20 juillet 2007
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ELLE EST UN TOURBILLON
Sonia nous apparaît jouant la valse n° 6 de Chopin, comme une image, nimbée dans un pinceau de lumière, flottant dans un univers blanc. Puis ses mots vous accrochent, sa quête inlassable du sens, et ses impasses et ce retour inlassable vers la musique qui apaise pour essayer de vivre. Mais est-ce la nuit, est-ce le jour ? Est-elle encore vivante ? Est-ce un rêve ?
Comment ne pas s’émouvoir du monologue étourdissant de cette adolescente qui oscille entre la folie et une angoissante lucidité ? Nelson Rodrigues, né à Recife en 1912 et mort à Rio de Janeiro en 1980, est considéré comme le fondateur du théâtre brésilien moderne et l’un des plus importants auteurs dramatiques brésiliens du 20e siècle. Très prolifique, il est l’auteur de dix-sept pièces, ainsi que d’innombrables chroniques journalistiques, feuilletons, romans, nouvelles et contes. Son inspiration de dramaturge puise aux racines de la mythologie réactualisée par la psychanalyse pour dénoncer la morale bourgeoise.

Sa pièce Valse n° 6, écrite en 1951, est un texte dense, troublant, à plusieurs registres, qui illustre à la perfection les caractéristiques de son théâtre. Après la mise en scène marquante d’Alain Ollivier en 1995 au Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis, avec Agathe Gizard dans le rôle de Sonia, cette création d’Alain Igonet, présentée dans le cadre du Festival Off d’Avignon 2007, se nourrit toute entière des talents d’une très jeune actrice, Jane Bréduillieard, 22 ans, véritable révélation.
Sonia étouffe dans cette maison bourgeoise d’une ville brésilienne, à brève distance d’une pesanteur familiale attachée aux apparences, qui ignore ses troubles d’une féminité en devenir, que l’on devine sans jamais la voir. Déjà presque femme et encore petite fille. Le piano est son refuge, le seul véritable repère, lui-même très fragile, lorsque ses doigts pourtant si agiles se bloquent… Elle virevolte dans cette chambre entourée de draps blancs sur les quatre murs et sur le sol. Les pieds nus, avec une longue robe très légèrement décolletée en tulle beige. Enfermée en elle-même comme dans une cellule monastique et si expressive. Rien qu’un lit, et surtout un piano enchassé dans un fer forgé peint de blanc et un tabouret.
intensité d'interprétation
Seule, fluide et torturée dans cet univers monochrome peuplé d’ombres et de lumières. Elle flotte entre la pureté de la musique, la valse n° 6 de Chopin, si bien maîtrisée, inlassablement répétée, toujours différente aussi et le chaos de sa pensée. Des mots clairs, et des mots criés, des mots chuchotés, des mots esquissés, des mots d’amour, des mots de douleur, des mots d’un bonheur fugace… Une parole qui se cherche, qui se trouve parfois et puis se perd… La quête indéfinie de la vie qui se dissout. Des bribes du réel émergent encore par instant d’une folie qui se répand.
La jeune actrice Jane Bréduillieard, fascinante, donne vie à cette danse de la vie et de la mort, avec une élégance, une grâce extrême, une sensualité involontaire comme son personnage l’exige ; sur un fil, alternances de douceur et de violence. Dans une musique et un rythme à perdre haleine, sans cesse transformé, jamais interrompu. Hallucinée parfois, le souffle court, les cheveux sur le visage, le regard dur ou les yeux embués de larmes, les pieds glissant sans cesse sur le rideau blanc, elle dessine de folles arabesques. Et son émotion à fleur de peau, toujours maîtrisée, jamais excessive, emporte sans répit les spectateurs médusés. Une intensité d’interprétation et une admirable performance d’actrice !
Texte : Nelson Rodrigues, Dramaturge Brésilien [ 1912 - 1980 ] - Valse n° 6, suivi de Dame des noyés (Valsa n° 6, 1951 ; Senhora dos afogados, 1947/1953)
Traduit du portugais par Angela Leite-Lopes, préface de Louis Charles Sirjacq, Paris, Éditions Christian Bourgois, 1990, 92 pages.
Mise en scène et scénographie : Alain Igonet
Distribution : avec Jane Bréduillieard, dans le rôle de Sonia
Lumières : Al Chab Régie : Héléna Payan
Création et diffusion : Mad Créations
Au Festival Off d’Avignon du 6 au 28 juillet, au Théâtre Le Funambule à 18h20. Durée : 1 h 25
Adresse : 16/18, rue Joseph Vernet, 84000 Avignon Réservation : téléphone : 04 90 14 69 29
Site web du théâtre : www.avignon-lefunambule.net
Site web du spectacle Valse n°6 (de très grande qualité !)
Photo © Alain Igonet
Comment ne pas s’émouvoir du monologue étourdissant de cette adolescente qui oscille entre la folie et une angoissante lucidité ? Nelson Rodrigues, né à Recife en 1912 et mort à Rio de Janeiro en 1980, est considéré comme le fondateur du théâtre brésilien moderne et l’un des plus importants auteurs dramatiques brésiliens du 20e siècle. Très prolifique, il est l’auteur de dix-sept pièces, ainsi que d’innombrables chroniques journalistiques, feuilletons, romans, nouvelles et contes. Son inspiration de dramaturge puise aux racines de la mythologie réactualisée par la psychanalyse pour dénoncer la morale bourgeoise.

Sa pièce Valse n° 6, écrite en 1951, est un texte dense, troublant, à plusieurs registres, qui illustre à la perfection les caractéristiques de son théâtre. Après la mise en scène marquante d’Alain Ollivier en 1995 au Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis, avec Agathe Gizard dans le rôle de Sonia, cette création d’Alain Igonet, présentée dans le cadre du Festival Off d’Avignon 2007, se nourrit toute entière des talents d’une très jeune actrice, Jane Bréduillieard, 22 ans, véritable révélation.
Sonia étouffe dans cette maison bourgeoise d’une ville brésilienne, à brève distance d’une pesanteur familiale attachée aux apparences, qui ignore ses troubles d’une féminité en devenir, que l’on devine sans jamais la voir. Déjà presque femme et encore petite fille. Le piano est son refuge, le seul véritable repère, lui-même très fragile, lorsque ses doigts pourtant si agiles se bloquent… Elle virevolte dans cette chambre entourée de draps blancs sur les quatre murs et sur le sol. Les pieds nus, avec une longue robe très légèrement décolletée en tulle beige. Enfermée en elle-même comme dans une cellule monastique et si expressive. Rien qu’un lit, et surtout un piano enchassé dans un fer forgé peint de blanc et un tabouret.
intensité d'interprétation
Seule, fluide et torturée dans cet univers monochrome peuplé d’ombres et de lumières. Elle flotte entre la pureté de la musique, la valse n° 6 de Chopin, si bien maîtrisée, inlassablement répétée, toujours différente aussi et le chaos de sa pensée. Des mots clairs, et des mots criés, des mots chuchotés, des mots esquissés, des mots d’amour, des mots de douleur, des mots d’un bonheur fugace… Une parole qui se cherche, qui se trouve parfois et puis se perd… La quête indéfinie de la vie qui se dissout. Des bribes du réel émergent encore par instant d’une folie qui se répand.
La jeune actrice Jane Bréduillieard, fascinante, donne vie à cette danse de la vie et de la mort, avec une élégance, une grâce extrême, une sensualité involontaire comme son personnage l’exige ; sur un fil, alternances de douceur et de violence. Dans une musique et un rythme à perdre haleine, sans cesse transformé, jamais interrompu. Hallucinée parfois, le souffle court, les cheveux sur le visage, le regard dur ou les yeux embués de larmes, les pieds glissant sans cesse sur le rideau blanc, elle dessine de folles arabesques. Et son émotion à fleur de peau, toujours maîtrisée, jamais excessive, emporte sans répit les spectateurs médusés. Une intensité d’interprétation et une admirable performance d’actrice !
Bernard EVEN
www.ruedutheatre.info
www.ruedutheatre.info
Texte : Nelson Rodrigues, Dramaturge Brésilien [ 1912 - 1980 ] - Valse n° 6, suivi de Dame des noyés (Valsa n° 6, 1951 ; Senhora dos afogados, 1947/1953)
Traduit du portugais par Angela Leite-Lopes, préface de Louis Charles Sirjacq, Paris, Éditions Christian Bourgois, 1990, 92 pages.
Mise en scène et scénographie : Alain Igonet
Distribution : avec Jane Bréduillieard, dans le rôle de Sonia
Lumières : Al Chab Régie : Héléna Payan
Création et diffusion : Mad Créations
Au Festival Off d’Avignon du 6 au 28 juillet, au Théâtre Le Funambule à 18h20. Durée : 1 h 25
Adresse : 16/18, rue Joseph Vernet, 84000 Avignon Réservation : téléphone : 04 90 14 69 29
Site web du théâtre : www.avignon-lefunambule.net
Site web du spectacle Valse n°6 (de très grande qualité !)
Photo © Alain Igonet