis, Stéphane Deslandes, Vincent Legrand
Création marionnettes : Alexandra Shiva Mélis exceptée Marguerite : Gladys Mnémonide et Joseph : Séverine Hennetier
Costumes et décors :Séverine Hennetier
Musiques : création originale de Gladys Mnémonide
Création lumières : Laurent Filo
Regard complice : Robin Frédéric

Du 5 au 30 août
Du mardi au vendredi à 20, samedi à 16h et 20h

Le Tarmac de la Villette
Parc de la Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
Tél : 01.40.03.93.95., www.letarmac.fr, contact@letarmac.fr


Photo © Gilles Dumur

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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 14:23
ANIMALITE EDULCOREE

La création de la  19ème  promotion du CNAC mise en scène par Fatou Traoré explore la part de bestialité contenue dans chaque homme. Une création ambitieuse où la mièvrerie de la forme l'emporte sur l'énergie du fond.

Chaque promotion du Centre national des arts du cirque clôt sa formation par un spectacle mis en scène par un artiste différent, issu ou non du cirque. Véritable tremplin, la création positionne ainsi d'emblée les circassiens dans le monde du travail. Mais cette collaboration est un exercice périlleux... Et, c'est le jeu, certains crus du CNAC sont meilleurs que d'autres.



Fatou Traoré n'en est pas à sa première rencontre avec le cirque, et outre ses mises en scène de La Syncope du 7 (spectacle du collectif AOC) et du Vertige du papillon (création de la compagnie Feria Musica), la chorégraphe est également conseillère pédagogique pour la danse au CNAC. Pour la Part du loup, la chorégraphe a fait le choix de ne pas s'appuyer sur une narration linéaire, préférant l'entrelacement des différentes disciplines. La promotion réunissant essentiellement des aériens, funambules, trapézistes, acrobates, etc., Fatou Traoré a souhaité tisser des lieux de rencontres entre les pratiques. On évolue ainsi entre ciel et terre et les techniques se croisent simultanément, sollicitant régulièrement le regard d'une zone à l'autre. La piste circulaire, dont le sol-miroir renvoie les corps et les prouesses, devient un lieu de jeu incessant. Durant près de deux heures, les circassiens passent de leur spécialité à un instrument de musique, d'une simple déambulation à de la danse. Rapidement on comprend que quelque chose de sensuel et d'intime se noue dans ce groupe – 7 filles, 2 garçons - et que le féminin ne cesse de s'affronter au masculin. Sortes de muses, nymphes par instants légèrement sauvages, tandis qu'à d'autres minaudant ou se jaugeant, les souples créatures esquissent de multiples espaces. Mais ces paysages édulcorés demeurent souvent inaccessibles et en dépit de toutes les sollicitations, il est difficile de ne pas rapidement lâcher prise face à la création.



Le charme du vide

Si la part du loup est une zone de bestialité que chaque être humain possède, cette singularité reste au final trop peu visible. L'intention de créer des images à la puissance d'évocation est perceptible, mais l'absence cinglante de construction et de cohérence, tant dans les choix musicaux que scénographiques, maintient l'ensemble au stade du projet. Les atmosphères douces et jolies se succèdent, mais elles manquent souvent de profondeur et on les frôle sans les voir s'épanouir. Ainsi, le souci – plus que louable - de vouloir mêler les disciplines tend ici plus à diluer le propos, qui peine à s'affirmer. Pourtant, les qualités techniques et l'énergie des circassiens sont bel et bien visibles, mais le manque de parti pris fort, catégorique, atténue le relief des numéros. Au final, on regrette une absence de prise de risques, ou tout au moins de postures tranchées et vives, qui auraient évité l'écueil d'une atmosphère perpétuellement douce aux teintes pastel. Et l'on se prend alors à rêver de la même équipe, aux atouts indéniables, mais dans une proposition moins édulcorée, véritablement physique, et éloignée de toute mièvrerie. Seul demeure le sentiment d'avoir vu une communauté en scène et saisi à la volée quelques instants de grâce charmants.


Caroline CHÂTELET (Paris)

La Part du Loup
Spectacle de sortie de la 19e promotion du Centre national des Arts du cirque
Mise en scène et chorégraphie Fatou Traoré
Musique : Erwin Vann
Lumières : Philippe Baste
Scénographie : Simon Siegmann
Avec les étudiants du Centre national des Arts du cirque : Mathieu Antajan (corde lisse, clarinette, sax soprano), Tatiana-Mosio Bongonga (funambule), Elsa Caillat (corde lisse, accordéon), Jennifer Hugon (fil), Sandrine Juglair (mât chinois), Clémentine Lamouret (corde lisse, accordéon), Paula Paradiso (trapèze ballant, flûte traversière), Odilon Pindat (acrobatie, trombone), Anne Pribat (trapèze ballant, flûte traversière)


Du 16 juillet au 16 août
Du mercredi au samedi à 20h30
Espace Chapiteaux / M° Porte de la Villette
Info/Résa : 01.40.03.75.75., www.villette.com
En association avec le festival Paris Quartier d'Eté


Photo © Philippe Cibille


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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 14:19
NOS AMIS, NOS AMOURS, NOS…

Les rapports de couple au bord de l’implosion vus par le prisme de la rigolade et partant d’une idée plutôt originale, tel est le cocktail tendu comme un miroir qui attend le spectateur. Un camaïeu de situations très réalistes, plutôt drôle, même si un peu inégal.

« M. et Mme X ont la joie de vous inviter à leur cérémonie de rupture ». Le carton d’invitation ne s’invite pas sur la scène et pourtant... Camille et Simon ont en effet décidé de faire partager à tous leurs convives venus en masse (les salauds ! que ne ferait-on pas pour quelques agapes !) leur bonheur de se séparer. Ils ont vécu heureux, malgré des adultères à la pelle et des griefs à se reprocher dans une parfaite bilatéralité. Mais voilà, ils n’ont pas vraiment l’intention de finir comme Ghislaine et Geoffroy, le couple d’amis parangon de mésentente (la conne et l’intello) et qui n’est, comme disait Guitry, séparé que par le mariage.

A partir de cette situation plutôt originale, même si après tout on pourrait y songer plus souvent –ça éviterait d’engraisser des notaires et avocats qui n’ont vraiment pas besoin de ça- l’auteur a échafaudé un tour d’horizon de ces péripéties qui émaillent inévitablement 7 années de mariage. L’écriture épouse d’ailleurs assez bien les variations que connaît une relation conjugale : elle affiche en effet aussi bien la brillance de l’apogée d’une idylle (dans le sketch de la place de parking ou le final franchement génial) que la monotonie d’une soupe à la grimace dès que le remplissage fait office de texte.

Une interprétation vitalisante

Car, de ce sujet si souvent rebattu, l’auteur aurait pu tirer quelque chose de plus subtil, de moins consensuel aussi. La férocité est ici noyée dans une doucereuse et lénifiante gentillesse qui, même si elle trouve sa raison d’être dans la péroraison de ce discours amoureux, plombe un peu l’ensemble. Tout comme cet incoercible besoin de faire remarquer systématiquement tous les calembours (souvent calamiteux) dont les dialogues sont truffés.

Si à la longue, dans ce spectacle, ne s’installe pas cette lassitude qui gangrène une liaison qui s’enlise dans sa triste et morne quotidienneté, si ce processus cumulatif de gags trop souvent effleurés au lieu d’être pimentés d’un peu de férocité ne fait pas sombrer le spectateur dans un ennui total, c’est parce que l’interprétation réussit à insuffler une énergie très communicative. Les deux comédiens incarnent chacun une galerie de personnages très variés, laissant libre cours à leur réel plaisir de jouer. Ils compensent par leur vitalisante voire athlétique présence sur scène les quelques faiblesses du texte et donnent quelques salvateurs coups d’accélérateur, ceux-là même qui évitent au mariage d’être un repas qui commence par le dessert et ici sauvent ce spectacle de l’apathie.

Franck BORTELLE (Paris)

Toi zé Moi dans « Noces de plomb »
Texte d’Alain Chapuis
Mise en scène Marie-Blanche
Avec Marie-Blanche et Alain Chapuis
Durée 1h30
Théâtre de la Comédie de Paris, 42 rue Pierre Fontaine, 75009 Paris (M° Blanche)
Réservations : 08.92.70.77.05
Du mardi au vendredi à 20 heures.
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 10:29
COUP DE CŒUR RUE DU THEATRE

UNE VIE

André Nerman remonte l’horloge du temps et nous invite à passer une heure et demie en compagnie de Brel qu’il incarne et chante, de son « Enfance » à son « Dernier repas ». Un récital bouleversant à trois voix. On en sort « les larmes aux paupières » et « le cœur dans les étoiles ». Magistral.

Chanter Brel, la belle affaire. Mais l’incarner… Loin des hurleurs qui ne peuvent s’empêcher de rendre un hommage souvent massacrant  au grand Jacques pour conférer une once de plus-value qualitative à leur triste tour de chant aux nombrilistes mélopées, André Nerman va habiter pendant 90 trop courtes minutes avec son modèle. Ce n’est donc pas d’un simple hommage de plus qu’il s’agit, mais bien de faire (re)découvrir au public celui qui nous a quittés il y a 30 ans déjà.



Les chansons, on les connaît toutes. Mais de là à parler d’un best of en live, non ! Résumer une telle existence en une heure et demie, là où Olivier Todd dans son ouvrage référence « Brel, une vie » avait noirci plus de 600 pages, induit forcément des choix. Ils sont ici pleinement assumés. Alors, oui « Madeleine » sera au rendez-vous et « Les Flamandes » danseront. Oui nous quitterons Paris pour « Vesoul », « Bruxelles » et « Amsterdam » en passant par « Orly » où se déchirent les amoureux qui se quittent et ne chanteront donc jamais « La chanson des vieux amants », pourtant bien présente elle aussi. Evidemment Jojo, l’ami, le frère, l’homme auquel il dit « Je t’aime ».

Du « Far West » aux Marquises

Mais au milieu des chansons… Brel n’a pas fait que chanter. Du festival de Cannes où il présente « Far West » aux Marquises qu’il choisit comme thébaïde pour vivre libre et où on sait qu’il s’appelle Jacques Brel sans savoir qui il est, de l’enfance dans l’usine de cartons paternelle à l’Olympia où il fait ses adieux, s’étonnant qu’à ses débuts on ne voulait pas qu’il commence alors que désormais on ne veut plus qu’il s’arrête… Et le cinéma, l’aviation, les femmes, la maladie…

André Nerman incarne à la perfection cet éternel débutant, faisant bouger cette carcasse dégingandée aux bras trop longs. L’exercice relève du défi, de l’équilibrisme. Pourtant jamais on ne songe à hurler à l’imposture. Car Nerman sait qu’il n’est pas Brel. Il le joue. Il le vit. Mais il n’est pas lui. C’est un homme de défi qui en incarne un autre. Avec l’intelligence de rester lui-même. A l’inverse de Laurent Viel, autre immense interprète de Brel, Nerman se calque sur son modèle. Même s’il choisit de réciter « Ces gens-là » (énorme !), même s’il laisse à sa partenaire les partitions de « Quand on a que l’amour » (tétanisant) ou de la « Valse à mille temps » (presque plus « brélienne » que l’original).

Sa partenaire, parlons-en. Elle a bien sûr la tâche moins ardue. Tantôt alter ego de l’interprète dans les duos où elle se fond dans le personnage féminin de la chanson, tantôt simple figurante ou silhouette, elle hante la scène comme le beau sexe hantait l’esprit de celui qui « n’a jamais rien compris aux femmes », ses « tendres ennemies » comme il se plaisait à les appeler.

A cette valse à trois temps, ajoutons bien sûr le pianiste-narrateur qui, deux titres durant, vient interpréter Brel, comme l’ont interprété tant d’autres, Gréco, Aubret, Barbara notamment.

Brel et ses femmes. Brel et ses interprètes. Nous y voilà. Ajoutons Brel raconté. En chansons ou par des extraits de ses propres textes durant les interludes.

Mais surtout Brel magnifié par ces trois artistes, de rouge et de noir vêtus et éclairés. Ces deux couleurs ne s’épousent-elles pas ? Mieux : elles fusionnent dans le talent. Elles resplendissent dans le partage. Elles habillent les mots et font chanter les douleurs. Elles rendent les timides moins timides. Elles redonnent, juste un instant seulement, vie à ce troubadour. Car oui, même six pieds sous terre, il n’est pas mort.

Un récital infiniment Brel…

Franck BORTELLE (Paris)


Brel ou l’impossible rêve
Mise en scène et adaptation : André Nerman
Avec André Nerman, Laurent Clergeau et (en alternance) Manon Landowski, Nelly Anne Rabas, Hélène Arden
Durée : 1h30
Espace la Comédia, 6 impasse Lamier (angle du 8 rue Mont-Louis), 75011 Paris  (M° Philippe-Auguste)
Tel : 01 43 67 20 47
Jusqu’au 21 août du mercredi au samedi à 21h30
Tournée 2008 : Casino de Bourbon l'Archambault (Allier) le 20 septembre 2008, Espace culturel Jean Monnet d'Etrechy (Essonne) le 15 novembre 2008, Centre culturel de Saint Souplets (Seine et Marne) le 22 novembre 2008.
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 10:23
JE VOUS FAIS UNE PIECE, QUE VOUS VERREZ PEUT-ETRE…

C’est une habile réflexion sur le pouvoir que présente l’excellent Théâtre de la Manufacture des Abbesses grâce à la pièce d’un jeune auteur qui manie le verbe et la verve avec panache. C’est souvent très drôle et les comédiens campent avec brio cette farce d’une intelligente absurdité.

« S’élever par l’effort », dit la devise. Mais une fois lesdits efforts fournis et l’élévation achevée, une fois atteints les sommets où éternité rime avec immortalité, que reste-t-il ? La convoitise n’est-elle pas plus grisante que sa finalité ? Lorsque s’ouvrent devant soi les portes du pouvoir absolu, quand résonnent les clairons de la victoire, celle dont rêvent à en crever ceux qui ne franchiront jamais la dernière marche du podium, ne risque-t-on pas la dégringolade et son cortège de désillusions ?



C’est ce qui arrive à William Hautcoeur, qu’interprète avec un subtil mélange d’autorité et de fragilité Walter Hotton. Il vient de décrocher LE job. Et au lieu de jouer les « M’as-tu vu avec ma jolie montre à 12.000 euros », il déchante. Ca commence, le soir de la victoire, par l’hymne national que va s’époumoner à lui brailler in extenso et la main sur le cœur son plus servile serviteur (excellent Geoffroy Rondeau), toutou accourant au coup de sifflet bref, le genre de type prêt à manger du cirage pour briller en société, comme aurait dit un ex-présidentiable, Michel Colucci… A partir de cette entrée en matière (drôlissime), ce brave chef de l’Etat confie à son gouvernement la lourde tâche de le rendre le plus impopulaire possible, quitte à modifier la Constitution et changer les paroles de l’hymne.

Réaliste ou absurde ?

Ce sont des phrases devenues quasi-proverbiales de Charles de G., Lionel J., Jacques C. Nicolas S. ou encore Edouard B. qui nous accueillent dans la salle et qui nous guideront vers la sortie une fois le rideau baissé. Entre les deux, une situation tout aussi réaliste que ces paroles. Ou tout aussi absurde ? La frontière est ténue et même le propos demeure très éloigné de ce que nous connaissons (surtout aujourd’hui…) dans notre pays, cette pièce nous offre matière à réflexion sans jamais pourtant se départir d’un engagement : nous faire rire. En effet, la popularité d’un tel personnage qui fait tout pour se rendre impopulaire, les mesures qu’il prend, grotesques à force d’être débiles, nous renvoie bel et bien à notre quotidien et nous appelle à repenser un peu en citoyen responsable lorsque, seuls dans notre isoloir, nous accomplissons notre devoir civique.

Mais pour ceux qui n’auront d’autre envie que de passer un moment de pure déconnade (mais de qualité), on aurait envie de leur dire « Votez Hautcoeur ! ». Car les situations à se tordre de rire sont légion, de l’épisode de la « Marseillaise » à celui d’un ambassadeur paumé dans les couloirs de l’Elysée, du code de la bombe atomique détenu par le majordome « qui n’a jamais voulu le donner » à la décision de donner son indépendance à l’Ardèche (car c’est « mieux qu’un incident diplomatique, c’est une décision stupide »). Le processus d’ « impopularisation » du personnage passe par des étapes tellement énormes et toujours crescendo dans leur stupidité que jamais la tension ne retombe. Et cela jusqu'à un final proprement ubesque !

Enfin un président qui tient ses promesses !

Franck BORTELLE (Paris)


Monsieur le Président
Ecrit et mis en scène par Yann Rezeau
Avec Walter Hotton, Alain Dion, Blanche Veisberg, Renaud Castel, Geoffroy Rondeau
Assistante à la mise en scène : Leïla Moguez
Décors, costumes et lumières : Nyna Allié
Photo : Fred Goudon
Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris (M° Blanche ou Abbesses)
Locations au 01 42 33 42 03 ou www.manufacturedesabbesses.com
Jusqu’au 13 août et reprise du 8 septembre au 8 octobre du lundi au mercredi à 21 heures.
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 10:10
POESIE 100% « REVEGETALISANTE »

On dit que le monde se divise ainsi : l’homme, l’animal, le végétal et le minéral. La mythologie traditionnelle a donné naissance à l’homme-animal ; la mythologie du Phun, quant à elle, jubile en créant Les Gûmes, des êtres mi-hommes mi-végétaux…

Vous ignoriez que la cour des gûmes siégeait non loin de celle du Roi Soleil, et oui, heureusement que les astres font grandir les végétaux…parce qu’un peu de vert, ça fait du bien. Car, les arbres, eux, plus ils vieillissent et plus ils deviennent grands, beaux et forts… alors que nous… C’est pourquoi il faut apprendre à les aimer et à les écouter ces grands sages qui traversent les siècles. Entrez donc dans le flower power car, muni de votre billet d’entrée, vous ne serez pas seulement des spectateurs mais aussi des voyageurs bondissant entre les brins d’herbe et les mottes de terre. Suivez donc le pèlerinage proposé sur les chemins de Composte, un pèlerinage qui prend des allures de « tournesol party » !

Laissez-vous porter par la végétalattitude

Tout d’abord, vous faites partie d’un groupe, on vous végétalise, vous devenez champignons ou petits pois. Puis, Madame Rouquette de la DDE vous invite à rencontrer son petit faible du moment : l’architecte des Gûmes, monsieur Romain Dubois, qui a élaboré une maquette remarquable du Château de « Vert paille ». Si vous le provoquez d’un petit clin d’œil, il vous invitera peut-être à venir le rejoindre pour végéter un brin sous sa couverture pelousée. N’ayez crainte, l’honneur est sauf, enfin du moment qu’il ne vous propose pas de polléniser … Un archéologûme vous ouvre la porte de son musée et vous présente les trésors de la communauté Gûmes et vous met à la page des us et coutumes de la civilisation. Selon votre circuit touristique, vous rencontrerez peut-être une renoncule tragico-sportive, fan de foot et de Racine. Avec de la chance, vous le surprendrez interprétant une Phèdre cuisinée à la végétaline pour un spectateur privilégié qui n’est autre… qu’ un arbre… qui pleure du destin bien «phuneste» de l’héroïne.

Parce que le théâtre du Phun vous emmène aussi bien dans la rêverie que dans l’humour et la réflexion, c’est bel et bien un théâtre pour tous ; petits et grands : pour moins de 7 ans et pour plus de 77 ans. A l’infrastructure certes lourde mais presqu’invisible puisque végétale, le spectacle vous conduit dans une autre dimension, et ce sans que vous vous en aperceviez. Il fait preuve d’un travail sur la reconfiguration de l’espace scénique, un rapport scène-public chamboulé, naturalisé, un quatrième mur délimité par un plant de tomates : pourquoi pas ? Cela change du minéral cercle de craie brechtien…
Le Phun est une compagnie domiciliée dans la région toulousaine, à Tournefeuille plus précisément (non, ce n’est pas une blague). Phun signifie « pour un humour universellement nécessaire », nom porté à juste titre puisque des touristes japonais s’étaient égarés lors de la visite de Versailles pour se retrouver comme télétransportés à Vertpaille. Comprenaient-ils le français des gûmes ? On peut en douter, mais en tout cas ils avaient bel et bien le sourire aux lèvres : la pollénisation de l’humour universel avait fait son œuvre…
                           
Florence LE JUEZ


Les Gûmes
Interprétation : Compagnie Le Phun
Mise en jeu : Phéraille
A Versailles, les représentations sont finies mais nous recommandons prestement de suivre leur chemin et de partir à la rencontre de leurs autres spectacles : 
Les Aventures européennes de Père Courage, depuis Budapest jusqu’à Aurillac, en collaboration avec la compagnie hongroise Kretakor dirigée par Arpad Schilling : du 14 au 23 août 2008 au festival d’Aurillac
La révolte potagère : 10, 11 et 12 octobre 2008 au Channel, scène nationale de de Calais, dans le cadre de Rêve général
Informations : site : www.lephun.net   email : lephun@libertysurf.fr
Tél : 05 61 07 02 72

Photo © Jordi Bover

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8 août 2008 5 08 /08 /août /2008 23:47
COUP DE CŒUR RUEDUTHEATRE

ANNA QUOI ?

Attention, révélation ! C’est un tempérament doublé d’une artiste complète, un brin féministe et franchement féminine qui électrise la scène du « Bout » pendant ce mois d’août. C’est en ce moment LE spectacle à voir. Un vrai coup de cœur !

En quelques secondes, le public est conquis. Et ça va durer plus d’une heure. Trop courte, bien sûr. Mais quel exploit ! Devant 40 spectateurs (salle comble) elle réussit à provoquer des rires en moyenne toutes les dix secondes. Chapeau !



Comme beaucoup, elle va bien sûr se raconter. Mais contrairement à nombre de ses collègues qui pataugent dans le souvenir plan-plan « couche-culotte, premiers émois sexuels, acné, varicelle », Annadrey va dynamiter son vécu avec trois mots d’ordre : drôlerie, férocité, dérision.
Déjà, ce prénom ! Anna quoi ? D’un patronyme original, parfois seul signe distinctif chez certains pseudo artistes snobinards, elle nous fait un sketch. Annadrey c’est… Elle l’explique elle-même, sans ambages avant de développer ce thème et de fustiger notamment cette fâcheuse propension des parents à gratiner leur progéniture de patronymes aussi débiles que peuvent l’être les effets de mode, les institutions ou les comportements à la con…

Tous les contes sont à refaire

Et là, elle va dégainer sec. Et régler quelques comptes. Voire même refaire ses contes. Perrault version Annadrey, ça vaut son pesant de pierres précieuses sur le diadème de ces truffes de Cendrillon, la Belle au Bois dormant et Blanche-Neige réunies, ces parangons de niaiseries pour fillettes sages…

Bon, disons le quand même : ce spectacle est un poil féministe. Entre Dufresne et Arletty avec un zest de Foly (Liane bien sûr). Les mecs vont gentiment s’en prendre plein le museau, qu’ils soient « plus collants qu’une bande de cire sur une jambe de portugaise », chanteurs qui ne peuvent s’empêcher de dénoncer ou se baladant avec un « sac à main qui fume » (comprenez : le curé et son encensoir insensé). Mais c’est à mourir de rire et plus encore parce que la comédienne n’hésite pas à retourner cette arme de l’humour contre soi. De l’autodérision, Annadrey en a plein les replis de sa robe de flamenco de chez Gautier (« Mouloud Gautier, de Barbès ») et ne se prive pas d’en distiller, notamment dans les chansons dont elle ponctue son spectacle.

Eh oui ! Car en plus elle chante ! Et bougrement bien. Le delta de tessitures vocales est impressionnant. Chaque titre, qu’elle a écrit elle-même bien sûr, se love avec pertinence au milieu des sketches, assurant rythme et continuité parfaite à l’ensemble du  spectacle.  Un peu comme Céline Caussimon, elle secoue le cocotier des conventions tout en prêtant le flanc à quelques harangues potentielles quand elle joue les ménagères parfaites pour dompter le mâle (« Viens dans ma cuisine » : un sommet !). Maniant le mot juste, le calembour et l’ambivalence sémantique, s’aidant d’accessoires délirants (un éventail à faire pâlir les danseuses de flamenco bonnes cuisinières…), cette Carmencita  livre un show magistral qui n’a aucun mal à sortir du lot. C’est intelligent, précis, travaillé. Mais surtout ça va plus loin que tous les spectacles que l’on peut voir en ce moment. Et c’est peut-être parce qu’elle emprunte des sentiers si rarement piétinés qu’Annadrey surprend et séduit autant.
Danse, chant, jeu, écriture, guitare : que lui manque-t-il donc ? Une vraie grande scène parisienne pour vraiment cartonner…

Franck BORTELLE (Paris)

Réactions du public :

« Cette fille a du génie. On en reparlera, je pense. Elle me rappelle plein de monde tout en ayant une vraie personnalité »
Gérard, médecin, 42 ans.

« Elle a tout pour devenir une très grande du spectacle comme Muriel Robin »
Elodie, 27 ans, esthéticienne.
« J’ai rarement autant ri au cours d’un spectacle. J’aime cette dérision. Elle joue les moches alors qu’elle est superbe. Elle joue : c’est ça l’essentiel… » Philippe, Fonctionnaire 44 ans.

J’cartonne
Ecrit et mise en scène par Annadrey et Trinidad
Le Bout, 62bis rue Pigalle, 75009 Paris (M° Pigalle)
Réservations : 01 42 85 11 88
Jusqu’au 30 août les vendredis et samedis à 21h45
A Antibes « La scène sur mer » du 4 au 10 octobre
Le CD d’Annadrey qui contient 8 titres dont certains inédits par rapport au spectacle est en vente au théâtre du Bout.
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5 août 2008 2 05 /08 /août /2008 12:02
POTACHES ET HEUREUX DE L’ETRE

Deux hurluberlus s’emparent de la scène du Point Virgule avec un show surdopé à la bonne humeur et à l’humour résolument potache. On passe un excellent moment en leur compagnie tout en revoyant immanquablement défiler quelques souvenirs d’enfance…

Ces deux sbires ne seraient-ils pas tombés, à l’instar de De Funes dans le chaudron de chewing-gum dans « Les Aventures de Rabbi Jacob», dans la marmite où glougloutait un drôle d’élixir ou un élixir de la drôlerie ? A moins qu’il ne s’agisse d’un de ces cocktails méchamment hallucinogènes qui vous expédient dare dare dans un autre monde : celui de l’enfance mâtiné (voire gratiné) d’une couche de détails très adultes. « Les copains » c’est un peu comme « Retour vers le futur » : on retourne dans le passé mais en sachant ce qu’il s’est passé dans ce qui devient le futur… Le tout savamment arrosé d’humour avec force calembours, lapsus et aussi un bon zest de férocité…



Copain 1 et Copain 2 arrivent dans la salle de classe. Ils sont en CE1 et la maîtresse, qui n’est qu’une voix off (complètement off et même franchement out) semble noyée dans un verre d’eau, celui qui lui sert à avaler ces Lexomil, Tranxène et Vallium… Elle leur demande d’écrire une histoire à la façon de Dumas (« Pas Roland, pas Mireille, celui qui a réussi »). Les voilà partis dans un monde imaginaire avec leur cheval Ikéa (affublé d’un tel nom parce que « facile à monter »), leurs épées en carton et des exploits à accomplir plein la tête, à commencer par conquérir le cœur de la copine de classe…



Dissipés mais professionnels

A partir de cette situation un poil exagérée au regard de ce qu’il se passe dans certaines de nos belles écoles françaises, Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès vont s’en donner à cœur joie à surfer sur la vague des blagues parfois faciles mais efficaces, des jeux de mots parfois empruntés (Pierre Dac et Francis Blanche entre autres : on fait pire comme emprunt…) mais aussi quelques joyeuses trouvailles. Le texte est précis, rigoureux et les répliques tombent à point nommé dans un déferlement de rires largement mérité.
En un peu plus d’une heure seront dynamités au milieu de blagues potaches totalement assumées quelques poncifs (des « Trois Mousquetaires », le Roi Soleil et quelques autres…) et travers humains, jusqu’au final qui surprend mais agréablement car s’intégrant parfaitement dans l’ensemble. Et c’est précisément ce mélange qui fait la différence, en plus d’un jeu tonique et d’un réel plaisir de faire rire par tous les moyens. Potache, garnements, dissipés mais surtout très professionnels, les Copains…
Après ce spectacle, on ne fera peut-être plus rimer enfance et innocence. Mais on regrettera de ne pas pouvoir faire la route dans l’autre sens pour n’avoir pour autre souci que de draguer les filles et se marrer comme des baleines…

Franck BORTELLE (Paris)

Les Copains (Cocaïne et Pâtes de Fruits !!)
De Grégoire Dey, Carole Greep, Olivier Solivérès, Nicolas Tarrin
Mise en scène Juliette Galoisy
Avec Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès
Au Point Virgule, 7 rue Saint-Croix de la Bretonnerie, 75004 Paris (M° Hôtel de Ville)
Tel : 01 42 78 67 03
Les dimanches, lundis et mardis à 19h00
Jusqu’au 30 septembre 2008.

Photos : François Raison
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4 août 2008 1 04 /08 /août /2008 12:37
UNE VIE FUNAMBULESQUE

Le comédien et metteur en scène Charles Gonzalès a choisi trois figures emblématiques d’un combat acharné, passionné et douloureux pour donner vie à un triptyque qui raconte les destins tragiques de Camille Claudel, Thérèse d’Avila et Sarah Kane. Pour son premier volet, Charles Gonzalès devient Camille Claudel, il offre un spectacle bouleversant.

La salle est obscure, rarement éclairée. Quelques lumières éparses, qui s’agitent ça et là. La lumière, chez Camille Claudel, est timide. Charles Gonzalès, dans une mise en scène qui accentue le tragique, installe une atmosphère sombre où la mort et la maladie imprègnent chaque élément du décor. Tantôt une chaise immobile qui mime l’impossibilité d’être, d’agir et de devenir, tantôt une ficelle blanche qui traverse et retraverse la salle, incarnant un enfermement inéluctable, celui de Camille Claudel, sculptrice géniale, qui passa 30 ans dans un hôpital psychiatrique. Qui en a décidé ? Sa famille, qui s’inquiétait de ses accès paranoïaques et délires de persécution.


Cette folie, qui s’est emparée progressivement du corps de l’artiste et que Charles Gonzalès recrée par une gestuelle de plus en plus saccadée et des paroles de plus en plus incohérentes, est née de sa relation avec deux hommes. Auguste Rodin, son maître, amant puis persécuteur, dont le comportement a brûlé les ailes de Camille. Et son frère Paul, célèbre écrivain. Ce frère qui l’appelait Camomille, qui admirait la beauté de sa sœur aînée et qui pourtant n’a rien fait pour la sauver de l’asile.

Sublime Charles

Camille Claudel est une femme en perpétuelle souffrance. Souffrance d’aimer un homme jaloux, souffrance de vivre dans son ombre, souffrance d’être une femme, souffrance du manque d’argent, souffrance du manque de reconnaissance. Elle fait partie des artistes maudis, maltraités par le destin.

Livrant une interprétation profondément habitée, Charles Gonzalès transmet ces frustrations au travers d’un choix méticuleux et intelligent de lettres qu’il met littéralement en vie. Le comédien a saisi la douleur et la folie de Camille, tour à tour démente et clairvoyante. Cette introduction dans ce monde tourmenté est rythmée par un jeu à l’image de ce qu’était cette femme, tout en rupture. Charles Gonzalès passe d’un état à un autre grâce à un débit de langue d’abord lent, douloureux et fragile, puis rapide où il s’emporte, crie sa douleur, son incompréhension. L’incompréhension d’un être qui sait son talent et qui n’en fait rien.

Ces ruptures de ton prennent une ampleur fascinante dans la voix du comédien. Il fait un travail impressionnant sur son organe qui se module continuellement, allant des graves angoissants aux aigus doucereux. Il en est de même pour son regard : un regard franc, qui fixe, qui menace, qui tour à tour crache sa douleur, implore ou fuit. Charles Gonzalès, dans ce choix d’interpréter une femme sans essayer de travestir pleinement ses gestes ou sa voix, montre que la folie dépasse les genres. Que la folie est une névrose universelle et que nous sommes tous plus ou moins sur le fil, sur ce fil de funambule duquel Camille est tombée et s’est perdue…


Cécile STROUK (Paris)

Charles Gonzalès devient Camille Claudel (Paris)
Conception, réalisation et interprétation : Charles Gonzalès
Création lumières : Mohamed Maaratié
Technique : Joachim Defgnée
Costumes : Ateliers de l’imprimerie

Au théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins, 75008 Paris, du mardi au samedi à 19h
Photo © Pascal Victor
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Chronique FraÎChe