20 juillet 2006
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Spectacle chroniqué pendant le Festival Avignon Off 2006
TOUT LE SOUFFLE DU VIAN
« Je voulais que ce spectacle parle d’amour et de femmes qui parlent d’amour. Si Boris Vian, parle des souris, c’est pour mieux parler des matous et évoquer les couples sado-maso, la violence dans le couple, l’amour plus fort que la mort, l’amour qui finit mal… », raconte Brigitte Guedj, conceptrice du spectacle et interprète pimpante des chansons du maître Boris. L’artiste est entourée de deux excellents musiciens, qui ne boudent pas d’opportunes incursions dans l’univers comique, toujours au diapason complice de la chanteuse, laquelle mène tambour battant le trio sans dévorer ses partenaires.

Voyage dans le temps assuré de manière crédible, nous voici téléportés dans le plus pur style de cabaret germanopratin d’après-guerre, dans les années 50. Avec un souci de l’éclectisme. « Nous voulions suggérer ce que fut la vie de Vian, décousu et touche-à-tout, et passer ainsi du potache, du trivial, du primaire à un univers poétique, imagé et stylisé », poursuit la comédienne. Rien qui sente la naphtaline ou la guinguette ringarde dans cet univers qui rénove et instruit. Mais des rythmes joyeux, jazzy, de la bonne humeur, une sacrée pêche et un soupçon d’auto-dérision.
Chez Vian, même dans l’amour, il y a du militant. Une certaine idée de la place des femmes dans la société et un goût peu prononcé pour les institutions, conjugué au cynisme : Ne vous mariez pas les filles en donne le ton. Entre les chansons, ou mis en musique, des aphorismes extraits des Cantilènes en gelée, de L’Écume des jours ou de l’Automne de Pékin… Et quand on parle d’amour, on parle de guerre. Au sens figuré. Fais-moi mal Johnny, Johnny, Johnny avec lequel Vian introduisit le rock, est revisité en java, plus chaloupée. Au sens propre (faites l’amour, pas la guerre), même si Le Déserteur ou La Java des bombes atomiques, au panthéon des œuvre de Vian sont absentes du répertoire, on visite des perles moins connues du grand public, tel Les joyeux bouchers, tango réquisitoire antimilitariste, drolatique et féroce, d’une insolente violence. Et puis toute une galerie de femmes à nouveau, comme si la guerre, effroyable, n’était qu’une parenthèse. Retour au guilleret.
Brigitte Guedj, brune piquante et virevoltante, minois à la Binoche, présence à la Piaf – même si le timbre et l’esprit diffèrent, plus coquins, féminins et joyeux – fait prendre chair à la croqueuse d’hommes, la jolie môme, la mère-courage ou la prostituée avec un égal talent de comédienne et de chanteuse.
Ses acolytes instrumentistes sont parés de chemises criardes, jaune, pour l’un, violette, pour l’autre, le jour et la nuit, le yin et le yang, la vie bouffée à pleine dents et la part morbide, les couleurs récurrentes de l’univers vianesque.
Benoît Urbain, malicieux, comédien malgré lui, tour à tour au piano et à l’accordéon, a signé la plupart des arrangements musicaux, les partitions d’origine étant difficiles à trouver.
Je ne connais rien au violoncelle, mais Julien Amedro a plus d’un tour dans son archet pour en faire apprécier la profondeur et lui conférer une personnalité à part entière (à bien y réfléchir, l’instrument ne prend-il pas parfois le rôle de l’homme ?).
« Le couple est une aberration. », disait Vian. Se priver du plaisir de voir ce trio, grâce auquel on redécouvre le souffle singulier du grand Boris, en serait une autre.
Stephen BUNARD
www.ruedutheatre.info
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Reprise pour Avignon Off 2007
Conditions des Soies - Jusqu’au 28 juillet 2006 à 21h30
Et Vian dans les dents !
Spectacle musical, tiré des textes et chansons de Boris Vian.
Conception : Brigitte Guedj
Avec Brigitte Guedj (comédienne et chanteuse), Julien Amedro (violoncelle) et Benoît Urbain (piano, accordéon, arrangements musicaux).
Mise en scène : Christophe Labas-Lafite.
Festival Off – Condition des Soies Jusqu’au 30 juillet 2006 à 21h40