26 mars 2008
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L'OEUVRE EN PLEIN COEUR
Avec ou sans Roi Soleil, rien de nouveau sous le soleil : l'humain, éternel... Avec des personnages devenus des types, des noms communs, des qualificatifs, avec une œuvre parmi les plus connues, les plus magistrales, les plus accomplies du répertoire dramatique français et de son auteur, Molière, en particulier, le défi de nous en proposer une version moderne nouvelle n'était pas mince. Il y a plusieurs façons de "tripatouiller les classiques". S'y est attaqué Philippe Sireuil, une référence en matière de "révélation de classiques".
Une dimension humaine rarement atteinte ; c'est la richesse de cette pièce en particulier que d'être l'une des plus énigmatiques de Molière et propre à de multiples interprétations oscillant de la satire sociale farcesque au drame intime du couple impossible. Avec "le" Misanthrope" de Philippe Sireuil, son metteur en scène, et de Philippe Jeusette, son interprète, nous dépassons le dépoussiérage et l'actualisation, nous atteignons l'œuvre en plein cœur, dans sa grande et éternelle humanité. Le moindre détail est porteur de sens. Et le tout avec légèreté et un humour très fin qui au début de la pièce - une pièce "sans surprise" pour bien des spectateurs - nous fait découvrir les personnages en costumes d'époque… parce qu'ils reviennent d'un bal masqué. Ensuite nous aurons droit à des "ajustements" qui ne seront jamais gratuits, tels que ces "petits marquis": Acaste/Fabrice Schillaci et Clitandre/Patrick Donnay, en habitués de la jet set, tous ces mondains en vêtements "haute couture" et ce décor très "tendance zen"… de Vincent Lemaire, "bellement" mis en valeur par le metteur en scène, lui-même aux lumières.
En dispositif bi-frontal, nous voilà en vis-à-vis, spectateurs des "pipeule"; nous sommes chez les riches, les nantis d'aujourd'hui et de toujours. Et si Philippe Jeusette donne ici la pleine mesure de son talent, il est entouré d'acteurs qui sous la houlette de leur metteur en scène, ont réussi la gageure de nous proposer une vision originale de leurs personnages (devenus, avec les siècles - eh oui - quelque peu stéréotypés).
On savourera l'Arsinoé de Florence Minder, non plus figée dans un carcan rigide et unicolore, le couple Philinte/Thierry Lefèvre et Eliante/Edith Van Malder qui, de personnages trop souvent falots, prennent de réelles personnalités. Même l'insupportable "faiseur de vers", l'Oronte de Jean-Pierre Baudson, offre un côté pathétique et les valets de Simon Wauters ont du relief. Formidables acteurs que Philippe Jeusette, Alceste, donc et Marie Lecomte, sa Célimène ! Contraste étonnant et touchant : l'ours (dans tous les sens du mot) et la poupée, avec leurs faiblesses qui nous les rendent si proches "malgré" le maintien (qui se fait à la fois avec respect et naturel) des alexandrins et des archaïsmes de la langue. Fragilité de celui qui s'affirme "contre" avec force", fragilité de celle qui semble rire de tout… "Je veux qu'on soit sincère…" dit Alceste dans la toute première scène. Il a été entendu.
Texte "Le Misanthrope" de Molière
Mise en scène, lumière : Philippe Sireuil assisté de Christelle Alexandre
Travail gestuel : Marion Lévy
Scénographie et décor : Vincent Lemaire
Interprétation : Jean-Pierre Baudson, Patrick Donnay, Philippe Jeusette, Marie Lecomte, Thierry Lefèvre, Florence Minder, Edith Van Malder, Fabrice Schillaci, Simon Wauters
Décor sonore : David Callas
Costumes Catherine Somers – Maquillages : Catherine Friedland
Du 6 au 22.03.2008, grande salle du T.N.- Tél : +32(0)2.203.53.03 - www.theatrenational.be
Crédits photos : Mouche
Avec ou sans Roi Soleil, rien de nouveau sous le soleil : l'humain, éternel... Avec des personnages devenus des types, des noms communs, des qualificatifs, avec une œuvre parmi les plus connues, les plus magistrales, les plus accomplies du répertoire dramatique français et de son auteur, Molière, en particulier, le défi de nous en proposer une version moderne nouvelle n'était pas mince. Il y a plusieurs façons de "tripatouiller les classiques". S'y est attaqué Philippe Sireuil, une référence en matière de "révélation de classiques".
Une dimension humaine rarement atteinte ; c'est la richesse de cette pièce en particulier que d'être l'une des plus énigmatiques de Molière et propre à de multiples interprétations oscillant de la satire sociale farcesque au drame intime du couple impossible. Avec "le" Misanthrope" de Philippe Sireuil, son metteur en scène, et de Philippe Jeusette, son interprète, nous dépassons le dépoussiérage et l'actualisation, nous atteignons l'œuvre en plein cœur, dans sa grande et éternelle humanité. Le moindre détail est porteur de sens. Et le tout avec légèreté et un humour très fin qui au début de la pièce - une pièce "sans surprise" pour bien des spectateurs - nous fait découvrir les personnages en costumes d'époque… parce qu'ils reviennent d'un bal masqué. Ensuite nous aurons droit à des "ajustements" qui ne seront jamais gratuits, tels que ces "petits marquis": Acaste/Fabrice Schillaci et Clitandre/Patrick Donnay, en habitués de la jet set, tous ces mondains en vêtements "haute couture" et ce décor très "tendance zen"… de Vincent Lemaire, "bellement" mis en valeur par le metteur en scène, lui-même aux lumières.
En dispositif bi-frontal, nous voilà en vis-à-vis, spectateurs des "pipeule"; nous sommes chez les riches, les nantis d'aujourd'hui et de toujours. Et si Philippe Jeusette donne ici la pleine mesure de son talent, il est entouré d'acteurs qui sous la houlette de leur metteur en scène, ont réussi la gageure de nous proposer une vision originale de leurs personnages (devenus, avec les siècles - eh oui - quelque peu stéréotypés).
On savourera l'Arsinoé de Florence Minder, non plus figée dans un carcan rigide et unicolore, le couple Philinte/Thierry Lefèvre et Eliante/Edith Van Malder qui, de personnages trop souvent falots, prennent de réelles personnalités. Même l'insupportable "faiseur de vers", l'Oronte de Jean-Pierre Baudson, offre un côté pathétique et les valets de Simon Wauters ont du relief. Formidables acteurs que Philippe Jeusette, Alceste, donc et Marie Lecomte, sa Célimène ! Contraste étonnant et touchant : l'ours (dans tous les sens du mot) et la poupée, avec leurs faiblesses qui nous les rendent si proches "malgré" le maintien (qui se fait à la fois avec respect et naturel) des alexandrins et des archaïsmes de la langue. Fragilité de celui qui s'affirme "contre" avec force", fragilité de celle qui semble rire de tout… "Je veux qu'on soit sincère…" dit Alceste dans la toute première scène. Il a été entendu.
Suzane VANINA (Bruxelles)
Texte "Le Misanthrope" de Molière
Mise en scène, lumière : Philippe Sireuil assisté de Christelle Alexandre
Travail gestuel : Marion Lévy
Scénographie et décor : Vincent Lemaire
Interprétation : Jean-Pierre Baudson, Patrick Donnay, Philippe Jeusette, Marie Lecomte, Thierry Lefèvre, Florence Minder, Edith Van Malder, Fabrice Schillaci, Simon Wauters
Décor sonore : David Callas
Costumes Catherine Somers – Maquillages : Catherine Friedland
Du 6 au 22.03.2008, grande salle du T.N.- Tél : +32(0)2.203.53.03 - www.theatrenational.be
Crédits photos : Mouche