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Coaching prise de parole

           

Mois AprÈS Mois

Festival d'Avignon

24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 14:47

BIENVENUS CHEZ LES NANTIS !


Un an après « Sexe et trahison » où elle explorait les arcanes de l’impitoyable univers du showbiz, Sandrine Ubéda, avec plus de folie que de sarcasmes, pénètre dans un palais qui devrait rappeler quelque chose à tous ceux, nombreux souhaitons le, qui viendront applaudir cette comédie truculente.


Le parti pris est clairement assumé : il n’est pas question de faire dans le dynamitage en règle d’une certaine élite qu’on aura reconnue très rapidement mais plutôt, en partant d’une situation réelle, de s’envoler dans les contrées d’un monde parallèle, fait de loufoqueries et de folie. El Nino (« le Petit » en espagnol…) est l’hôte du palais de l’Alysée. Avec un nom pareil, pas étonnant que l’énergie éolienne tourne à plein régime et qu’on brasse de l’air. Cet air très dans l’air du temps du m’as-tu-vu-avec-ma-jolie-rolex et séjour de luxe dans le rafiot de l’ami Ricoré. La télé est à ses pieds grâce à Etienne Jugeotte. De la jugeote, Loana et Stevie, animateurs, n’en ont pas un échantillon sur eux.  Aussi quand il vont tenter de pénétrer dans l’intimité du roi-président-empereur à qui il faut trouver dare-dare une première dame,  tout va foirer rapidement…



Avec la même équipe que « Sexe et trahison » l’an dernier, nous partons cette fois-ci dans un autre univers impitoyable : celui du pouvoir. Ce pouvoir qui vous grandit un homme même tout petit. Ce pouvoir qui vous autorise toutes les excentricités. Sauf que l’excentricité est ici plutôt dans le propos de ce spectacle que dans les comportements des personnages. C’est en effet en convoquant dans son histoire des fées un peu barjes et des farfadets que Sandrine Ubéda se démarque des spectacles qui épinglent avec parfois force sarcasmes la classe politique.


Jeux de mots et chansons déformées


Le dialogue est vif, drôle, bourré de trouvailles, de jeux de mots, de références (de « Forrest Gump » à Claude François), persillé de chansons déformées, parfois volontairement malmenées. On navigue finalement dans une espèce de cirque qui en évoque un autre, celui du plus célèbre palais de France. L’ensemble est chamarré, coloré, très physique aussi. La scène ne suffit pas, c’est la salle entière qui est requise pour ce spectacle diablement vivant que défendent des comédiens qui s’amusent terriblement. Bien sûr, on pourrait espérer un peu plus de méchanceté et quelque chose de plus politiquement orienté, mais le message passe pourtant cinq sur cinq : le bonheur n’est pas simplement une affaire de gros sous ni de « bling bling ». Mais au lieu de se réjouir à cueillir ce message assaisonné d’une ironie mordante qui n’est pas de mise ici, on s’en saisit avec un plaisir sain et simple grâce à un voyage dans un monde d’adultes sans oublier les gamins qu’on a été.


Franck BORTELLE (Paris)


People story « bienvenue à Bling-Bling land »

Ecrit et mise en scène par Sandrine Ubeda

Avec Yann Abram, Stéphane Auer, Vanessa Ubeda, Marie Battini, Carla Marquès, Soraya Archimbaud et Sandrine Ubeda

Théâtre des Deux-Rêves, 8 impasse de Thionville, 75019 Paris (Métro : Laumière ou Ourq)

Jusqu'au 7 mars 2009 les vendredis et samedis à 19h30

Jusqu’au 28 mars 2009 les vendredis et samedis à 21h30


Durée : 1h20

  
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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 14:43
RECALÉS !

Difficile de passer derrière un chef-d’œuvre du grand écran, auréolé à juste titre des prix les plus prestigieux. L’adaptation théâtrale du roman de François Bégaudeau ne prétend pas rivaliser avec le film de Laurent Cantet. C’est bien l’un des rares bons points qu’on puisse lui accorder, ce salmigondis théâtral accumulant les faux pas et erreurs en tous genres pendant plus de deux heures. Dur !


Les images du film de Laurent Cantet sorti pourtant voilà plusieurs mois sont-elles encore trop présentes dans les mémoires pour qu’inévitablement elles se télescopent avec celles de ce brouhaha scénique de deux heures qui sévit sur les planches du Théâtre Ouvert ? Attend-t-on avec trop de ferveur une adaptation théâtrale du film, lui-même très fidèle au roman, pour que la déception, immense et sans retour, prenne une telle ampleur ?



La volonté s’affiche pourtant clairement de ne pas « faire comme », d’oublier la Palme d’Or du dernier Festival de Cannes et de proposer autre chose. C’est cet autre chose qui vire au pas grand chose. Pas grand chose de bon, en tout cas.

Un collège de ZEP. Ses élèves et ses profs. Attirance et rejet, aigle bicéphale planant au dessus de l’incoercible besoin d’entamer un dialogue, parfois de sourds, parfois assourdissant. « Les hommes meurent de ne rien se dire » chantait Barbara. Mais cela peut être tuant quand ils le disent aussi mal.


Deux heures de cacophonie


C’est une cacophonie de plus de deux heures qui attend le spectateur. Les comédiens qui semblent rivaliser d’incompétence par un jeu bâclé (mention spéciale à Barnabé Perrotey qui transforme ce prof en Trissotin de quatrième zone, déclamatoire et monstrueusement pédant) endossent en alternance les rôles des profs et des élèves. Pourquoi pas ? En revanche difficile d’avaler le « petit » détail qui choque d’emblée : tous sont blancs, tout ce qu’il y a de plus blancs. Ainsi la bigarrure incarnée dans le roman par les personnages de Mézut, Idrissa, du père d'Idrissa et de Ming est-elle anéantie, laminée, par des comédiens aussi blancs de peau que pâles dans leur non-jeu.



D’énormes moyens techniques et des idées intéressantes de mise en espace ne suffiront pas à rattraper le coup et encore moins le coût. C’est cher payé en effet, deux heures d’inconfort pour assister à ce massacre. On ne peut s’empêcher surtout de penser à ces spectateurs qui auront payé pour ne pas voir l’ensemble de cette pièce, certaines scènes se déroulant dans des recoins du théâtre inaccessibles à un grand nombre de regards. Il est temps que l’Etat finance plus grassement la recherche et que la science palie cette impardonnable tare génétique qui nous prive des yeux derrière la tête. Cela permettrait d’assister à l’intégralité de ce spectacle. Mauvais certes, mais vu dans son ensemble…


Franck BORTELLE (Paris)


D’après le roman de François Bégaudeau

Mise en scène : François Wastiaux

Scénographie : Cécilia Blom

Vidéo : Aurélie Mormesse

Création sonore et interprétation : Gérard d’Elia

Création et régie lumières : Michel Paulet assisté de Fabienne Acquaviva

Construction et peintures : Olivier Seiler, Stéphane Becimol et Valérie Guy

Avec Elsa Bouchain, Sarah Chaumette, Stéphanie Constantin, Sylvain Fontimpe, Michèle Foucher, Jérôme Marin, Barnabé Perrotey, Bachir Sam et Gérard d’Elia

Théâtre Ouvert, Cité Véron, 75018 Paris (Métro : Blanche)

Du 16 janvier au 14 février 2009, le mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 heures, matinée le samedi à 16 heures.

Durée : 2 heures


Photo Julien Kraemer


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21 janvier 2009 3 21 /01 /janvier /2009 09:49

HOMMES, FEMMES, BLA BLA BLA

 

La critique est unanime. Agnès Soral jouit d’un concert de dithyrambes avec son one-woman show. La réussite du spectacle intitulé « Agnès Soral aimerait bien vous y voir » est telle qu’on en vient à douter. Est-ce si justifié ?

 

L’affiche est aguicheuse et drôle.. La comédienne, souriante à souhait, y pose nue, recouverte d’un seul papier-cadeau transparent. Ses mains protègent ce qu’on ne saurait voir. Une image qui laisse deviner les sujets qui seront abordés. La femme bien sûr, mais surtout, les hommes. Eh oui, ce n’est pas encore cette fois qu’on échappera aux sempiternelles différences entre les deux genres.

 


La relation homme-femme est traitée sous tous ses angles : de l’homme qui pisse sur la cuvette à la femme qui râle, de l’homme marié inaccessible à la femme éplorée, de l’homme égoïste à la femme allumeuse. Bref, aucun cliché n’est épargné. Agnès Soral propose un spectacle où les généralités s’en donnent à cœur joie.

 

Cette impression de déjà vu est lassante. Il existe pourtant tant d’autres sujets porteurs de rires et qui sortent des sentiers battus. Pourquoi ne les aborde-t-on pas ? Par manque d’inspiration. Ou peut-être parce qu’il faudrait inventer. N’est-ce pas là le propre de l’art ?

 

Un humour d’interprète

 

Si le spectacle frôle l’agacement, il ne tombe pas dedans. Agnès Soral donne de la couleur à ces sujets éculés. Malgré certaines blagues qui tombent à plat, la comédienne est à l’aise dans cet exercice difficile du one-woman show. Elle est souriante, coquine, généreuse. A chaque seconde, elle regarde le public, lui parle dans des instants complices. Et il se sent conquis d’autant plus que le charme de la comédienne ne laisse pas indifférent. Elle sait en jouer, se dandinant, insistant sur ses rondeurs. Elle sait aussi s’enlaidir pour des personnages plus durs : ses nombreux ex-copains imités par un affaissement du dos et une voix virile. Ou bien cette mère bourgeoise qu’elle mime en creusant son visage et en se raidissant. L’intérêt de ce spectacle réside dans cette aisance pour l’interprétation. Et, parfois, dans certaines répliques qui font mouche car inédites.

 

Après une longue carrière cinématographique, télévisuelle et théâtrale, Agnès Soral s’essaie au one-woman show, grande mode du moment. Son expérience la rend convaincante et drôle. Mais cela ne suffit pas à sauver un texte qui tombe dans l’écueil du lieu commun.

 

Cécile STROUK (Paris)

 

Agnès Soral aimerait bien vous y voir (Paris)

Auteur : Agnès Soral

Mise en scène : Jean-Luc Moreau

Lumières : Jacques Rouveyrollis

 

Au théâtre du Petit Gymnase, 30 boulevard Bonne Nouvelle, 75009 Paris. Du 13 janvier au 26 avril 2009. Le mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 21h30. Le dimanche à 16h

 

Photo Alec Medieff
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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 10:04
QUAND LA BANLIEUE POETISE

Cette adaptation au théâtre d’un roman à succès sur la vie dans les cités propose un agréable moment scénique où deux jeunes comédiens parviennent à donner du relief à un texte difficile qui, sans éviter l’écueil de certains poncifs, se pare de jolies envolées.

Grézi et Yaz sont deux potes, deux « frères », à la vie à la mort. L’un est beur, l’autre est black. Leur univers, leur horizon : les tours de leur cité où ils mènent une existence chaotique avec comme compagnes quotidiennes la mort, la came, les armes… Cette amitié va pourtant revêtir un aspect inattendu.


Si, dans le fond, le sujet n’est pas foncièrement très nouveau, avec le thème archi rebattu dans tous les morceaux de rap et au cinéma (de « La Haine » à « L’Esquive ») du déterminisme tragique qui colle aux baskets des jeunes des cités, la forme propose en revanche de jolies trouvailles, de séduisantes envolées lyriques.

Prison sans barreaux

La présence du narrateur (que campe le très charismatique Salim Kechiouche qui endosse aussi le rôle de Yaz) va permettre au propos de prendre un certain recul par rapport à la réalité, notamment discursive, des banlieues. Il s’exprime au passé simple, les phrases ont une belle ampleur et poétisent habilement le propos. Le dialogue ne sera pas non plus une succession de termes en style sms ou en verlan, apanage des cités. Les rares intrusions dans ce sabir hermétique seront traduites avec une certaine drôlerie. Le but n’est pas d’assourdir le spectateur ni de le laisser en rade. Au contraire, ces deux jeunes le prennent par la main pour lui raconter une histoire. Leur histoire.

La construction circulaire  du texte, métaphorisant l’enfermement des personnages dans leurs prisons (réelle ou pas), est relayée par une mise en scène où le choc des mots vire à l’inéluctable. Une scène rectangulaire comme une chambre de geôle (ou un ring de boxe) sert d’unique décor à cette histoire. Les personnages y (sur)vivent, au gré de leurs souvenirs. Souvenirs d’amours déçues, de famille déchirées par la mort d’un proche.

Les deux comédiens s’emparent de ce texte avec fougue. Si Salim Kechiouche est un très convaincant Yaz, force sera d’accorder le satisfécit à son partenaire Tony Mpoujda. Il est un Grézi criant de vérité, masse de muscles dont les fêlures se lisent à livre ouvert. Le duo fonctionne très bien et offre un moment finalement plutôt rare au théâtre. Celui d’une réalité dont les échos lointains nous parviennent souvent. Elle est à la Boutonnière pour quelques jours encore. Si loin, si proche.

Franck BORTELLE (Paris)

De Rachid Djaïdani
Mise en scène : Habib Naghmouchin assisté de Cédric Mérillon
Eclairage : Julien Kremesky
Décors : Jean-Paul Dewynter
Costumes : Cécile Naghmouchin
Graphise : Vincent Pesci

Théâtre de la Boutonnière, 25 rue Popincourt, 75011 Paris (Métros : Saint-Ambroise, Voltaire, Bréguet-Sabin)
Du 06 au 31 janvier 2009 à 20h30 tous les jours sauf dimanche et lundi
Réservation : 01 47 00 25 20

A la Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris (Métros : Couronnes, Parmentier, Saint-Maur)
www.maisondesmetallos.org
Du 19 au 29 mars
Du mardi  au samedi  à 20 heures, le dimanche à 16h30
relâche le lundi
Réservations : reservation@maisondesmetallos.org ou 01 47 00 25 20

Photo Lot

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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 09:54
ZWEIG MAGNIFIÉ

André Salzet livre une époustouflante performance, seul en scène pour un texte éblouissant dont il interprète tous les personnages. Un numéro de haute voltige dont il fêtera bientôt la millième et qui porte au sommet ce chef d’œuvre de Stefan Zweig.

Petite nouvelle de quelques dizaines de pages, Le Joueur d’échecs est un concentré narratif que l’on dévore comme un polar parce que le génie de son auteur, Stefan Zweig, parvient, d’une situation anecdotique, à tisser un camaïeu historique des plus réaliste et universel. L’essentiel des faits se déroule à bord d’un bateau en partance pour l’Amérique du sud. Czentovic, champion du monde d’échecs, méprisant et perclus de certitudes quant à sa suprématie dans son domaine, accorde aux passagers l’obole d’une partie avec lui lorsqu’il est mis en danger par un inconnu qui va raconter comment il a, grâce à un vadémécum de ce jeu, réussi à ne pas sombrer dans la folie durant son incarcération par les nazis dans un hôtel de luxe.


Le court ouvrage de Zweig établit une gradation des rapports de force, qu’ils se situent entre deux individus de part et d’autre d’un échiquier où dans une chambre coupée du monde entre un prisonnier et le système politique destructeur et autoritariste qui lui vole sa liberté. Dans un style concis, percutant, sans étirement inutile de l’intrigue, le nouvelliste va à l’essentiel. L’enchaînement des péripéties à un rythme très soutenu conduit à un suspens haletant mais où le cérébral est maître.

Un jeu éblouissant

Adapter au théâtre une telle richesse textuelle n’est pas sans risque. André Salzet, qui joue ce spectacle depuis plus de dix ans, en maîtrise les moindres mots, les moindres souffles, les moindres intonations. Tel un conteur, il se pose en narrateur du texte. Son plaisir à laisser les phrases se parer de tout leur effet est réel. Il pourrait largement se contenter d’une lecture des mots de Zweig, assis sur sa chaise, seul élément de décor sur cette immense scène du Théâtre du Petit Saint-Martin. Cette scène, il va pourtant l’utiliser, l’embraser, la faire vibrer dans toutes ses largeurs, avec toutes les largesses de son jeu intense et incandescent. Quelques éclairages vont signifier les flashbacks et changement de personnages, et le comédien, caméléon en diable, va interpréter chacun des protagonistes avec la même puissance, la même précision, la même humilité. Et offrir, outre un splendide hommage à cet immense humaniste qui perdit tout espoir en l’Homme en 1942 en mettant fin à ses jours, une magnifique leçon de théâtre et d’histoire.

Franck BORTELLE (Paris)

Le Joueur d’échecs
Mise en scène : Yves Kerboul
Adaptation et interprétation : André Salzet
Régie Lumières : Ydir Acef

Theâtre du Petit Saint-Martin
17, rue René Boulanger - 75010 Paris   (M° Strasbourg Saint-Denis ou République)
Réservations : 01 42 02 32 82
Du 14 au 18 janvier, du 27 janvier au 1er février et du 10 au 15 février
Du mardi au samedi à 21 heures, le dimanche à 15 heures.

Durée : 1h10

Photo : Jules Pajot
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18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 17:54

L'ACTEUR EST UN AUTRE


Dans sa pièce « Minetti » écrite en 1977, l'écrivain autrichien Thomas Bernhard redonnait au vieil acteur allemand Minetti (1905- 1998) un rôle à la mesure de cet artiste controversé qui avait traversé l'histoire théâtrale et politique son pays. Michel Piccoli reprend ce rôle difficile. Surprise.


Bernhard Minetti, c'est ce comédien allemand qui, totalement dévoué à son art, ne mettra pas une parenthèse dans sa vie d'artiste aux pires moments du nazisme. Il ne se dira jamais nazi mais après la guerre, il lui faudra du temps avant de retrouver sa splendeur sur le devant des scènes malgré les grands rôles qu'il continuera à jouer. Sa personnalité plaira à l'atrabilaire Thomas Bernhard qui lui écrit cette pièce dans laquelle Minetti est à la fois lui-même – vieux comédien qui vient rejouer « Le Roi Lear » -, et un autre – il débarque dans un hôtel d'Ostende le soir de la Saint-Sylvestre avec sa grosse valise contenant son masque de « Lear » (Shakespeare) et attend, en vain, le directeur du théâtre du coin qui l'a invité.



Après avoir suivi la prestation surprenante de Michel Piccoli dans ce « Minetti », ici mis en scène par André Engel au Théâtre de La Colline à Paris, comment ne pas être partagé entre deux vagues de sentiments ? Il y a d'un côté une frustration d'avoir vu, le soir de la Première, ce magnifique comédien plutôt embarrassé par sa mémoire, d'avoir entendu un texte terriblement difficile mais ici tronqué, d'avoir suivi une mise en scène presque bâclée. Et puis de l'autre côté, il reste en mémoire ce formidable désir de lutte pour la vie, de résistance à l'oubli pour mieux se défier de ces temps de futilité. Le comédien qui, lui-même, a joué « Lear » il y a peu de temps, insuffle aussi ce besoin de folie presque joyeuse dans un monde convenu, morbide.


Quand le portier devient souffleur


Voilà qui atténue les quelques réticences sur les choix du metteur en scène que l'on sait être souvent inspiré. D'autant qu'il se passe quelque chose d'étonnant dans la façon dont Piccoli joue avec les difficultés du texte – un quasi monologue accentué ici par les coupes faites par la production.

Si le portier a peu de répliques, il devient clairement le souffleur de Piccoli/Minetti. Mais celui-ci transforme assez vite son handicap pour l'installer en véritable dialogue. La compassion du spectateur disparaît alors au profit du plaisir de n'être pas loin d'une comédie. D'ailleurs, pas de Minetti seul, abandonné et prêt à mourir sous la neige au final, comme il est prévu dans le texte de Bernhard.


Piccoli emporte le morceau en étant lui-même et un autre à la fois. Au point de laisser de toutes petites miettes aux seconds rôles déjà très effacés par l'auteur lui-même. Dommage pour Evelyne Didi, la dame avec son champagne qui espère la fête, ou encore pour Julie-Marie Parmentier, la jeune fille trop sage.


Jean-Pierre BOURCIER (Paris)


« Minetti » de Thomas Bernhard

Mise en scène : André Engel

Texte français de Claude Porcell (L'Arche Editeur)

Dramaturgie : Dominique Müller

Scénographie : Nicki Rieti

Avec : Evelyne Didi, Gilles Kneuse, Arno Lechien, Julie-Marie Parmentier et Michel Piccoli

Au Théâtre de La Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Jusqu’au 6 février

Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr

Production Théâtre Vidy-Lausanne.

Tournée : Comédie de Reims (11-14 février); Genève -Théâtre de Carouge (18 février-8 mars); Berlin – Berliner Ensemble (12-14 mars); Villeurbanne-TNP (18-28 mars); Grenoble – MC2 (31 mars-4 avril); Lille – Théâtre du Nord (8-18 avril); Théâtre Vidy-Lausanne (21-25 avril et 12-17 mai); Théâtre national de Toulouse (28 avril – 7 mai). 


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17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 18:25

PALE RAINBOW


D’abord pièce de théâtre puis film underground estampillé « culte », « Beautiful thing » débarque en France. Une arrivée remarquée pour un spectacle loin d’être remarquable, en dépit des hourras qu’il récolte. Trop de réglages persistent pour que l’on ne crédite ce désastre que sur un évident manque de travail. Y’a-t-il un metteur en scène en coulisse ?


Un décor qui  se veut celui d’une coursive d’immeuble de la banlieue londonienne. Trois appartements. Celui où Leah vit par procuration en idolâtrant une chanteuse décédée. Celui où Jamie cohabite avec sa mère, barmaid dont la vulgarité semble sonner comme un pléonasme au regard de son métier. Enfin celui de Ste (Steve apocopé) qui subit bastonnades et raclées à répétition d’un père à l’éthylomètre au zénith en permanence. Tout ce petit monde vivote à la manière de Loren et Mastroianni dans « Une journée particulière » sauf que les amours qui se révèlent ici sont homosexuelles. Sauf surtout que personne n’a finalement pas grand chose d’intéressant à se dire.


Mais c’est bien connu, ce n’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer… L’apophtegme dont Audiard avait fait un film pourrait servir d’accroche à ce spectacle aux dialogues en courant d’air et à la sidérante vacuité. Certes, le personnage de la mère parvient, grâce aussi à l’interprétation truculente de Tadrina Hocking, à drainer un certain intérêt par le biais de quelques répliques plutôt drôles, même si souvent plombées par des impressions de déjà entendu des dizaines de fois car utilisant la technique éculée de la polysémie de certaines expressions. Mais hélas, c’est le seul des cinq personnages à avoir quelque chose à défendre.


Comédiens livrés à eux-mêmes


Doublée de cette indigence, l’interprétation plutôt désastreuse de l’ensemble. Ivan Cori parvient à quelques reprises à mener son personnage dans un registre plus excitant que ces vociférations dont il semble faire un concours avec son partenaire Matila Malliarakis, parangon de non-jeu qui confond vagissement et expressivité, à la manière du catastrophique Edouard Collin. Aude-Clémence Clermont mériterait d’être mieux dirigée pour affirmer son potentiel.  C’est d’ailleurs l’impression générale que laisse ce spectacle : comédiens en roue libre et mise en scène déliquescente, éclatée, manquant de tenue et de rythme et qui rend insupportable les trois premiers quarts d’heure, avant qu’un semblant d’énergie ne vienne apporter un peu d’espoir. Lequel précède hélas un final grotesque avec lumignons de boite de nuit salué par des hourras qu’on taxerait volontiers de dangereusement amnésiques.


Et l’amour dans tout ça ? Et l’homosexualité naissance de ces deux jeunes tourtereaux ? Elle n’est qu’anecdotique, engluée dans du hors sujet. Pas la moindre poésie, pas la plus petite introspection dans l’univers de ces adolescents aux prémisses de leur découverte. Ca patauge en surface, c’est désespérément lisse avec la seule vulgarité pour signes ostentatoires de révolte. Pas de quoi hisser le flag arc-en-ciel. Ou alors en berne.


Franck BORTELLE (Paris)



Beautiful thing

De Jonathan Harvey

Mise en scène : Kester Lovelace assisté d’Amandine Raiteux

Traduction : Pascal Crantelle

Avec Tadrina Hocking, Simon Hubert, Matila Malliarakis, Aude-Clémence Clermont

Costumes : Stéphane Puault

Lumière : Richard Brousse

Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, 75020 Paris (Métro : Ménilmontant)

Du 9 janvier au 1er mars 2008 du mercredi au samedi à 21h30, dimanche à 17h30

Réservations : 01 43 66 01 13

Durée : 1h50

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17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 18:21

VIVRE AVEC ET POUVOIR EN PARLER…


D’un texte très écrit dont il est l’auteur, Franck-Olivier Laferrère met en scène un duel à la loyale qui progressivement vire au duo entre deux personnages que tout sépare de prime abord. Sans artifice mais avec de jolies trouvailles de mise en scène, il offre un beau moment de théâtre, tout en finesse et humanisme.

 

Jeff, 60 ans, vit dans une confortable bâtisse méridionale mais surtout dans le souvenir de son amour fauché voilà quinze ans par le sida. Son seul lien avec le monde extérieur : des jeunes désœuvrés séropositifs qui viennent chez lui en pension pour se reconstruire, panser leur blessure, penser à autre chose. Ainsi, Louise, 20 ans, écorchée vive, l’insulte et la grossièreté à fleur de bouche, se refusant à tout compromis, persuadée que son mal lui obstrue tout avenir. Ces deux naufragés vont devoir cependant apprendre à se connaître. Le dialogue va s’installer.



La séparation n’est pas que matérialisée par un trait rageusement tiré à la craie sur le sol de la scène par Louise pour signifier à Jeff « défense d’entrer ». Fossé générationnel avec ce que cela induit d’incompréhensions, vécu respectif de Jeff accroché à son passé pour mieux vivre son futur et de Louise accusant son passé de ne lui offrir aucun avenir, barrière symbolique de la pudeur des sentiments : la séparation habite chaque élément du texte magnifique de Franck-Olivier Laferrère, jusqu’à celle, aussi inéluctable que la mort qui prive Jeff de son amour, qui marque la fin de la cohabitation de ces deux solitaires.


Tout ce qui sépare peut rassembler


La mise en scène, d’une précision métronomique, accentue ce sentiment de séparation avec une présentation des deux personnages sous forme de monologue, Jeff chez lui parlant à son amour défunt, Louise hurlant sa haine du monde dans un noir chaotique qui l’isole de tous. Progressivement les barrières s’estompent, aidant ces deux handicapés de l’amour à se réchauffer le cœur,  avec des détails aussi anodins qu’essentiels car réparateurs (un bon vin, une nourriture saine, l’effacement d’un maquillage outrancier et agressif). Mais il faut du temps pour cela. Des mois. Ils sont ici traduits par des interludes musicaux de toute beauté au cours desquels de simples gestes révèlent l’évolution des choses. Ces pauses où le temps s’accélère cadencent le propos, lui insufflant autant de rythme que de poésie.



Les deux comédiens sur scène s’emparent avec fougue et passion de ce noble terreau aux multiples registres langagiers. Quelques réglages restaient à prévoir le soir de la générale mais incontestablement ceux deux-là sont bons, bien dirigés, attachants et offrent une belle tranche d’humanité et d’humanisme dont regorge ce texte inspiré.


Franck BORTELLE (Paris)


Dramaturgie et scénographie par Franck-Olivier Laferrère

Direction d’acteurs : Sei Shiomi

Créations images : Séverine Bourguignon

Créations lumières : Philippe Laurendeau

Musique : Yann Laferrère

Costume et graphisme : Toxic Twin

Avec Héléna Soubeyrand et Jean-Claude Falet

www.myspace.com/suspendus

Théâtre de Nesle, 8 rue de Nesle, 75006 Paris (Métro : Odéon ou Pont-Neuf)

Réservations : 01 46 34 61 04

Du 7 janvier au 14 février 2009 du mercredi au samedi à 19h30

Durée : 1h15

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 11:32

COMPLOT DE FAMILLE


Jean-Pol Dubois conduit magistralement son Harpagon sur les sentiers du tragique sans en gommer pourtant la force comique qui déclenche des rires. Grace à une mise en scène sobre et moderne et des comédiens fort bien dirigés, Molière est plus contemporain que jamais.


Le décor n’aura pas coûté cher. Du sable sur toute la scène, au beau milieu de laquelle un rectangle de sol et une chaise rafistolée. Cette économie de moyens invite le spectateur à concentrer toute son attention sur ce qui se joue dans cet espace réduit assimilable à un ring de boxe (comme en témoignent les derniers instants dont la dimension tragique va en laisser K.O plus d’un) ou une référence très directe au film « Dogville » de Lars von Trier.



Cloisonnés sans cloison, les personnages le sont tous : les enfants embastillés par la sacrosainte morale chrétienne du patriarcat, Harpagon enfermé dans son avarice pathologique, Maître Jacques prisonnier de la bonne décision à prendre et de celle qu’il prendra. Leur seule échappatoire possible reste alors le vice. La pingrerie, le vol, le mensonge.


Une tragédie humaine


« L’Avare » n’est pas seulement cette comédie loufoque et agitée dont Louis de Funès avait proposé l’une des multiples lectures possibles. Nicolas Liautard  met en lumière la face la plus cachée de ce complot de famille, jouant sans cesse sur le tragicomique des situations. En ce sens, la pauvreté du décor rejoint celle des costumes, sombres et décatis. Et si le rire domine pourtant, n’est-ce pas davantage parce que nous sommes en terrain connu (est-il nécessaire de rappeler l’intrigue de « L’Avare » ?) que grâce aux éléments vraiment drôles du propos ? Le deus ex machina qui permet un des plus fameux happy end de l’histoire du théâtre n’empêche pas la célèbre pièce de Molière de résonner comme une tragédie humaine.



C’est cette dimension que Jean-Pol Dubois propose dans une éblouissante interprétation d’Harpagon. Plus dans le vide existentiel qu’il se crée à force d’avaricieux agissements que dans la bouffonnerie drolatique et grimaçante, il confère à son Harpagon une tonalité pathologique. Et la maladie, on le sait, n’est jamais drôle. Les autres comédiens, surtout du côté masculin, réussissent à exister face à ce monstre de la scène qu’est Dubois et insufflent un vrai rythme à l’ensemble de ce spectacle dont il faut noter aussi le parti pris de la modernité dans la scénographie. Pirouettes, acrobaties, mais aussi accessoires tels que poste radio, cigarettes et briquets vont en effet, autant que les costumes plus proches de l’univers des zazous désargentés que des perruqués au nez poudré du XVIIe siècle, ancrer cette excellente adaptation dans notre quotidien. Et tout cela, par la simple magie d’un metteur en scène inspiré qui, bien sûr, ne touchera pas un mot du texte original. Toute son originalité est là…


Franck BORTELLE (Paris)


L’Avare

De Molière

Mise en scène : Nicolas Liautard assisté de Vincent Wallez

Scénographie : Nicolas Liautard et Damien Caille-Perret

Lumières : Pascal Sautelet

Costumes : Elise Baldi

Régie générale : Jürg Häring

Avec Jean-Yves Broustail, Eddie Chignara, Marc Citti, Jean-Pol Dubois, Nelly Froissart, Lazare Herson-Macarel, Wolfgang Kleinertz, Nicolas Liautard, Célia Rosich, Marion Suzanne.

Théâtre  d’Ivry Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry (Métro : Mairie d’Ivry)

Du 5 janvier au 1er février 2009, les mardis, mercredis, vendredis et samedis à 20 heures, les jeudis à 19 heures, les dimanches à 16 heures.

Durée : 2h10

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9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 12:41
DES BETES FORT DOMESTIQUES

Waouf, waouf ! Vous comprenez, vous, le langage des chiens ? Isabelle Jeanbrau, oui. Avec « Dans la vie de mon chien », la comédienne met en scène avec audace la vie truculente d’un toutou.

Il fallait le faire. La comédienne Isabelle Jeanbrau fait le pari, avec talent et humour, de se mettre dans la peau d’un chien à l’esprit déjanté et agité. Il raconte avec vivacité et grognements fugaces, la vie morne de ses maîtres.


Au début, ça surprend de voir la comédienne faire le chien. Juste deux couettes qui se balancent (les oreilles du chien), un nez à l’affût (le museau, s’il est nécessaire de préciser) et une main hyperactive (la queue frétillante). Et bien sûr, des bruits : des aboiements par ci par là, des « je me gratte » intempestifs... Avec tout ça, on se demande où on va. Comment va-t-elle tenir la route? Faire le chien pendant une heure et demie, non seulement ça risque de lasser, mais ça demande aussi une sacrée résistance physique !

La magie du jeu

Et pourtant… ça marche. La pièce fonctionne, est crédible. Le spectateur croit aux tribulations du chien. Isabelle Jeanbrau et Laurent Maurel, son metteur en scène, ont trouvé un fil conducteur qui donne de la cohérence à l’histoire, ponctuée de dialogues simples et efficaces. On suit l’évolution d’un couple à la dérive qui prend des chiens pour compenser l’absence de l’enfant. Absence affective, voire sexuelle. Le couple en prend un, puis deux. En rajoute un autre. Un labrador cette fois, aussi bien imité que la petite bête à poil excitée du début. Il court lui aussi, mais plus lourdement. Il est moins réactif, moins résistant, moins drôle, plus bêta...

Il y a aussi d'autres personnages, pas mal caricaturaux, qui gravitent autour de ces bêtes à quatre pattes. Le couple bien sûr : un homme fainéant, de mauvaise foi, égoïste, et une femme dévouée, soumise, faible et hyper sensible. Ou encore ce personnage drolatique - une contrôleuse de la SNCF, aussi acariâtre qu’excessive. Tous sont joués avec une énergie étonnante, comme dans une valse tourbillonnante. Avec peu de chose, « Dans la vie de mon chien » affiche une réelle qualité de texte et de jeu.


Cécile STROUK (Paris)


Dans la vie de mon chien (Paris)
Auteur et interprète : Isabelle Jeanbrau
Mise en scène : Laurent Maurel et Valérie Lausnes

A l'’Aktéon théâtre, 11 rue du Général Blaise, 75011 Paris, métro Saint Ambroise. Du 5 janvier au 3 mars 2009, les lundis et mardis.
 
Photo  Virginie Fauchoi

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