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Festival d'Avignon

20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 11:25
LE PHENOMENE WAJDI MOUAWAD

Epopée moderne avec personnages attachants et évolutifs : le style Mouawad. "Littoral" est d'abord une histoire personnelle simple et belle. Elle se révélera une belle grande quête initiatique commune.


On commence à connaître l'univers de Mouawad (1), son style quotidien (en apparence) devient reconnaissable. S'il n'use pas d'un langage littéraire, il le truffe pourtant de références et le nimbe d'humour, faisant décoller vers l'onirique ou plonger dans la réflexion, sans que l'on s'en aperçoive. L'auteur revendique un "théâtre pauvre", dans les techniques employées s'entend. Et par là, il perpétue la tradition du conteur riche de "présence" et de talent à stimuler l'imagination de son auditeur.

L'art de la suggestion est bien connu des habitués du ZUT, un théâtre toujours surprenant qui, cette fois, a investi la petite salle du Varia (en attendant une autre collaboration future dont on reparlera). Alors que l'auteur se partage entre France et Québec, en Belgique se font d'autres belles rencontres… C'est après avoir monté "Incendies" que "Littoral" fut programmé, et sa mise en scène prévue par Jasmina Douieb… bien avant que, confirmation sans équivoque, celle-ci soit désignée comme assistante de Mouawad pour sa dernière création en France : "Ciels" (2).


Wilfrid, jeune homme solitaire ordinaire d'un pays banal, encore insouciant, entouré de fantasmes et bercé d'imaginaire, apprend "inopinément" ("en pleine baise"), la mort de son père qu'il n'a jamais vu. Il n'a pas connu non plus sa mère et ne fréquente guère ce qui lui sert de famille. La dépouille exclue du caveau familial, il se résout à entreprendre le projet fou de lui donner la sépulture qu'il juge digne, dans le lointain pays des origines familiales, qu'il sait en situation de post conflit. Depuis "la croisée des chemins" jusqu'à la mer, par monts et par vaux, il fera des rencontres décisives et une sorte de vraie famille se constituera autour de sa Mission devenue un symbole pour tous, victimes et coupables, tous orphelins de leur jeunesse. En fin de Voyage, après le Geste accompli, tous auront grandi. Car, comme Wilfrid le confie à un (de ses) double rêvé, un Chevalier, "aujourd'hui il y a une peine en moi que je ne soupçonnais pas"…Il fait, par là, un adieu définitif aux rêveries de son enfance :"le rêve que tu es m'aveugle trop de la vie"…

La mise en scène inventive "emporte dans le même souffle" d'excellents comédiens-conteurs-chanteurs, se démultipliant avec bonheur, avec en premier lieu le vibrant Itsik Elbaz/Wilfrid et, bien qu'un brin de resserrement de la deuxième partie eut été salutaire, on ne peut qu'être "emportés", nous aussi. Jasmina Douieb qui fut interprète dans "Incendies" (3), se trouve en parfaite symbiose avec à la fois le ton, et les thèmes de l'identité, de la famille, des origines, omniprésents dans l'œuvre de Mouawad qui contient "comme quelque chose de la Tragédie antique"…mais qui est surtout tragi-comique, faite toute entière de contrastes, comme "la vraie vie".

Suzane VANINA (Bruxelles)

1) Wajdi Mouawad est directeur artistique du théâtre français du CNA à Ottawa/Canada. Interprète de "Seuls" au Festival d'Avignon 2008, il sera "artiste-associé" en 2009.
2)cela en 2009, à Chambéry/Espace Malraux et grâce au tout récent Prix Jacques Huisman. "Ciels" sera le dernier volet d'une sorte de tétralogie sur les quatre éléments, dans l'ordre: "Littoral", "Incendies", "Forêts" et "Ciels". 
3) création (belge) au Z.U.T en 2005

Texte : "Littoral" de Wajdi Mouawad/édit. Leméac (1997), Actes Sud-Papiers (1999), plusieurs traductions, adapté et réalisé au cinéma par l'auteur (2004)
Mise en scène : Jasmina Douieb assistée de Flore Vanhulst – Mouvement : Edith Depaule
Scénographie : Anne Guilleray
Interprétation : France Bastoen, André Bayens, Didier Colfs, Lara Hubinont, Pierre Poucet, Philippe Résimont, Jean-François Rossion
Costumes : Renata Gorka
Lumière : Alain Collet
Composition musicale : Daphné D'Heur

Le Z.U.T au Théâtre Varia (petite salle), du 8.5 au 7.6.2008, 20 h 15 – Tél : 0498.10.94.40 -

Crédit photo : Pierre Bodson
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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 08:06
192 HEURES DE THEATRE NON-STOP 

« Die Erscheinungen der Martha Rubin » a été sans conteste  l’une des sensations des 45e TheaterTreffen qui se déroulent en ce moment à Berlin. Dans une ville de cahutes et roulottes décrépies, les spectateurs observent, mangent ou dansent au milieu des quarante acteurs pendant plus de 10 jours. Une performance saisissante et troublante signée par le duo dano-autrichien Signa.


Ça ne rigole pas à l’entrée du bidonville de Ruby Town. « Mettez-vous en rang », « Restez silencieux » assènent les militaires en habit années 40. Passeport, empreinte digitale, visa de 12 heures, contrôles dans la ville, le visiteur devra se plier aux règles de l’Etat du Nord qui gère la frontière avec le bidonville décrié. Le théâtre a déjà commencé, le spectateur se retrouve embarqué dans une pièce dont il ne connaît que peu de choses : Ruby Town est une ville isolée, coincée entre deux frontières, où vivent les descendants de Martha Rubin (jouée par Signa Sorensen, l’une des initiatrices du projet). Celle-ci, ancienne danseuse de cirque et cavalière est l’objet d’un véritable culte. Dans la chapelle ésotérique qui domine le village, elle dort la plupart du temps, et lorsqu’elle s’éveille, partage ses visions noires et prémonitoires. Qu’on soit prévenu : les habitants de Ruby Town sont adeptes du trafic, de la pornographie, boivent beaucoup et seraient même frappés de « radioactivité » selon les militaires.


Dans cette ville de bric et de broc sortie de l’imagination du duo dano-autrichien composée par Signa Sorensen et Arthur Köstler, cabanes et roulottes servent de maison et de théâtre à une quarantaine d’acteurs, pour la plupart non professionnels qui y vivent, dorment, chantent, pleurent, s’enivrent, s’embrassent. Les costumes, le décor, les attitudes ne sont pas sans rappeler un village de gitans. Les commentaires racistes des militaires à la frontière non plus.

Trouver sa place en tant que spectateur

Ici, pas de pause, pas de relâche, les spectateurs vont et viennent 24h sur 24, certains même y passent la nuit. La nuit la musique résonne, certains se saoulent à la vodka avec les acteurs, d’autres passent dans les arrière-cours où pour un euro des jeunes femmes acceptent de se mettre nue. Dans le petit matin, les habitants s’éveillent, grognons, fatigués, la ville est calme. Chacun glisse un œil à l’intérieur des cabanes, vole le sommeil des habitants, prend un café au restaurant. Mais y’a t-il une histoire ? Oui, chaque acteur improvise tout en suivant une dramaturgie établie. L’histoire existe, mais il faut aller la chercher, en grappiller des bribes auprès de chaque personnage. Ou pas.

Le spectateur n’a pas de place prédéfinie, il faut qu’il la trouve. Voyeur, simple curieux, ami, imposteur, il est surtout invité à devenir lui-même acteur. La frontière est ténue. En cette fin de semaine, à 24 heures de là fin de la performance,  les traits sont tirés, l’ambiance pesante. Tout dans le jeu des acteurs - visages, allées et venues, discours – dénote un état de tension. Les habitants s’apprêtent à lever le camp. Martha Rubin, dans sa robe à froufrous sans âge, a les yeux cernés. Dans un sanglot elle annonce que « la ville devra être évacuée d’ici demain ». On aimerait rester, connaître la fin de la tragédie dont on a partagé quelques heures. Que le spectacle continue sans nous génère une frustration, un sentiment étrange d’abandon. Samedi 10 mai, à 18h, Martha Rubin et sa troupe ont rendu les clés de la ville, après la plus longue performance de l’histoire de Signa.

Stéphanie PICHON (Berlin)

« Die Erscheinungen der Martha Rubin », une performance-installation « non-stop » de Signa créée en octobre 2007 à Cologne. Jouée pour la deuxième fois à Berlin du 2 au 10 mai 2008

Concept : Signa Sorensen/Arthur Köstler
Mise en scène : Signa Sorensen
Scénographie : Signa Sorensen/Thomas Bo Nilsson/Arthur Köstler

Technique scénographique audio et vidéo : Arthur Köstler
Décor : Thomas Bo Nilsson
Costume : Signa Sorensen/Thomas Bo Nilsson
Dramaturgie : Sybille Meier

Avec Louisa Aisin, Frank Bätge, marie Pai Bertoldi, Tristan Alexander Kold Christensen, Angelika Christ-Dydra, Toaseef Chugtai, Jeanne-Hélène Dolberg Elkjaer, Judith Fraune, Ana Valeria Gonzales, Emil Groth Larsen, Gry Worre hallberg, Ulf Rathsen Kring Hansen, Nina Hellenkemper, Gabi Hift, Jens, Ibsen Kurre, Birgitte Klaebel, Dominik Klingberg, Arthur Köstler, Emily Kraus, Gregor Kukwa, Ilil Land Boss, Sol Montaldo, Frank Morath, Stefanie Mülhan, Andreas Nickel, Thomas Bo Nilsson, Marie-Lydie Nokouda, Kathrin Osterberg, Juri Padel, Max Pross, Saskia Rüsenberg, Nina Sigurd, Ebbe Herman Sorensen, Signa Sorensen, Jenny Steenken, Momo Subotic, Norbert, Thomé, Sarah Türks, Stig Eivind Vatne, Katrin Wälz, Mareike Wenzel, Tom Wirtz.

Photo © Arhtur Köstler, Signa Sorensen






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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 23:06
A LA LETTRE (ET A VOS MARQUES) : UN VERITABLE MARATHON PHYSIQUE !

Pour cette plongée au cœur de la féminitude et du "syndrome du trentenaire", il faut prendre le long titre au pied de la lettre. En effet, c'est à une performance physique dans les trois couloirs de la piste imaginaire des "24 heures du Bonheur" que se livrent trois des acteurs du Groupe TOC, un Collectif connu pour ses recherches formelles novatrices.

L'idée excellente au départ devient quelque peu lassante par sa répétition et sa longueur. De même la démarche du Groupe Toc, qui (se) réalise de façon collective et vise à faire surgir le sens de la forme, à privilégier les points de vue personnels et "les codes de jeu atypiques et singuliers". Car ici pas de véritable surprise, même si le "style Toc" illustre à merveille le texte explosé, répétitif, obsessionnel de Marie Henry. Cette jeune auteur fut d'abord metteur en scène, avant de confier à Anne Thuot et aux comédiens du collectif bruxellois, la tâche de porter tous ses textes à la scène. C'est que le spectateur-fan, attentif à la démarche d'un groupe artistique parmi les plus intéressants de sa génération, est devenu exigeant. Ayant placé haut la barre de ces athlètes de la scène, il s'attend à d'autres surprenantes performances…


Pauvre Tina, dévorée par la "Toc Touch"…

Cela donne, avec des allures un peu potaches et une scénographie hétéroclite, comme faite de bric et de broc, un énorme jeu de massacre des lieux communs et des conditionnements d'une société formatée dont Tina Pools semble la représentante. Pas vraiment d'histoire en prélude à son fameux marathon de la dernière chance si ce n'est la relation, par tous, de la vie quotidienne médiocre de Tina et de ses proches : sa mère moquée, son frère diabolisé, sa collègue raillée, son chien maltraité… son idéal amoureux même, ridicule à souhait. Ses projets convenus, ses rêves stéréotypés sont joyeusement, férocement, mis en boîte, comme sa course éperdue vers ce Bon-heur, un mot dit avec dégoût…

Alors, Tina Pools n'aime personne et ne s'aime pas vraiment ? C'est du moins ce qu'il semblerait … car comment cerner la personnalité d'un être démultiplié, trituré dans tous les sens par plusieurs comédien/nes, un "jeu choral" (très tendance), qui, ici, parait moins approprié que pour les précédents spectacles de la compagnie. Ce qui était adéquat, s'agissant d'une absente dans le premier spectacle du TOC : "Moi Michèle Mercier, 52 ans, morte", comme pour aussi le très original et réussi "Mon Bras" de l'Anglais Tim Crouch (voir échos dans le site) s'avère ici moins pertinent et percutant. Il serait tout de même dommage que, se copiant lui-même, le style TOC tourne au procédé mécanique prévisible. Dommage que, à force de privilégier le "il/elle" par rapport au "je" et multiplier les dédoublements des personnages, tout "héros" ou "héroïne" en devienne immatériel, sans consistance ni accroche pour le spectateur. Une déshumanisation qui risque d'inspirer une certaine indifférence alors que l'on recherche, parait il, "le rapport immédiat et intime avec le spectateur". Reste le rythme, époustouflant autant qu'essoufflant. L'ensemble, très visuel, procure de multiples sensations à défaut d'émotions.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Texte : "Les 24 heures de Tina Pools à la recherche de son bonheur" de Marie Henry (créé en 2003 par "Les Imposteurs",Differdange
Mise en scène : Mélanie Zucconi - "Regard" : Cédric Lenoir - Décor : Thomas Noël
Interprétation : Ludovic Barth, Mathylde Demarez, Hervé Piron, Raphaël Noël, Mélanie Zucconi
Lumière : Raphaël Noël
Image vidéo : Anne Thuot
Musique : Ludovic Barth – Son : Benjamin Dandoy

"Groupe Toc" au Théâtre Marni du 8 au 17.05.2008 – Tél : +32(0)2.639.09.80 – www.theatremarni.com -  Ensuite Théâtre de la Place/Liège, Théâtre de l'Ancre/Charleroi : voir leurs saisons 2008-2009

Crédits photos : Anne Thuot


















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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 18:59
DEUX DESTINS CROISES, OEUVRES DE FEMMES, ET NON "OUVRAGES DE DAMES" !

Parole aux femmes : depuis les personnages jusqu'à celle qui les a imaginés et retour vers celle qui les porte à la scène et celles qui les incarnent …

Ce spectacle est passé en météore lors de la saison 2005-2006. Cela ne l'a pas empêché d'être remarqué et gratifié de récompenses, soit : Meilleur espoir masculin : Eno Krojanker, Meilleure scénographe : Olivia Mortier (pour toutes ses participations de la saison) et la "Kirsh Compagnie" elle-même, nominée en catégorie "Meilleure découverte"au "Prix du Théâtre". Des distinctions tout à fait méritées, qui seraient à élargir à tous les participants du spectacle et on remercie donc l'Océan Nord d'avoir reprogrammé ce projet de Virginie Strub qui a réalisé l'adaptation du roman du Prix Nobel 2004 de Littérature, Elfriede Jelinek, et l'a portée à la scène. Virgine Strub est suissesse, Elfriede Jelinek est autrichienne. Le texte est fort et féroce et pourtant… Il commence comme une jolie carte postale, conté par une narratrice/Céline Greleau, dont le ton aimable d'hôtesse contrastera singulièrement avec ce qui va suivre car…


Ce que cache "ce beau pays avec ses monts et ses vaux"…

Dans la petite usine locale (pareillement décrite de manière séduisante) travaillent des ouvrières en textile. Une providence pour les femmes de la région. Pas si sûr… Certaines n'étant pas attirées par un destin tout tracé s'en cherchent un autre. De simples couturières elles veulent "être plus que moins" - statut social amélioré ou "Amoûr" idéalisé - et Brigitte la Battante comme Paula la Naïve, vont emprunter pour cela deux chemins bien différents : l'un déclaré "le bon", l'autre "le mauvais", par la petite société hypocrite et sans âme qui les entoure et qui les juge. Les deux histoires vont se croiser dans le spectacle, comme les fils de la Grande Fileuse et l'on n'a pas peur d'évoquer des figures mythiques tant le trait, volontairement grossi à l'extrême, fait de ces personnages et de leurs comparses, des archétypes.

La plume de Jelinek, déjà trempée dans un mélange corrosif est relayée par une mise en scène pleine d'énergie, de punch, autant que d'inventivité et de précision horlogère, soutenue en cela par la scénographie d'Olivia Mortier et par le jeu d'excellents comédiens. Le ton détaché, impavide, de la narratrice illustre à merveille une des phrases à l'humour significatif du spectacle : "Souvent les femmes se marient…ou périssent d'une autre façon". En contraste violent, les quatre héros pitoyables de ces deux histoires sont incarnés par deux comédiennes : Malthilde Lefèvre pour Brigitte, Hélène Moor pour Paula  et deux comédiens : Erno Krojanker/Erich, Christophe Lambert/Heinz, des personnages parlant en "je" et en "il/elle" en alternance (quand ils n'endossent pas d'autres rôles), avec une virtuosité et un abattage étourdissants (seul petit reproche : le nombre élevé de décibels, inutile, tant pour les voix que pour la bande-son). C'est à la fois grotesque, brutal, cruel, terrifiant, pitoyable, pathétique… et terriblement efficace, toujours.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Texte : adaptation de Virginie Strub d'après Elfride Jelinek dans la traduction de Yasmin Hoffmann et Maryvnne Litaize/édit. L'Arche
Mise en scène : Virginie Strub assistée de Emilie Desmedt
Scénographie : Olivia Mortier assistée de  Christophe Wullus
Interprétation : Céline Greleau, Eno Krojanker, Christophe Lambert, Malthilde Lefèvre, Hélène Moor
Costumes : Anne Sollie
Lumière : Nicolas Sanchez
Son : Isabelle Soumeryn-Schmitt

"Kirsh Compagnie" au théâtre "Océan Nord", du 6 au 17.5.2008, 20 h 30 (sauf Di et Lu; Me à 19 h 30) - Tél : +32(0)2.216.75.55 - info@oceannord.org - www.oceannord.org – www.kirshcie.org

Crédits photos © Michel Boermans
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11 mai 2008 7 11 /05 /mai /2008 22:34
UNE VIE BARBELÉE

Prix Femina du roman étranger en 95, le récit de Jeroen Brouwers, adapté à la scène, fit quelques beaux soirs au Cloître des Célestins à Avignon en 2006. Il raconte la vie d’un gamin dans les camps japonais durant la seconde guerre mondiale.


Autobiographique, l’histoire est contée avec une sorte de détachement qui en rend l’horreur encore davantage perceptible. Ce que vivent un enfant, sa sœur, sa mère et sa grand-mère est le quotidien de l’humiliation, de l’obstination à survivre, du côtoiement permanent avec la mort, des souffrances physiques et morales dont les répercussions conditionneront l’existence du futur adulte narrateur.

Le traitement scénique de Cassiers donne à la performance de Dirk Roofthooft un écho particulier. L’usage de la vidéo en direct permet de percevoir le personnage de manière quasi cubiste. Il est filmé grâce à plusieurs caméras qui, par intermittence, se conjuguent afin de montrer l’acteur et le personnage de façons diversifiées. Au gros plan de son visage s’ajoutent des visions de son dos, des rapports entre profils et face, l’apparition d’une silhouette minuscule façon ombre chinoise, des gestes dédoublés comme en écho de l’action qui se déroule…


L’homme devient une image kaléidoscopique de lui-même. Tantôt géant puissant, tantôt fourmi microscopique ; tantôt humain identifiable, tantôt morceaux de chair anonyme. D’où une tension permanente entre présences réelle et virtuelle. Tensions que l’écriture accroît en confrontant la conduite ordinaire et les séquelles psychologiques d’une enfance bousculée sur la réalité du présent.

S’éclairent alors, sans pour autant être expliqués, les échecs amoureux, le mal être permanent, la difficulté à être père, la barrière difficilement franchissable du rapport à autrui et au fonctionnement de la société. Derrière l’apparente banale vulgarité de celui qui cure les ongles de ses orteils et se râpe les durillons du pied, il y a la sensibilité d’un individu que la vie a écorché dès la petite enfance. Et c’est d’autant plus fascinant que la retenue du comédien, alors qu’il semble toujours prêt à exploser et à se désagréger, donne un poids formidable aux mots  tandis que les lumières et l’environnement sonore en soulignent subtilement les côtés crépusculaire, sulfureux, écorchés. Et que résonne en chacun la question de savoir s’il y a quelque bonté dans les humains.

Michel VOITURIER (Bruxelles)

Texte : Jeroen Brouwers (éd. Gallimard) (traduction : Patrick Grilli)
Mise en scène : Guy Cassiers

Adaptation : Guy Cassiers, Dirk Roofthooft et Corien Baart
Assistance à la mise en scène : Hanneke Wolthof
Distribution : Dirk Roofthooft
Dramaturgie : Erwin Jans
Décor, vidéo & lumière : Peter Missotten (De Filmfabriek)
Décor sonore : Diederik de Cock
Musiques : Duruflé, John Cage, J.J. Cale
Réalisation vidéo : Arjen Klerkx
Costumes : Katelijne Damen
Accessoires : Myriam Van Gucht
Coproduction : Toneelhuis / ro theater

Spectacle créé à Rotterdam au Rotterdamse Schouwburg le 16 octobre 2004

Au Théâtre de l’Ancre à Charleroi, les 23 et 24 avril 2008
Guy Cassiers sera présent dans le Festival In d’Avignon 2008 avec deux spectacles nouveaux : « Wolfsker s » et « Atropa »










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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 20:51
CHERCHER LE SENS DE SA VIE 

Petit anti-héros glandeur, voici Kroum de retour dans sa petite communauté de petites gens : drôle et désespérément triste à la fois.


Alors qu’il jouit dans son pays, Israël, d'une aura prestigieuse, Hanoch Levin, grand homme de théâtre "engagé", est encore bien méconnu en Europe. Depuis un passage remarqué à Avignon en 2005, il commence à être apprécié en France. En Belgique c'est du côté néerlandophone que l'on s'est intéressé à lui. Au KVS déjà, par la création d'une autre de ses pièces, "Schitz"(1), en version néerlandaise sur-titrée fr/en, comme "Kroum".


L'histoire du (sur)nommé "Kroum"(2), est banale. Elle peut se passer partout et n'est du reste pas située géographiquement. C'est comme le retour biblique de l'enfant prodigue mais dans un comité d'accueil  qui va déchanter. En effet, parti chercher fortune hors de ce "quartier défavorisé" de grande ville, loin d'avoir été un prodige, il est revenu bredouille : pas de femme, pas de fric… pas de fête. Kroum dérange alors car lui, au moins, "il a essayé l'envol". Il voit la sottise des rêves en toc des autres. Toutes ses tentatives pour échapper aux reproches maternels, tomber amoureux ou écrire un livre sont vaines. Il agresse, il en veut à ceux qui comme lui, veulent partir; il s'en veut de son impuissance. A la fin, confronté brusquement au drame personnel, on veut croire que, peut-être, il va acquérir la maturité qui lui manque et que, peut-être, il sortira de sa conviction désabusée qu'il y a deux catégories de gens : ceux qui savent profiter de la vie et ceux qui en sont incapables.

Des choses simples et universelles

 Ruud Gielens est ce jeune acteur-metteur en scène flamand qui s'était signalé par une mise en scène époustouflante au Kaaitheater (3). Excellent directeur d'acteurs, il sait insuffler du tonus à son équipe tout en préservant et mettant en valeur chaque personnalité au sein d'un même groupe homogène. Les comédiens pour qui l'auteur a prévu un sobriquet et donc "un type", osent aller jusqu'au bout des intentions dans une parfaite décontraction qui rend naturel le plus saugrenu. C'est aussi avec une belle économie de moyens scéniques, rendus très signifiants comme ce dispositif suggestif dans sa simplicité - les murs ont des oreilles et les fenêtres sont sans rideaux - qu'il donne une impression de quartier populaire animé avec des niches d'habitation où l'intimité est malaisée. Sans concession à toute mode ou "courant artistique" du moment, sans tape à l'œil, Ruud Gielens sait à la fois se montrer fidèle à l'auteur et efficace dans la représentation de son plaidoyer, toujours si actuel, en faveur de la responsabilité personnelle.

Suzane VANINA (Bruxelles)

1) KVS/De Bottelarij,10.1.2004, mise en scène de David Strosberg, qu'on retrouve comme l'interprète de Tachtiech dans" Kroum". Soit 2 des 56 pièces d'un des auteurs actuels (1943-1999) parmi les plus prolixes.
2) en hébreu :"membrane dégoûtante sur le lait" (ou "cheveu dans la soupe"…)
3) il s'agit, en 2006, de "Le moment où nous ne savions rien les uns des autres", pièce sans paroles de Peter Handke (voir écho)

Texte : "Kroum" de Hanoch Levin, version néerlandaise de Ruben Verhasselt/éditée par KVS(Brussel) & RO Theater (Rotterdam), d'après le texte de Hanoch Levin.
Dramaturgie : Tobias Kokkelmans
Mise en scène, scénographie, lumière : Ruud Gielens,
Interprétation : Herman Gilis, Mieke De Groote, Lukas Smolders, Jeroen Van der Ven, Katrien Declercq, David Storsberg, An Hackselmans, Evelien Van Hamme, Lorenza Goos, Youri Dirkx, Mira Helmer, Thijs Bloothoofd
Décor : Ruud Gielens et Ann Weckx
Son : Tim Gistelynck

Une Première belge/coproduction KVS/Belgique-RO Theater/Pays-Bas,  au KVS, Bruxelles du 29.4 au 3.5.2008 avant reprise en septembre et tournée - Tél : +32(0)2.210.11.12 – www.kvs.be

Crédit photo : Kurt Van der Elst

 
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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 20:48
ATTENTION : UNE ENIGME PEUT EN CACHER UNE AUTRE

Cela sonne comme une "pièce à énigme". Alors, voit-on renaître un genre tombé en désuétude ? Suspense… Coupons court : non, pas vraiment, avec ce spectacle-ci qui s'en moque allègrement !

Le "genre policier" a un passé glorieux au théâtre mais alors que le cinéma l'a fait évoluer vers le polar, le thriller, le suspense psychologique, et que la télé gave le spectateur de séries criminelles, on l'a plutôt oublié aujourd'hui… Reste donc la parodie, la mise en boîte des codes, clichés et poncifs, et/ou des grands noms du genre.

Nous aurons donc le manoir écossais, le lieu isolé, l'élément climatique (neige ou brouillard) qui va encore renforcer le huis clos, le mystérieux jeune séducteur, les belles rivales, la gouvernante espionne, le retraité de l'armée. Tous suspects, bien sûr. Et un inspecteur balourd.


Comme les pièces policières, on a un peu oublié Tom Stoppard (1), ce Tchèque devenu so british…La surprise est donc réussie quand débute l'interaction entre le public et la scène, ou plutôt les critiques et la scène, et quand ceux-ci - rivaux qui s'affrontaient en jacassant -deviendront des personnages de la pièce qu'ils commentaient à voix haute en parallèle.

Tom Stoppard aime les dérapages et s'amuse à faire dérailler le train-train convenu, comme à renverser les rôles. Quelle délectation en effet pour un auteur que de faire monter la Critique sur un plateau de théâtre ! Suivant le principe de "la pièce dans la pièce", et contrairement à ce qu'annonce Grosabeau le blasé, c'est le "second acte" qui va révéler la saveur du breuvage empoisonné  préparé par l'auteur, quand on verra ledit Grosabeau appelé au téléphone/accessoire de scène et contraint (avant d'être ravi) de prendre part à l'action qui se poursuivra avec lui. Quelle revanche aussi pour Tom Stoppard de pasticher les bases mêmes de "La Souricière"(2), une Institution qui a dû sans doute agacer le "jeune homme en colère" des années cinquante !

Jouons avec les 2ème, 3ème… degrés

Pour tous, un jeu d'acteur exacerbé sur fond de cadavre frais et de deuxième mort annoncée. C'est peu de dire en effet que c'est surjoué, ponctué de gros signaux sonores de la bande son et autres clins d'œil, dans un rythme et une mécanique huilée propres à provoquer l'hilarité. Très habilement, les répliques de la pièce vont se chevaucher avec les répliques de la pseudo "vraie vie" des critiques. Ensuite ce n'est plus un, mais les deux scribouilleurs qui se verront embarqués dans une sanglante aventure…Pour rire, bien sûr ! Puisque rien n'est pris au sérieux et que, "même si vous n'avez pas tout compris", cela n'est pas d'une grande importance puisque le principal était que vous ayez bien ri. Car tel est le credo du TTO : "divertissement et convivialité", toute la saison !

Suzane VANINA (Bruxelles)

1) Mis à part un mémorable "Albert 's Bridge"/"Albert et Son pont" monté il y a quelques années au CC des Riches-Claires. Son "Real Inspector Hound"(1968) avait pourtant été quasi tout de suite (en 1969) traduit et monté à Bruxelles, avec un titre quasi inchangé, dans l'adaptation et la mise en scène de Frédéric Latin.
2) "The Mouse Trap"/La Souricière" est cette pièce d'Agatha Christie qui a battu tous les records de longévité au théâtre : créée le 25.11.1952 à Londres, elle a connu + de 20.000 représentations, et se joue en encore !

Texte : "The Real Inspector Hound" de Tom Stoppard dans l'adaptation française de Jean-François Prévand et Sarah Sanders
Mise en scène : Olivier Massart assisté de Alexis Goslain
Interprétation : Laurence Bibot, Toni d'Antonio, Joséphine De Renesse, Bruno Georis, Frédéric Nyssen, Philippe Rasse, Freddy Sicx, Nathaliue Uffner
Décor : Dominique Maertens
Lumière : Manu Maffei
Son : Whar et Dominique Bréda – Voix off : Marc Danval
Costumes : Jackie Fauconnier – Maquillage : Juan-Carlos Salazar

Production "Mazal" au TTO (Théâtre de la Toison d'Or) à partir du 10.04.2008, 20 h 30 –
Tél : +32(0)2.510.05.10 - www.ttotheatre.be

Crédits photos © J.Pohl
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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 20:40
DE L'INSTALLATION A L'ORATORIO

C'est la deuxième édition d'un concept particulier : le "theâtrexpo" dont le but est de créer une rencontre entre un artiste plasticien et ses œuvres et des artistes appartenant au "spectacle vivant", de provoquer une synergie entre ces différents artistes. Huit choristes, une comédienne, un pianiste, et une centaine de sculptures : les "sentinelles nues"...


Le spectateur déambule d'abord dans ce qui s'apparente à une exposition de sculptures, faites de tous bois, dont certaines évoquent des totems, qui ont envahi le plateau et les côtés de la salle des Riches-Claires. Une fois ce public installé "comme d'ordinaire" dans la salle, commence alors un jeu magique d'ombres, de lumières, qui font réellement  vivre ces stèles. Dans le même temps, des humains en chair et en os, en voix parlée, en voix chantée, en soliste, en choristes, racontent une étrange aventure, comme venue du fond des âges.


Chaos et renaissance

Une relation profonde entre les êtres de bois et les êtres humains s'installe sur le vaste plateau, car  "terre et ciel seraient perdus s'il n'y avait l'arbre pour les relier", de même qu'une profonde intimité avec l'Humanité – celle d'où nous venons et que nous passerons - et avec l'humus – celui d'où nous venons et que nous passerons -. Gourmands de gaudriole, vous serez déçus. Esprits futiles s'abstenir. Il s'agit de "mise à nu, comme la mise à nu du bois, arbre sculpté, arbre scruté…une quête à fleur de peau". La musique originale pour piano, part, elle aussi, de la même démarche. Avec des accents tragiques parfois, elle parle de vie et de mort, elle ponctue le texte et accompagne les choristes, sachant qu’après la mort de l'arbre, cherchant la Lumière, renaissent les statues, ces sentinelles éclairées, éclaireurs-veilleurs. Pour le sculpteur Xavier Rijs, l'arbre est à la base de son travail, tant comme matériau que comme concept et avec le metteur en scène Vincent Dujardin, il a trouvé comment établir le dialogue avec la scène, hors galeries, expositions ou plein air. Ce dernier, ayant lui-même une solide formation musicale,  a tout naturellement trouvé écho chez le compositeur et pianiste Mariano Ferrández.

Poétique et insolite, rigoureux et un peu hermétique si l'on ne consent à l'immersion totale …tel est ce spectacle à la frontière entre trois arts, entre trois formes de langage plutôt. Le final est magique : le public est transporté dans une forêt lumineuse et envoûté, a du mal à quitter ce fascinant théâtre de mémoire et de lumière.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Concept théâtrexpo : Mélanie Lalieu
Texte : Vincent Dujardin et Xavier Rijs
Conception et installation sculpturale : Xavier Rijs
Mise en scène : Vincent Dujardin
Composition musicale et interprétation piano : Mariano Ferrández
Interprétation : Sylvie Perederejew (comédienne) – Julie Calbete, Aurélie Moreels (sopranos), Christine Lamy, Monique Weis (altos), Laurent Deschepper, Eric Trekels (ténors) François Xhrouet, Romain Dayez (basses)
Chef de chœur : Thibaut Lenaerts

Production des Riches-Claires du 1 au 7.5.2008, 20 h 30 – Tél + 32(0)2.548.25.80 – www.lesrichesclaires.be

Crédits photos : Dominique Bréda
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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 20:37
UNE VERSION QU'ON NE HAIT POINT

Un quatuor d'acteurs rejoue une partition nouvelle d’El Cid, d'après la tragédie de Pierre Corneille : "Le Cid". Actuel et interpellant.


Créée en mars, reprise en novembre 2006, l’adaptation et la mise en scène de Sabine Durand est fidèle au texte de Corneille tout en s'autorisant des coupures significatives, de larges libertés dans sa représentation, et en n'escamotant pas les outrances. La distribution reprend  les comédiens de la  création sauf Nicolas Luçon, qui assume le rôle titre. Quatre acteurs pour incarner une dizaine de personnages. Sauf les "permanents" : l'Infante de Castille/Photios Kourgias, rendue asexuée et dont les sentiments ambigus apparaissent d'autant mieux, le Roi Don Fernand/Jean Debefve, dépouillé de sa superbe, tout proche de la sénilité. Au couple Rodrigue/Nicolas Luçon-Chimène/Nathalie Mellinger de se démultiplier pour incarner également les autres personnages, dont leurs pères !


Dépoussiéré et désenflé…

Option audacieuse, doigté subtil de la metteur en scène, prouesse toute en finesse des comédiens… Le plus étonnant c'est que, sans cesse sur le fil, l'ensemble devient, au pied de la lettre, une farce tragique. Avec un dépouillement à l'excès en terme de décor et accessoires : un tabouret et un vieux canapé, les épées, des costumes intemporels, un plateau de plain-pied avec les spectateurs…

Ce sont les pulsions ordinaires qui affleurent sous les "tirades" connues. Non plus la grandeur d'âme des nobles héros magnifiés mais la jalousie, l'envie, l'orgueil, l'ambition, la déraison, la barbarie, la passion, le caprice, l'égocentrisme…les petits sentiments inavouables et les calculs mesquins mis à nu. Les affronts, causes de tous maux, redeviennent ce qu'ils sont ridiculement : affaires de vanités. Soulagée des oripeaux de la Tradition, l'histoire n'est plus celle de mythes héroïques.. Elle est ramenée à des conflits entre humains. Chimène et Rodrigue sont deux adolescents prêts à tous les excès de leur âge, touchants dans leur vulnérabilité et leurs contradictions.

On sourit aussi, non pas du fait d'une drôlerie gratuite plaquée sur ce grand monument, mais parce que tant d'immaturité est désarmante. Le fameux récit par Rodrigue en guerrier vainqueur, de "la troupe qui s'avance avec une mâle assurance" prend une autre dimension. La répétition "des champs de carnage où triomphe la mort" par l'Infante, répétition dont elle se délecte, ramène le récit  au compte-rendu d'une horrible boucherie. Si l'on ne se refuse pas de belles envolées, des pleurs et des supplications, c'est pour qu'aussitôt après, on en voie la parodie… Du travail de navigation périlleuse pour lequel Sabine Durand a pu compter sur d'excellents comédiens rompus à l'exercice de la corde raide.

Peut-on qualifier d'"iconoclaste" la démarche de la jeune metteur en scène ? Celle-ci détruit-elle l"œuvre de Corneille ? Il nous a semblé tout le contraire : respect des vers, respect de l'histoire, respect de l'esprit de l'œuvre (qui fit scandale par sa nouveauté mais à une bien lointaine époque !). A Bruxelles, et dans toutes les langues, nous avons connu bien d'autres audaces et décoiffages de perruques ! Et puis, tronquer le titre et avoir soin d'indiquer :"d'après Pierre Corneille", n'est-ce pas là démarche honnête ? Ce "Cid" dans son approche ascétique aurait pu rebuter, au contraire, il (re)trouve là toute sa passion.

Suzane VANINA (Bruxelles)

Texte : "Cid", adaptation de Sabine Durand d'après"Le Cid"de Pierre Corneille
Mise en scène : Sabine Durand
Interprétation : Jean Debefve, Photios Kourgias, Nicolas Luçon, Nathalie Mellinger
Lumière : Virginie Strub
Costumes : Claire Farah et Virginie Honoré

La Compagnie Six-65 au Théâtre de La Balsamine du 22 au 30.4.2008, 20 h 30
Tél : +32(0)2.735.64.68 – www.balsamine.be

Crédit photo © Julien Jaillot

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7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 13:40
OPPRESSANT ET GRANDIOSE

Par sa mise en scène ultra-réaliste, « The Brig », qui retrace le quotidien de détenus d'une prison militaire américaine, fait l'effet d'un électro-choc. Cette création du Living Theater, théâtre et troupe engagés de New York, entame sa tournée européenne par l'Allemagne, avant de jouer en Italie.

Entre la scène et les spectateurs, d'immenses fils barbelés tendus. Sur scène, une immense cage en fil de fer, dans laquelle se trouve 5 lits superposés. Le décor donne le ton. Le public va regarder la représentation d'une tranche de vie de prisonniers militaires aux Etats-Unis. Ames sensibles, s'abstenir. L'angoisse que suscite ce décor de prison grandit au fur et à mesure de la pièce.

On ne sait rien des prisonniers, ni de leurs gardiens. Sinon qu'ils sont Américains. D'ailleurs la pièce est jouée en anglais. Le spectateur est plongé directement dans le quotidien des détenus. Ils sont dix. Des numéros ont remplacé leurs noms. Allongés dans leurs lits superposés, ils se lèvent aux hurlements de leurs gardiens. Et l'enfer de leur journée commence.


Sous la surveillance et les hurlements omniprésents de leurs quatre surveillants, les hommes doivent s'habiller en cadence en regardant toujours droit devant eux, marcher militairement, se brosser les dents, faire le ménage, aller aux toilettes, faire leur lit, refaire le ménage, lire le manuel du Marines. La journée est minutée. Chaque geste est effectué sous la contrainte. Les prisonniers ne décident de rien. Tous les trois mètres, ils doivent demander la permission de franchir un pas supplémentaire. Ils vont aux toilettes quand on le leur dit. Les humiliations sont permanentes. Sous l'oeil narquois des gardiens, il leur faut obéir à l'ordre de mettre la tête dans les WC, d'entrer dans une poubelle, de se faire frapper, sous peine d'être encore plus maltraités.

Nerfs à vif

Les ordres hurlés par les surveillants et les demandes de permission criées par les détenus sont les seuls dialogues de cette pièce. La répétition des gestes, des mots, les cris, les pas cadencés, les bruits de bottes, les coups, la surveillance omnisciente, les barbelés, le plaisir de nuire, mettent les nerfs des prisonniers à vif. La peur, la détresse, l'impossibilité de réfléchir se lisent sur leur visage. Les spectateurs sont presque aussi oppressés. Cette mise en scène ultra-réaliste est plus efficace que tous les grands discours sur le respect des droits de l'homme et de la dignité des prisonniers.
 
« The Brig » a été joué pour la première fois à New York en 1963 pour dénoncer la brutalité des relations dans les prisons militaires américaines. Très bien accueillie par le public, cette pièce a été écrite par les fondateurs du Living Theater, Julian Beck et Judith Malina. A 81 ans, cette dernière signe la mise en scène de la version 2007. Face aux exactions commises envers les prisonniers militaires retenus par les Américains à Guantanamo (Cuba), cette pièce garde toute sa force et sa vocation.

Marie MASI (Berlin)

« The Brig »
Texte : Kenneth H.Brown
Mise en scène : Judith Malina (www.livingtheater.org)
Interprétation : Gene Brackett, Gene Ardor, Kesh Baggan…

Prochaines représentations : du 8 au 11 mai au Theaterhaus de Stuttgart.
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Chronique FraÎChe