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Mois AprÈS Mois

Festival d'Avignon

23 août 2007 4 23 /08 /août /2007 15:49
eric-lacascade.jpgAprès avoir été salué par la critique et les spectateurs lors de la saison dernière pour sa création Les Barbares, de Maxime Gorki, Eric Lacascade a été accusé, lors de son départ de la direction du CDN de Caen, d'avoir plombé les finances de la structure avec un spectacle trop coûteux.

Lors de la dernière des Barbares, à Lille, le metteur en scène et les dix-neuf acteurs l'accompagnant sur scène ont dénoncé cette vision purement comptable du théâtre. Sera-t-on bientôt condamné, se demande Eric Lacascade, à ne plus monter que des pièces à un ou deux acteurs, laissant dans l'oubli toute une partie du répertoire?


   


Propos recueillis par Michèle COLOMBEL (Envoyée spéciale à Avignon)
 
 
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6 août 2007 1 06 /08 /août /2007 17:39
Patty Diphusa a été jouée avec succès à Avignon au Théâtre du Chêne Noir durant tout le Festival Avignon OFF 2007. Patty Diphusa est une star du porno qui participe à une émission télévisée. Elle incarne le double de l’auteur qui n’est autre que le réalisateur de Talon Aiguille, ou plus dernièrement Volver.

La création de Séverine Lathuillière, qui nous accorde un entretien, nous plonge au cœur du cerveau de Pédro Almodovar. Un cerveau en ébullition qui accorde un moment de gloire à son fantasme avant de s’en lasser et de le délaisser.



Lire la critique du spectacle Patty Diphusa, par Christelle Zamora.

severine-lathuillere.jpgCZ : Patty Diphusa est votre première création ; et récente de surcroît.

SL : C’est la première mise en scène qui existe vraiment. J’ai fait beaucoup de théâtre et j’ai toujours gardé ce lien intact, puis j’ai été amenée à l’écriture de documentaires pour les ateliers de création de Radio France. J’expérimentais alors l’univers sonore, le court métrage m’intéressait aussi, si bien que travailler le son et l’image a donné naissance à de premières expériences. Une toute première étape a été marquée par une performance où le plateau et le cinéma se côtoyaient déjà. Dans cette création de Patty, la vidéo représente l’inconscient du personnage projeté sur grand écran en écho au récit.  Le spectacle offre à Patty la caméra, l’écran, l’image. Mais son double, l’auteur rode.

Quel regard avez-vous par rapport à l’oeuvre d’Almodovar ?


Si l'on devait écrire l’avant-pièce de cette création, elle débuterait par Almodovar, chez lui, dans sa période Movida, une période de son existence où il se maquille, se travestit en femme. Patty, c’est son fantasme, la femme qu’il serait s’il était une femme. Et puis, il y a ce côté subversif qui m’attirait beaucoup, les années 80 si libératrices après une période politique marquée par l’empêchement. J’aimais déjà ce rapport à la société, au monde, à la politique, puis le tissu social qui entoure les œuvres d’Almodovar.

Comment avez-vous abordé le travail d’adaptation du texte et sa traduction ?


Almodovar a une façon caractéristique de traiter les souffrances et la tragédie ; avec tant d’humour et de tendresse. Il a cette faculté de décortiquer l’être humain au scalpel et de mettre le doigt sur les mécanismes psychologiques des névroses. J’aime cette empathie et cette humanité dans le regard qui est porté sur autrui. Le plus important pour moi, c'est de retrouver la rythmique propre à Almaodovar, arriver à la même musicalité textuelle qui finit par provoquer le rire. Ce rire vient aussi de l’accumulation des adjectifs dans la description que fait Patty de ce qui lui arrive. Outre les arrêts sur image, les poses donnent le ton du récit et ce qui est crucial est certainement cette rythmique propre à Almodovar à laquelle j’ai accordé une importance toute particulière. J’ai été très vigilante sur ce point dans l’adaptation.

Le choix de la comédienne Emmanuelle Rivière qui incarne Patty est particulièrement réussi, comment la rencontre s’est-elle produite ?


La  rencontre s’est produite par l’intermédiaire d’Olivier Scotto qui organisait un stage pour des comédiens dont Emmanuelle a fait partie.  A l’issu de ce stage, elle a entendu parler de mon projet, de l’alliance de théâtre et de cinéma qui était la mienne. Nous nous sommes rencontrées et dans le même temps, une amie m’a offert une traduction des chroniques de Pedro Almodovar dans un livre intitulé La Vénus des lavabos. Et c’était parti… c’est un vrai travail en binôme, elle avait travaillé une partie du texte et quand je l’ai vue, je me suis dis que c’était elle. Ensuite, beaucoup de gens nous ont aidé pour que le projet existe. Patty est avant tout le résultat d’un travail collectif.

Et aujourd’hui, un nouveau projet  en perspective ?

La diffusion de Patty est en cours actuellement mais je projette le montage de Macbeth de Shakespeare dans une mise en scène où se mêleront à nouveau théâtre et vidéo, la partie cinéma constitue toujours l’inconscient. Mais le travail sur le son qui m’est cher, sera aussi important ; pourquoi pas cette fois-ci des capteurs sonores sur le plateau avec lesquels joueront les comédiens. Le public aura aussi beaucoup plus la sensation que les comédiens entrent dans l’écran… La partie filmée sera celle des fantasmes, un second monde, celui du cosmos, des sorcières…

Propos recueillis par Christelle ZAMORA
www.ruedutheatre.info





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19 juillet 2007 4 19 /07 /juillet /2007 09:46
Rencontre avec l'humoriste pour son nouveau spectacle :  Anne a 20 ans !

Et forcément cela se fête. 20 ans de carrière et 20 ans de succès, cela fait bien 40, l’âge d’Anne Roumanoff. Le compte est bon aujourd’hui pour cette pionnière du One Woman Show qui n’en finit pas de se réinventer en scène. 40 ans, c’est aussi le moment de faire le point sur une carrière bien remplie. Preuve qu’elle a de l’endurance, Anne Roumanoff s’installe au théâtre des Bouffes Parisiens pour six mois ! Sacrée performance qui nous donne l'envie d'une rencontre avec la dame en rouge.

En préambule

On retrouve Anne Roumanoff sur les toits d’un hôtel Parisien du quartier Montmartre. Elle l’a choisi parce qu’elle habite tout près. C’est plus simple et la simplicité est d’évidence une des caractéristiques d’Anne Roumanoff. Elle vous accueille d’emblée, sans aucune ostentation, vous propose un verre, vous prête un stylo. Elle semble en prise immédiate avec l’exercice de l’interview qui se déroule comme une conversation banale. Pour autant, elle n’est pas familière, ne cherche pas à séduire et reste toujours dans son rôle d’observatrice même lorsqu’elle répond aux questions, sans passion, mais sans retenue. On aurait envie d’approcher cette part d’ombre dont on gratifie, peut-être trop facilement, les artistes parce qu’on imagine qu’elle les pousse vers la lumière. Mais chez Anne Roumanoff, tout semble clair. Elle paraît tellement ancrée dans le réel qu’on a du mal à l’imaginer multiple et déjantée comme elle s’affiche pourtant follement depuis vingt ans en jouant toutes sortes de personnages sur les routes de France et du Québec.

Car Anne Roumanoff a déjà vingt ans de carrière derrière elle. Elle s’est lancée sur les planches en 1987. La jeune fille s’était alors fait recalée à tous les concours des grandes écoles théâtrales, dont le Conservatoire national. Elle regrette encore aujourd’hui de ne pas l’avoir tenté une deuxième fois. Le succès de son premier One Woman Show l’en a empêchée, l’écartant définitivement de toutes les académismes. Anne Roumanoff dit avoir mis du temps à comprendre que ces échecs aux concours ont finalement été une chance. Celle de tracer son propre chemin et de s’y rencontrer. Elle s’est taillée son costume d’actrice sur mesure et aujourd’hui, à quarante ans, elle se réjouit, avec le public, qu’il lui aille si bien.

La rencontre

L'actrice à la quarantaine pragmatique commence son nouveau spectacle en se moquant d’elle-même. « Il m’est arrivé un truc auquel je ne m’attendais pas du tout, j’ai eu quarante ans, mon mec m’a dit : t’inquiète pas Anne, tu les fais pas, tu fais 38 ».

Agnès Grossmann : Quel effet cela vous fait-il d’avoir quarante ans ?
Anne Roumanoff :
Ah, quarante ans, cela a été un grand choc. Cela m’angoissait beaucoup, mais maintenant que j’y suis, ça va ! Comme beaucoup de femmes, quarante ans, c’est quand même une étape... Et c’est l’âge du bilan. A quarante ans, j’ai fais ceci, mais j’ai pas fait cela...

Qu’est-ce qu’il vous reste à faire ?
Écrire une pièce de théâtre, une comédie. Je crois que je commence à maîtriser l’écriture comique. Le sens des dialogues, je l’ai. J’aimerais mettre tout cela au service d’une pièce

Vous joueriez dedans ?
Ah oui, si je me fatigue à écrire, je joue dedans !

Cela vous prend combien de temps d’écrire un spectacle ?
Cela prend un an à deux ans. L’écriture est super importante et c’est très long à mettre au point une écriture d’humour, c’est vraiment de l’horlogerie suisse. J’ai commencé à y penser, il y a un an et demi. J’ai commencé à tourner avec le nouveau spectacle en septembre de l’année dernière. J’ai rôdé les sketches toute la saison et là je crois que j’arrive à Paris fin prête.

Qu’est-ce que vous souhaitez montrer de l’humanité ? Qu’est-ce qui vous intéresse chez les gens ?
Ce qui m’intéresse, c’est de montrer l’humanité qu’il peut y avoir dans une certaine dureté. Cela m’intéresse de montrer sur scène des gens que l’on ne regarde pas forcément, qui ne sont pas forcément dans une situation reluisante, comme la caissière ou l’auxiliaire gériatrique… Et puis cela m’intéresse aussi de dire tout haut des choses que les gens vivent tout bas et qui ne se formulent pas forcément. Je suis intéressée aussi par les personnages qui ont plusieurs dimensions, plusieurs couleurs. J’essaie de brosser… je n’aime pas trop le mot caricature, plutôt des tableaux.

Et vous, ces gens que l’on ne regarde pas, vous les regardez comment ?
Je les regarde parce que je suis curieuse. Je ne prends jamais une personne entière. Je pense qu’au moment où j’écris, il y a des choses qui surgissent. Ce n’est pas forcément une personne réelle. C’est d’ailleurs parfois assez dur de mettre des personnes réelles sur scène. Tout cela est recréé. Je n’aime pas la réalité sur scène. Elle n’est pas forcément drôle. Ce qui à mon sens fait un humoriste, c’est qu’il condense la réalité et lui apporte un éclairage différent qui fait que les gens vont voir cette réalité d’une manière dont ils ne l’ont jamais vue.

Vous avez commencé à 22 ans, après avoir fait Sciences Po. Pourquoi avoir fait Sciences Po ?
J’ai fait Sciences Po parce que j’avais peur de ne pas arriver à gagner ma vie comme comédienne. C’était ma grosse hantise. J’ai commencé très tôt à faire des sketches, dès l’âge de douze ans puis j’ai suivi la classe pour ados du cours Florent. Et je me suis aperçue très vite que la plupart des comédiens étaient au chômage. C’était marqué dans les brochures de l’Onisep. J’ai pris conscience très tôt de la précarité de ce métier. Donc, Sciences-Po, c’était pour pouvoir être journaliste si jamais je n’arrivais pas à être comédienne. Car c’est l’autre métier qui m’aurait attiré. On rencontre des gens, on pose des questions et comme je suis curieuse, cela m’aurait plu aussi. J’ai choisi Sciences Po parce que cela ne durait que trois ans mais même quand j’y étais, je n’ai jamais arrêté le théâtre.
 
Vous avez raté tous les concours d’entrée aux grandes écoles théâtrales. Comment expliquez vous ces échecs ?
Eh bien, je pense qu’à l’époque, je n’étais pas bonne. Je ne pense pas qu’ils soient passés à côté d’un génie méconnu. La rue Blanche, ils ont eu le temps de me voir, je l’ai passée trois ou quatre fois… Je ne réussissais même pas le premier tour ! je pense que je n’étais pas bonne ou que je n’étais pas faite pour cela. Je pense que c’est important quand on est comédien de trouver son axe, sa spécificité. Je l’ai beaucoup cherchée, il m’a fallu du temps pour la trouver.

Quel a été le déclic pour se lancer dans le One Woman Show ?
Entre douze et vingt-deux ans, j’ai eu beaucoup d’échecs et je voulais de toutes mes forces être comédienne. Les portes se fermaient. J’avais mon diplôme de Sciences Po, j’aurais pu commencer à travailler et je me suis retrouvée au pied du mur. J’ai eu l’idée de faire des sketches, ce qui était déjà ce que je faisais quand j’avais douze ans.

Vous aviez vraiment la baraka ! Rien ne vous décourageait !
Pas la baraka, mais une farouche détermination !

Et pourquoi cette détermination ? Pourquoi était-ce si indispensable pour vous d’être comédienne ?
Parce que j’avais peut-être besoin d’être aimée, je ne sais pas. Je me souviens d’un ami de mes parents qui me provoquait en me disant : Tu ne seras pas actrice, tu ne vas jamais y arriver ! Je me rappelle que j’étais restée silencieuse, et puis j’ai dit : Si, je vais être actrice, j’aime trop les applaudissements. Et c’était dans la période où je me posais des questions. Mais j’ai eu de la chance de trouver ma voie, je pense que si j’avais continué à échouer, j’aurais arrêté, je ne me serai pas non plus acharnée.

Vos parents y croyaient ?

Non pas spécialement, mon père m’avait dit : Tu te donnes jusqu’à quel âge pour échouer ? En plus j’étais l’aînée… Mon père m’a dit : Je veux bien que tu essaies d’être actrice mais il faut que tu fasses quelque chose pour gagner ta vie au cas où… C’était un discours assez rationnel en fait ».

Et finalement vous n’avez pas eu à faire des petits boulots à côté !
Un an après ma sortie de Sciences Po, j’étais dans « La Classe », l’émission de Fabrice sur France 3. Après cela a vraiment démarré.

Cela a été le succès tout de suite, cela vous a rassurée ?
J’étais soulagée mais en même temps, j’étais tétanisée. Je n’osais pas changer une ligne du spectacle, j’avais peur que le succès s’en aille. Je n’avais tellement pas l’habitude d’avoir du succès ! Je pensais que si je changeais un mot dans le spectacle, il n’y aurait plus de spectateurs. Je n’osais pas partir en vacances. À l’époque, on jouait six fois par semaine et donc pendant neuf mois, j’ai joué six fois par semaine tellement j’avais peur que, si je parte, on prenne ma place ou qu’ils programment un autre spectacle. Au bout de neuf mois, j’ai osé demander une semaine de vacances. J’avais comme qualité, que j’aie toujours, une force de travail et de détermination très grandes.

Et un besoin d’être sur scène ?
Un plaisir !

Vous n’avez pas peur quand vous entrez sur scène ?
Si mais…Le plaisir est plus fort.

Vous jouez des personnages de femmes. Votre univers est féminin ?
Non, je n’aime pas trop quand on dit cela. Les gens rient ou pas. Ils s’en foutent que cela soit un univers masculin ou féminin. On ne demande d’ailleurs jamais aux hommes si leur univers est masculin.

Vous vous intéressez beaucoup à la société. Quels sont les sujets que vous retenez actuellement ?
Je pense que les gens se fixent certains diktats. Les époques ont des modes. Il faut être jeune, il faut être mince, il faut avoir Internet, il faut divorcer, avoir des amants. Beaucoup de gens sont victimes de ces diktats qui nous tombent dessus. Je donne un grand coup d’oxygène aux gens en tournant tout cela en dérision.

Vous abordez toujours le souci que les femmes ont de leur apparence. C’est important pour vous ?
Oui, je pense que cela pourrit la vie de millions de femmes. Je pense que s’il doit y avoir une révolution féministe dans les années qui viennent, c’est celle-là. Cela ne veut pas dire qu’il faut qu’on devienne des gros boudins pas épilés mais bon...

En vingt ans, le métier a-t-il beaucoup évolué ?
Il y a beaucoup plus d’humoristes qu’avant. Pour certains, c’est un moyen de devenir riche et célèbre rapidement.

Vous êtes riche ?
Oui, ça va merci ! Après les gens n’ont pas forcément une vraie nécessité à faire les choses. Mais en même temps, tous ces gens qui s’essayent, cela fait bouger les choses. Cela pousse les humoristes à se renouveler, à assurer, à êtres bons. On n’a pas le droit à la médiocrité avec tous ces gens qui attendent derrière pour prendre notre place. Je trouve cela assez stimulant.

Quels sont les comiques d’aujourd’hui qui vous plaisent ?
Je trouve Gad Elmaleh, Franck Dubosc, Florence Foresti très bons. Ces trois-là, comme par hasard, sont ceux qui ont été au Québec. Je les retrouve au Festival « Juste pour rire » qui est très stimulant car le niveau est assez élevé. Les Québécois travaillent plus, s’occupent plus du rythme.

Comment écrivez-vous vos sketchs ?
Je les écris et je les joue puis je les réécris et après je les rejoue et je les ré-réécris. À la fin d’un spectacle, je propose un nouveau sketch et je le retravaille en fonction des réactions. C’est assez laborieux l’écriture de sketch, il faut beaucoup chercher. J’ai la chance de trouver, mais cela ne se fait pas tout seul.

Vous aimez autant écrire que jouer ?
J’aime autant les deux. Au début, écrire était une nécessité. Maintenant, j’y trouve un vrai plaisir et ce que je trouve formidable, c’est l’autonomie et l’indépendance. On ne dépend de personne. Cela, c’est très très agréable.

Si vous aviez eu de belles propositions de rôles au théâtre ou au cinéma, auriez-vous continué le One Woman Show ?
À un moment, j’ai été très en attente de telles propositions et après celles que j’aie eues n’étaient pas forcément… En fait il m’a fallu du temps pour prendre conscience que c’était une grande chance de faire du One Woman Show et d’avoir du succès là-dedans, que c’était un grand privilège. On est libre, autonome. Je dépends de ma créativité. Je pense que ce que je fais est une forme d’art à part entière qui me donne de grandes satisfactions.

Vous avez encore des envies de grands rôles au cinéma ?
J’admire Gad Elmaleh qui a fait « Chouchou » Franck Dubosc qui a fait « Camping », Valérie Lemercier qui a fait « Palais Royal » ou Jean Dujardin avec « Brice de Nice ». Ils ont investi deux ans de leur vie dans un projet, ils l’ont porté et ils ont réussi. Tant mieux. Je trouve que leur succès est mérité. Je n’ai pas moi pour l’instant, l’impression d’avoir un projet, une idée tellement géniale que je vais y passer deux ans de ma vie. Peut-être que cela viendra mais… j’attends un déclic.

Et un simple rôle d’actrice ?
Oui cela me plairait, dans l’absolu, mais en même temps, je m’aperçois que je suis assez indépendante et autoritaire. Je n’aime pas qu’on me donne des ordres. Je suis capable de m’écraser pendant une semaine de tournage, même un mois… Si je suis bien payée (rire), mais fondamentalement je crois que si je me retrouve seule sur scène à faire des sketches, c’est peut-être pas un hasard…

Est-ce qu’il y a des pièces que vous aimeriez jouer ?
Un classique pendant un festival d’été, pourquoi pas ? Mais si je suis au théâtre, c’est pour faire rire les gens. C’est pour cela que tant qu’à jouer une pièce, j’aimerais mieux l’écrire.

Vous êtes définitivement une comique ?
Oui, je n’ai pas de soucis avec ça. Mais cela n’empêche pas qu’une comique puisse déclencher de l’émotion et qu’à un moment dans le spectacle, les gens aient des larmes aux yeux et c’est bien. J’aime bien cela, moi, faire rire les gens, et après les cueillir, et après les refaire rire.

Quelles sont les actrices de votre génération que vous aimez ?
J’aime bien Catherine Frot parce que je la trouve subtile et à l’économie de moyens. J’admire beaucoup Isabelle Huppert. Je serais incapable de faire cela. C’est mon antithèse. Avec une extrême économie de moyens, elle fait passer beaucoup de choses.

Vous allez beaucoup au théâtre ?
J’y suis beaucoup allée, mais je n’ai plus le temps. Je me tiens au courant. Je sais toujours qui joue dans quoi mais… je passe beaucoup de temps sur scène.

C’est un milieu sympa le One Man show ?
On ne voit pas tellement les autres en fait. On est seul sur scène. Après on peut les croiser. Mais oui, je pense que c’est sympa. Il y a du respect mutuel. Il y de la compétition mais c’est moins violent qu’en danse classique ou dans le chant lyrique.

Comment s’exprime la compétition ?
On surveille les ventes de DVD des autres, comment ils ont rempli leurs salles, leur nombre de dates en tournée. On se dit : tiens, il a fait un sketch sur tel truc, merde, pourquoi j’y ai pas pensé avant, voilà.

À quarante ans, vous êtes contente du chemin parcouru ?
Oui ! Il a fallu se battre. Il y a eu parfois des gens qui ont voulu m’écarter, il y a eu des crises personnelles, des moments de doute où l’on ne sait plus quel chemin prendre, où l’on a plus oumoins de jus. En même temps, j’ai toujours eu du succès, je n’ai jamais eu de trou dans ma carrière. Cela a été moins facile qu’on peut le croire, mais cela n’a pas été non plus… C’est un métier que j’aime. Voilà.

Finalement cela vous a servi d’avoir votre diplôme de Sciences Po ?
Oui, j’ai un bon esprit de synthèse, je rédige facilement Je ne fais jamais de complexes avec des gens instruits et cela fait causer les journalistes…

Agnès GROSSMANN (Paris)

Au programme du nouveau spectacle, une vingtaine de sketches dont une quinzaine de nouveaux. Comme toujours, Anne Roumanoff y aborde les problèmes de société actuelle. Son terrain d’exploration reste la vie quotidienne. Ses nouveaux sketches se lancent à l’abordage de la chirurgie esthétique, du divorce… et mettent sur le devant de la scène tous les personnages que l’on peut croiser au quotidien sans jamais se demander qui ils sont : une vendeuse de H&M, une caissière de supermarché mais aussi une vieille dame décédée qui revient assister à son enterrement. Cette artiste passe son temps à accoucher de la réalité, mais allez savoir pourquoi, le bébé est toujours drôle.

Anne Roumanoff, dans Anne a 20 ans !
Du 26 juillet 2007 au 13 janvier 2008, à 21h.
Bouffes Parisiens 4 rue Monsigny, 75002 Paris
Locations : 01 42 96 92 42

Photo © William Let
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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 17:42
Au cœur du marché malgache de Saint-Denis à la Réunion, le Centre Dramatique de l’Océan Indien n’est plus un espace réservé à une certaine élite intellectuelle. Nathalie Astruc a rencontré Pascal Papini, le nouveau directeur du Centre, ancien directeur du Conservatoire d'art dramatique d'Avignon. Il a décidé de donner un nouvel élan à l’institution théâtrale de la Réunion.

Revenons tout d’abord sur l’homme et son parcours. Et ses projets.

 
Quelle direction avez-vous choisi pour le Centre ?

 
Que pourront prochainement découvrir les Réunionnais au Centre Dramatique de l’Océan Indien ?

 

Quels sont les échanges prévus avec les pays de la zone et la métropole ? A quels obstacles se heurte le théâtre à la Réunion ?
 


Lexique :

Sat signifie chat en créol réunionnais.
Le terme marron est également un mot créol réunionnais qui désigne l’esclave. Ici, il signifie par extension noir.
Le fondkèr est un poème créol. Il est souvent déclamé. Les poètes sont alors appelés fondkézers.

Propos recueillis par Nathalie ASTRUC (envoyée spéciale à La Réunion)

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24 juin 2007 7 24 /06 /juin /2007 10:21

Écoutez Bernard Faivre d'Arcier évoquer ses meilleurs souvenirs en tant que directeur du Festival d'Avignon, mais aussi la crise des intermittents, les attaques contre l'édition 2005 jugée élitiste et nombriliste par un grand nombre de festivaliers et de critiques, la politique culturelle de l'Union européenne, ses "bébés" (Theorem, le CNT) et ses regrets. Et si BFA était un personnage de théâtre ? Ce serait... ? Surprise !

Propos recueillis par Stephen Bunard



 

 

 


En un bouquet d’anecdotes, Bernard Faivre d’Arcier relate la mémoire qu’il a gardée du Festival, d’abord comme spectateur puis surtout en tant que directeur, à deux reprises.
Récent énarque, féru de théâtre, il devient en effet à 35 ans le plus jeune directeur du Festival, entre 1980 et 1984, et retrouvera cette fonction entre 1993 et 2003.
Ce capitaine au long cours sillonne ses souvenirs et réveille les émotions vécues aux côtés d’artistes de la scène, de techniciens et de bénévoles toujours sur le pont, de publics parfois houleux, souvent embarqués, toujours renouvelés, dans ce festival international de théâtre à Avignon.



Avignon, vue du pont . 60 ans de festival
Auteur : Bernard Faivre d'Arcier
Editeur : Actes Sud
Collection : Actes Sud / Beaux livres
Prix éditeur : 27,00 € - 240 pages
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18 juin 2007 1 18 /06 /juin /2007 23:23
Entre le 17 et le 27 Mai 2007 a eu lieu dans le quartier de la Garbatella, en partenariat avec le Théâtre Palladium, un festival de théâtre indépendant, qui a réuni 45 artistes et compagnies de la région de Rome.

L’occasion pour nous de rencontrer Roberta Nicolai, directrice de la compagnie Triangolo Scaleno Teatro, et organisatrice de cette rencontre, pour évoquer librement le théâtre indépendant à Rome et en Italie.



Pourquoi avoir appelé votre festival : « théâtres de verre, marché du théâtre indépendant » ?

Le mot marché est une provocation. Le point de départ est un manque économique : il s’agit de donner un espace et des ressources à un certain nombre de compagnies et de propositions qui existent, mais ne sont jamais visibles, faute de lieux pour les accueillir, et de moyens pour les produire. C’est pour nous une manière ironique de dire qu’on va remettre le théâtre indépendant sur les rails de la diffusion et du circuit commercial. Les théâtres de verre, c’est toutes ces propositions, ces désirs théâtraux fragiles, économiquement, artistiquement…

Comment avez-vous sélectionné les projets et les artistes ?

Nous avons cherché à faire une photographie du territoire. On a fait circuler notre proposition en ligne, on a reçu 200 réponses, quelques 160 compagnies de la région de Rome ont envoyé un ou plusieurs projets. On a finalement sélectionné pour ces 11 jours de théâtre : 45 artistes et compagnies, 12 performances, 9 études, 7 lieux différents (rue, jardin, théâtre, école…), 4 colloques (Grands festivals, petits festivals / Espaces de recherche à Rome / Institutions et territoires, quelles politiques culturels pour la scène contemporaine ? / Penser en réseaux).
Pour cette première édition, on a voulu donner leur chance au plus grand nombre de compagnies. L’idée était de faire un panorama du théâtre de recherche dans la région de Rome : théâtre, danse, performance, Buto, vidéo, marionnettes, théâtre de narration, nouvelles technologies, installations…

Dans cette diversité, comment définir un théâtre de recherche ? Qu’est-ce qui réunit la pluralité de ces gestes ?

C’est certes subjectif, instinctif. C’est une définition par défaut, c’est tout ce qui n’a pas accès aux espaces d’expression et de diffusion, c’est-à-dire le théâtre qui n’est pas visible. Il faut bien comprendre que souvent les politiques culturelles à Rome ne jouent pas en faveur de la pluralité, et c’est cette pluralité qu’on a voulu présenter de manière un peu fragmentée dans notre marché du théâtre indépendant. Ce qui les réunit, c’est finalement le manque économique. Il y a en effet un problème très important d’espace à Rome et en Italie. Les « Centri Sociali » (les centres sociaux sont des squats institutionnalisés) sont l’unique possibilité pour faire du théâtre. On occupe un lieu et ensuite on négocie avec la mairie, en attendant que soit rendue légale l’occupation. L’idée du festival est de soutenir les artistes et de leur donner une visibilité dans un vrai théâtre, ou de nouer un dialogue entre les artistes et les espaces urbains de ce quartier populaire de la Garbatella, en tout cas de nourrir un échange et non une compétition.


Pour réunir ceux qui manquent de moyens, de quels moyens avez-vous disposé ?

Le budget est de 100.000 euros. Il vient de la province de Rome, puisque le territoire de notre carte du théâtre indépendant est la Province (ndlr, la Province est une sorte d’équivalent de notre département, terrotoire entre la commune et la région). Nous avons organisé ce festival avec la collaboration du Théâtre Palladium, qui est dirigé par la fondation Roma Europa festival. Ce fut donc un dialogue entre la Province, le théâtre Palladium et notre Compagie, Triangolo Scaleno Teatro. Nous étions six de la compagnie à travailler à plein temps. On a mis notre travail artistique entre parenthèses pendant 6 mois, même si la réflexion sur les politiques culturelles a toujours fait partie de notre travail artistique.

Quel bilan tirer de cette première édition ? Quels rêves nourrir pour la deuxième ?

On est très heureux d’avoir pu donner vie au théâtre de recherche, d’avoir accueilli entre 200 et 300 personnes par jour, d’avoir créé une occasion de voir le théâtre tel que nous voudrions qu’il soit toujours, à savoir, un échange, entre les habitants et les artistes, entre les spectateurs et les artistes, entre les artistes eux-mêmes. Ce qui a été beau, c’est de réunir tous ces gens. Pour ce qui concerne la deuxième édition, on a commencé à en parler, ça m’intéresse surtout si nos partenaires nous aident à faire évoluer le projet. Cela me plairait que ce ne soit pas seulement une vitrine mais aussi une possibilité de produire les projets, et pourquoi pas l’occasion de nouer des ponts à l’échelle de l’Europe.

Propos recueillis par Matthieu MÉVEL (Rome)

Alessandra Cristiani / Il castello,
Mise en scène : Roberta Nicolai
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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 14:03
LE THÉÂTRE ALLEMAND : LOIN DES YEUX, LOIN DU CŒUR

Depuis près de 30 ans il ne se lasse pas d’arpenter les scènes françaises, sans aucune nostalgie pour son Allemagne natale. Hans Peter Cloos, metteur en scène et réalisateur originaire de Sttugart, nous fait partager son coup de foudre pour le théâtre français.

Au café Beaubourg, au centre de Paris, Hans Peter Cloos a ses habitudes. Un Parisien comme les autres... avec un journal allemand dans les mains. Chaleureux et accueillant, il raconte avec enthousiame sa rencontre avec la création française. Après une formation à la Kammerspiele de Munich, il quitte l’Allemagne en 1977 pour tenter sa chance à New York. Le cercle très fermé de Broadway ne lui fait pas de place : le jeune comédien s’envole à Paris où Peter Brook lui propose de monter L’Opéra de Quat’sous aux Théâtre des Bouffes du Nord. La pièce est un succès sans précédent qui lui déroule le tapis rouge. Les propositions se succèdent : Hans Peter Closs enchaînent les productions dans les théâtres nationaux et festivals. Il se retouve dans les années 80 au cœur de la nouvelle génération des jeunes metteurs en scène en France.

Après des décennies en France, l’étiquette de metteur en scène allemand lui colle à la peau. « Ca ne me pose pas de problème, je me définis comme européen ». L’admirateur d’Ariane Mnouchkine, travaille non seulement en France mais à aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse et plus rarement en Allemagne. Un metteur en scène allemand qui travaille peu en Allemagne, et qui monte des pièces allemandes exclusivement en français.... Un rien paradoxal. Hans Peter Cloos aurait-il une dent contre le théâtre allemand ? Au regard de ses choix d’auteurs rien a priori ne le laisserait croire : De Brecht à Berhardt en passant par Wedekind ou Müller, Cloos explore avec passion les grands textes allemands, en faisant le choix d’une traduction française : « Il est choquant de voir à quel pont les Français connaissent peu les textes allemands et la culture allemande, sauf la nourriture et le football... Le théâtre a une fonction très importante. Le succès que m’ont apporté les pièces allemandes confirment le choix de langue. ».

Au délà de l’échange culturel, d’autres motifs ont clairement convaincu Cloos de ne pas revenir en Allemagne. La structure même du système théâtral allemand a découragé le créateur : « En Allemagne, vous trouvez des productions assez facilement mais les finitions sont compliquées. En France c’est le contraire : une fois que le théâre est convaincu, il est possible de produire un travail de qualité. » Les théâtres nationaux allemands imposent leur troupe de théâtre, tandis que la production française laisse la liberté de diriger intégralement une pièce. Pourtant la structure française n’est pas sans faille. Deux familles déchirent le paysage théâtral : le théâtre privé et le théâtre subventionné, qui communiquent très peu entre elles. « J’essaie de casser ce mur très inconfortable entre ces deux familles, qui ont tendance a cracher l’une sur l’autre. ». Sans oublier le traditionalisme du théâtre français : « Le théâtre en France a une fonction de divertissement : les gens y vont avant le dîner, ou pour être vu, ou pour parler en société... »

Fuir la bourgeoisie parisienne pour le théâtre politique ou pour l’esthétique trash à l’allemande ? Cloos avait débuté avec le théâtre de rue engagé avec sa compagnie, « Rote Rübe ». Il voit la fin d’un mouvement qui a pris forme avec des personnalités comme Castorf et Marthaler : « Le théâtre allemand est dans une phase de transition vers une nouvelle identité. Pour le moment c’est un théâtre infantile, nombriliste, qui est appelé à se renouvelé. » Au regard de son parcours qui lui vaut de côtoyer les plus grands comédiens français (Charlotte Rampling, Richard Borhinger, Emmanuelle Béart, Michel Piccoli...), Cloos n’a d’ailleurs aucune raison de quitter la France.

Elsa ASSOUN (Berlin)

La Danse de mort, d’Auguste Strindberg, mis en scène par Hans Peter Cloos,
avec Charlotte Rampling, Bernard Verley et Didier Sandre.
Au Théâtre de la Madeleine jusqu’au 20 avril 2007
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24 mars 2007 6 24 /03 /mars /2007 19:09
La Palette. Lundi 19 mars 2007. « Je vous attends dans la salle derrière le bar. A tout de suite. Joëlle. » Cocteau aurait dessiné son profil d’un seul et même trait, un profil aquilin, alliant force et fragilité, rudesse et délicatesse. Le masculin ultra-féminin en écharpe, Joëlle Bouvier est un petit animal traqué, qui attend, la clope au bec… Titi parisienne, ce gavroche nous parle de son passé (dix-huit ans de création en fusion avec Régis Obadia au sein de la compagnie l'Esquisse au CNDC d’Angers) et de son envol aujourd’hui, mûre réflexion d’une femme libre, qui choisit la voie de la solitude pour mieux se connaître. Le magnéto enclenché, la timidité envolée, la féline fait son entrée et, poète du geste et du mouvement, tente de mettre des mots sur le nouveau spectacle qu’elle présente et danse en solo : « Face à face », carnet intime de sa liberté retrouvée.

La solitude vous va bien…

Je suis contente d’être toute seule, oui, je suis contente. Dans mon histoire, c’est très important de me retrouver en solitaire au Théâtre de la Ville où j’y ai dansé la première fois à vingt ans, avec Régis Obadia. Depuis ce temps, j’ai vécu une histoire fusionnelle avec cet être qui m’est cher. Cette complémentarité avec Régis – un homme, une femme, amants, amis, frères, sœurs – a été formidable. Nous avons affronté les affres de la séparation pour devenir des inséparables ! Et puis, à un moment donné, nous n’avions plus besoin de rien, que de nous ! Il était temps de se prouver tous les deux ce dont on était capable de faire chacun de notre côté. Nous nous sommes séparés vers les quarante ans, en 1999, après vingt ans de vie et de création communes, et cela n’a pas été simple… C’était un grand vide, un grand vertige ! Mais grâce à cette initiative, j’ai découvert une partie de moi que je n’avais jamais exploré. Et comme j’ai besoin de travailler avec les autres, j’ai rencontré beaucoup d’artistes avec qui j’ai collaboré pour exploiter cette solitude : par exemple André Wilms sur « Les Bacchantes » à la Comédie française. J’ai adoré travailler sur ce projet où mon action était extrêmement précise et définie ! C’était différent de ce que je suis habituée à faire, mais j’aime étudier des projets qui ne me ressemblent pas forcément et qui me sortent du cadre habituel. J’y trouve une nourriture.

« Face à face » est un voyage initiatique ?

« Face à face », c’est un aboutissement, une sorte de forme symbolique de mon indépendance. C’est un objet cosmique, poétique, onirique, qui me ressemble, qui est fait sur mesure. Aujourd’hui, je suis prête à danser seule, à me présenter devant le public. Certains n’aimeront sans doute pas ce travail, mais c’est ce qu’aujourd’hui j’ai envie et besoin de montrer, d’exprimer, de raconter, et je n’ai pas de regrets à présenter ce carnet intime. Avec ce solo, je fais le point. Cela fait deux ans que je le prépare. J’en ai fait la création au Théâtre des Gémeaux à Sceaux (92). Depuis, pour son aboutissement, je suis entourée d’artistes et tout simplement d’humains formidables à qui je dois également la foi en cet objet unique. Avec « Face à face », je suis sereine. J’ai fait un travail honnête, sincère, authentique, qui rime avec moi-même. C’est une étape importante.

Cinéma, théâtre, littérature, musique… Vos figures artistiques en sont toutes imprégnées…

Au début, avec Régis, c’était tout d’abord la peinture qui animait nos créations : Dado, Becker, des gens extrêmement forts artistiquement, voire « trash » même, violents, ayant une image du corps tourmentée qui nous correspondait tout à fait. En effet, cinéma, théâtre… je suis parcourue par toutes les formes d’art et je leur rends hommage à travers mes créations par des clins d’œil intemporels ! Mais la danse (et la musique, avec laquelle je pense il est inutile de rivaliser !) reste à mon sens la forme artistique la plus complète pour exprimer un sentiment. Le corps est capable de dire énormément. Un geste veut dire une chose et son contraire. J’aime la danse pour cela. Je suis particulièrement touchée par la beauté et la vérité du geste. Il n’y a pas plus grande émotion à mon sens que le langage du corps.

Comment est-elle cette femme de « Face à face » ?


Elle est multiple ! Elle est fantaisiste. Ce que je n’exploitais pas du tout dans le travail de la Compagnie L'Esquisse. J’étais un peu comme un petit bonsaï auquel je taillais les branches pour conserver une harmonie avec Régis Obadia ! Alors que j’aime m’amuser, faire des farces ! Elle existe bien cette femme-là ! Elle est magicienne, malicieuse, elle est séduisante. Elle a pris conscience de son âge, tout en ayant un appétit fou de la vie. C’est une femme qui n’a plus la nostalgie de son enfance, qui veut devenir une adulte !

Un « solo danse » d’une heure n’est pas à la portée de n’importe quel adulte !

J’ai beaucoup exigé de mon corps de 47 ans. Sur mon premier solo, les mots m’aidaient encore considérablement. Mais sur « Face à face », j’ai voulu aller au bout de mon physique. La fatigue nourrit mon geste aussi ! Je me laisse portée par l’abstraction du geste, cette notion qui fait que l’on est porté par une énergie hors du commun… Ce solo est également bien écrit et cela facilite son interprétation qui devient plus fluide. (J’ai travaillé avec Nadia Xerri-L qui est dramaturge et directeur d’acteurs. Elle a eu la franchise au départ de me dire que l’écriture de « Face à face » était un peu chaotique, elle adorait la matière et a décidé de m’aider sur l’écriture de ce projet). Ce solo est comme un voyage : il y a des chaleurs, des couleurs, des températures qui habitent les différents tableaux de ce spectacle. C’est une poésie qui reste une histoire. Une belle histoire…

Marie-Pierre FERRÉ (Paris)

Face à Face -Cie Joëlle Bouvier
Théâtre de la Ville Salle les Abbesses 31 rue des Abbesses 75018 Paris
Renseignements - Tél : 01 42 74 22 77
Du 27 au 31 mars 2007

Photo © Vincent Warin

Biographie résumée de Joelle Bouvier (source Wikipedia) :
Joëlle Bouvier est une danseuse et chorégraphe française de danse contemporaine née en Suisse en 1959. Pendant plus de quinze ans elle a formé avec Régis Obadia un duo indissociable, créateur de chorégraphies incontournables de la nouvelle danse française. Joëlle Bouvier crée avec Régis Obadia la compagnie L'Esquisse en 1980. Ce sera le début d'une aventure et d'une collaboration fusionnelle pendant plus de quinze ans. Bouvier Obadia devient un être bicéphale qui produira dix-sept chorégraphies jusqu'en 1998. Passions, émotions à vif, lyrisme, étaient la marque du duo incandescent. Ils dirigeront ensemble le Centre chorégraphique national du Havre de 1986 à 1992, puis le Centre national de danse contemporaine (CNDC) d'Angers L'Esquisse de 1993 à 1998. La séparation Bouvier Obadia date de 1998 et Joëlle Bouvier poursuit depuis son travail personnel au sein de sa propre compagnie.
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1 décembre 2006 5 01 /12 /décembre /2006 21:02
Rencontre avec Guillaume Vincent, metteur en scène de la pièce Nous les héros de Jean-Luc Lagarce, créée en octobre 2006 au TNS, actuellement en tournée.

Cette pièce mélancolique et drôle est construite à partir de l’idée du théâtre dans le théâtre, le théâtre se regardant lui même. Elle nous parle de la vie d’une troupe. La pièce toute entière se déroule sur une soirée, en un seul lieu. Au sortir de la scène, une petite troupe, perdue au centre de l’Europe, s’apprête à fêter des fiançailles…

L'influence de Molière et de Kafka

L’écriture de Nous les héros s’est inspirée de plusieurs œuvres source : la vie d’errance d’une troupe de comédiens (Jean-Luc Lagarce avait mis en scène le Malade imaginaire de Molière) et surtout le journal de Franz Kafka. Le nom de deux des personnages, M. et Mme Tchissik, est d’ailleurs directement emprunté à Kafka. Les héros ce sont les acteurs. Cette pièce réunit des personnages très différents. quatre femmes : la mère matrone, forte, dominatrice, truculente (Annie Mercier) ; Joséphine, la fiancée, qui semble figurer une image décalée de la mère, parfois perdue, souvent excentrique (Emilie Incerti Formentini) ; Mme Tchissik, une actrice allemande, un peu en marge des autres, pièce rapportée à la famille, les cheveux bruns, elle arrive sur la scène en portant une perruque blonde délavée (Katrin Schwingel) ; Eduardowa, la jeune fille, d’abord en tutu, puis en robe, enfin en jean, à l’air un peu débile, rongée de tics, elle a peu de texte à dire, mais le dit très bien (Florence Janas).

Avec elles, cinq hommes : le grand-père, très vieux, portant une perruque à la Mozart, ayant un physique faisant penser à celui de Laurent Terzieff (Emilien Teissier) ; le mari de l’actrice allemande, la quarantaine, cheveux courts, il arrive en collants verts, puis se met en costume (John Arnold) ; les trois autres personnages masculins sont moins typés : un très classique, un autre un peu moins portant un bouc, un très jeune (Nicolas Maury, Sébastien Roch et Sylvestre Lambey).

Un univers qui semble déstructuré

Aucun rideau ne masque la scène. La mère est présente sur le plateau avant même que la représentation ne commence. La pièce commence avec l’arrivée du mari de l’actrice allemande. Un dialogue assez long s’engage entre ces deux personnages. Il installe l’arrière plan, les difficultés financières de la production, la médiocrité de certaines villes étape, la sensation d’usure qui les ronge… Puis le reste de la troupe fait irruption, très énervée, dans le désordre des paroles et le bruit, chacun portant encore le costume de la représentation qu’ils viennent de jouer. L’actrice allemande domine alors le jeu. On ne voit qu’elle, on n’entend qu’elle.

L’univers constitué par ce groupe paraît déstructuré. Les préparatifs d’un repas s’engagent. Lorsqu’il s’amorce le décor change, la fiancée, mais n’est ce pas plutôt une mariée, arrive. Les conversations du repas sont lancées. A la fin tous allument des bougies. C’est la pénombre. Des moments de silence succèdent à des moments d’effusion où tout le monde parle sans s’écouter. Il n’y a jamais vraiment de monologues, ni d’ailleurs de véritables dialogues. C’est un chœur qui s’exprime avec une identité partagée. Les personnages s’adressent souvent à eux-mêmes et parfois directement aux spectateurs (surtout à la fin). Quelqu’un veut partir, un homme. Une lutte se développe.

Puis c’est la seconde partie de la pièce, plus courte. Tous reviennent sans leurs costumes d’Arlequin, en jean. Il n’y a plus d’éléments de décor. Ils se parlent, de manière très philosophique, puis alignés, face au public, comme l’immense photo d’arrière plan. Chacun à tour de rôle nous fait part de sa vérité, de son désir de théâtre. Et c’est la fin…

Photo © Elisabeth Carecchio

Entretien avec Guillaume Vincent, le metteur en scène :


"Je voudrais radicaliser ma démarche."

Qu’est-ce que vous aimez dans l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et pourquoi avoir choisi cette pièce, écrite en 1993, deux ans avant sa mort ?

C’est un texte que je connaissais depuis 10 ans. J’ai découvert Jean-Luc Lagarce lorsque j’étais au lycée, à Aix-en-Provence, en option théâtre. Cette pièce aborde le thème de la vie d’une troupe de théâtre, et indirectement celui de la famille.

Il figure également dans d’autres pièces de Jean-Luc Lagarce...

Cette pièce traite de la question du comédien, du désir de ce métier, du rapport à la famille, de la façon avec laquelle on s’engage. Les préparatifs d’une noce à la campagne sont les prémices de "Nous les héros".

Ces thèmes se retrouvent dans d’autres pièces de Jean-Luc Lagarce ?

Oui, dans "Music Hal"l ou "Histoire d’amour"… Mais c’est plus frontal avec "Nous les héros".

Trouvez-vous des liens avec vos précédentes mises en scène ?

Oui, avec "La Fausse suivante" de Marivaux, et aussi les acteurs de bonne foi qui essaient de répéter une fiction qui ne soit pas trop proche de la réalité. Les personnages font semblant de faire semblant. Ce thème m’a fait m’engager. Je voulais montrer comment se fabrique un spectacle.

Vous connaissiez la mise en scène d’Olivier Py ?

Oui, j’avais vue cette mise en scène. Mais mon travail est très différent. Il en a fait quelque chose de festif, de flamboyant, avec beaucoup de musique. J’ai voulu quant à moi aller vers l’aride, quelque chose de plus sec, d’épuré, un décor plus simple, pour mettre le comédien au cœur du propos. L’on est ainsi face à une inventivité qui impose de créer. NB : Olivier Py éprouve la nécessité de mettre en scène une pièce de Jean-Luc Lagarce, un an après sa mort, en 1996. Il choisit Nous les héros car ce texte parle du théâtre. Elle n’est jouée que 17 fois. Sa création 2006, Illusions comiques, dédiée à Jean-Luc Lagarce, parle également du théâtre. Vous êtes sorti de la section mise en scène de l’école du TNS en 2004, comme Marion Stoufflet qui sortait de la section dramaturgie.

Parlons de votre collaboration avec Marion Stoufflet sur cette pièce, vous dîtes qu'il s'agit  "fragments". Vous avez reconstruit le texte, modifié l’ordre des séquences, coupé, ajouté des éléments ? Qu’avez vous occulté, mis en valeur ?

Oui, nous avons réagencé le texte, en le coupant d’environ un quart ou un tiers. L’objectif c’était de servir le projet de mise en scène. On pensait au début que ce serait plus long. En une heure quarante c’est peut être plus percutant… On avait des difficultés avec le début. Nous avons décidé de modifier l’ordre des scènes. La première, les deux personnages qui discutent avant l’arrivée du reste de la troupe, est importante. Ils mettent en place les termes du débat. Le texte de Lagarce ne commence pas ainsi.

Qu’est-ce que le concept de philosophie au cœur du plateau que vous évoquez ?

Certains passages ne sont pas de Lagarce… Oui, j’ai introduit des développements qui ne sont pas de Lagarce pour poser la question du comédien. Il fallait pouvoir se permettre d’interroger les comédiens eux-mêmes, aménager des espaces d’improvision. J’ai retranscrit leurs propos, leurs histoires. Une sélection différente est présentée chaque soir. Hier Karl a lu tout un texte de Franz Kafka. Cela permet d’introduire une vibration au présent. On ressent ainsi des ruptures dans la musique des mots. Pas uniquement à la fin… Non, également au milieu. C’est très particulier de pouvoir écrire au sein de la mise en scène.

Vous parlez aussi de cadre esthétique. Ce distinguo, c’est une simple figure de rhétorique ?

Je ne voulais pas faire surgir un réalisme de repas, de fiançailles.

Vous dites « j’imagine monter la pièce sans décor ». Il y a pourtant un décor : une longue table… Les acteurs ne se font pas face. Ils sont alignés, les uns à côté des autres, face aux spectateurs, comme la photographie située en arrière plan de la scène. Ils ne se regardent pas. C’est un simple procédé utilisé pour améliorer la vision du public ou ceci a-t-il une autre signification ? Cherchiez vous ainsi à exprimer quelque chose de particulier à travers cette linéarité ?

L’incommunicabilité… Oui, il y a effectivement un souci de visibilité par rapport aux spectateurs… Mais c’est vrai qu’il y a un parallèle entre la linéarité de la table et celle de la photographie d’arrière plan. J’aime bien cette longueur. On peut voyager entre ses éléments. Il y a beaucoup de va-et-vient.

La lumière, le moment avec les bougies, c’est très réussi, crépusculaire…

Lorsqu’ils allument les bougies, on n’est plus dans une lumière théâtrale.

Il n’y a pas de musique…

Lagarce suggère des intermèdes musicaux. Ce serait plus joyeux, plus spectaculaire. Mais je ne voulais pas de musique. Je recherchais quelque chose de plus aride. Au niveau de la scénographie, des costumes, des lumières, je ne voulais pas quelque chose de flamboyant. On ne savait pas au début comment on allait traiter l’espace. On voulait que les choses soient séparées… Puis s’est finalement imposée l’idée d’une longue table. Ce n’est pas un espace de théâtre traditionnel. C’est à cheval entre un espace de répétition et un espace de scène.

Parlez nous des acteurs, quatre femmes et cinq hommes ? Comment les avez vous choisis ?
 
Je rêvais d’une distribution aussi hétérogène que possible pour qu’ils puissent représenter tous les acteurs sur scène. La pièce leur est dédiée. C’était étrange au début des répétitions. Il ne s’agit pas d’une troupe mais plutôt d’une famille. Il y a des différences de générations. Une famille qui ne s’est pas choisie, et pourtant c’est le même langage qu’ils expriment. Je connaissais déjà Florence Janas que j’avais mise en scène deux fois.

La présence d’une actrice allemande, Katrin Schwingel, donne une couleur particulière au début de la pièce. C’était nécessaire ? A un certain moment le texte de Jean-Luc Lagarce parle de la Prusse Orientale, comme dans « Le Voyage de Mme Knipper en Prusse Orientale. Il semblait très attiré par l’Allemagne…

Lorsque l’on entend un acteur qui possède un autre accent, la langue est « étrangifiée ». Cela a pour effet de mieux positiver la langue.

Vous cherchiez à créer plus qu’une troupe, une famille ?
Certains avaient déjà des liens entre eux…

Trois des acteurs se connaissaient déjà. Katrin Schwingel, notamment, a joué avec Emilien Tessier. Vous parlez du non jeu.

Qu’est-ce que cela signifie ? Vous êtes un metteur en scène dirigiste ?

Cela dépend des projets. Il m’est arrivé lors de mes précédentes mises en scène de noter en détail tous les déplacements. Mais là je n’ai pas eu le sentiment d’être dirigiste. Je voulais que ce moment se passe comme dans une sorte de flou. J’ai essayé de ne pas fantasmer trop. Je ne voulais pas partir d’a priori. Je voulais un échange. Que l’on glisse doucement vers une parole plus personnelle, avec une ambiguïté entre le texte de Lagarce et les mots des acteurs, qui nous parlent de ce qui les attache à la scène. C’est ça le non jeu, lorsque l’acteur se rapproche de son état personnel. Tout s’est construit au fur et à mesure des répétitions.

Les différentes séquences de la pièce… A la fin, le style change : les acteurs abandonnent leur costume de scène, le décor disparait… Ce ne sont plus des personnages qui s’expriment mais directement les comédiens. Ils mettent en lumière leur singularité. Ils nous expliquent leur désir, pourquoi ils font du théâtre, comment, et puis pourquoi ils continuent ?

Cela éclaire le texte d’autant de points de vue différents. Après le TNS de Strasbourg, vous partez en tournée, une petite tournée, avec une coupure entre janvier et mai 2007.

Il n’est pas envisagé de l’élargir ?

Si, pour la saison 2007-2008.

Vous avez d’autres projets ?

Je n’ai pas de projet dans l’immédiat. Je voudrais radicaliser ma démarche.

Propos recueillis par Bernard EVEN (Strasbourg)

Nous, les héros (Fragments)
De Jean-Luc Lagarce
Mise en scène de Guillaume Vincent
Avec Annie Mercier (la mère), Emilien Tessier (le grand-père paternel), Emilie Incerti Formentini (Joséphine), Nicolas Maury (Karl), Florence Janas (Eduardowa), Sébastien Koch (Max), Sylvestre Lambey (Raban), John Arnold (Monsieur Tchissik), Katrin Schwingel (Madame Tchissik)

Création du 5 au 22 octobre 2006 au Théâtre National de Strasbourg (TNS).

En tournée : à Châteauroux le 24 novembre, Orléans du 28 novembre au 2 décembre, Rambouillet le 11 janvier 2007, Guyancourt le 10 mai 2007.
Réservations : 03 88 24 88 24
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30 novembre 2006 4 30 /11 /novembre /2006 23:53
LES REVENANTS HANTENT BERLIN

Après un franc succès en 2003, à Francfort, Hambourg et Oslo, l’interprétation allemande des « Revenants » de Stéphane Braunschweig, directeur du théâtre national de Strasbourg, se produit sur la scène théâtrale berlinoise à l’occasion des Berliner Festspiele.

Pourquoi avoir choisi d’interpréter Les Revenants d’Ibsen en allemand ?

Le projet de Gespenster s’est construit avec Udo Samel, mon « Woyzeck »de Munich, avec qui je voulais continuer à travailler. Le jeu des comédiens allemands convient particulièrement au texte d’Ibsen : il fait effet de contre-poids ,d’opacité. Il donne de l’epaisseur, de la chair au théâtre d’Ibsen. De plus la proximité de la langue, du norvégien à l’allemand, permet une plus grande fidelité au texte original. Vous avez déjà interprété de nombreuses œuvres de dramaturges allemands ( Büchner, Brecht, Kleist, Wedekind...).

Qu’est-ce qui vous intéresse dans le théâtre allemand ?

Les auteurs allemands sont très importants pour moi. Ils soulèvent des problèmes philosophiques, tout en représentant des êtres de chair et de sang, très charnel. C’est un théâtre qui ne fait pas de rupture entre le langage et le réel. C’est un théâtre profondément ancré dans le réel mais qui sait rester très proche du texte. Que pensez-vous des mises en scène allemandes subversives type Frank Castorf? C’est un genre de théâtre qui a son intérêt : il vise une déconstruction. Ce choix de perspective implique d’écraser l’auteur. C’est intéressant mais quelque part il y a quelque chose qui manque. Il est évident que je ne travaille pas du tout de la même manière : dans un sens, je suis plus dans l’interprétation. Je cherche à aller à l’essentiel sans m’écarter de l’auteur. Je me sens plus proche des mises en scène de Michael Thalheimer, qui travaille au Deutsches Theater de Berlin.
 Photo © DR

Quels éléments vous paraissent fondamentaux dans la mise en scène des Revenants ?

J’ai voulu faire entendre la question « qu’est-ce qui fait la joie de vivre ? ». Le théâtre d’Ibsen traite de questions morales, de la vérité et du mensonge. Mais il a aussi la question du bonheur. Le personnage du fils des Revenants, incarne bien cette ambivalence : il décide de partir pour mieux vivre ; il cherche à dépasser cette dialectique du bien et du mal dans une sorte d’affirmation nietzschéenne. Les mises en scène d’Ibsen ont tendance à enfermer la pièce dans la morale. J’ai choisi de me concentrer sur les personnages pour sortir de ce schéma. Cela n’impliquait pas de passer par l’actualisation de la pièce : j’ai plutôt choisi un décor neutre et simple pour ne pas étouffer les personnages.

Sous quel angle thématique avez vous choisi d’aborder la pièce ?

A l’époque les Revenants a été percue comme une forme de tragédie greque qui reprend les thèmes chrétiens du poids du péché du père et de la culpabilité. J’ai cherché à montrer autre chose en mettant en avant le personnage de la mère qui fantasme la figure du père idéal. Elle incarne cette capacité de l’être humain à enfouir la vérité. Il me semble que c’est une question qui nous concerne plus que la notion de faute du père, profondément ancrée dans la morale chrétienne. Il y a une tendance à la méfiance pour la psychologie dans le théâtre : je pense au contraire que la psychologie est une arme contre le « théâtre à thèse ».

Propos recueillis pas Elsa ASSOUN (Berlin)

Gespenster, mis en scène par Stéphane Braunschweig, d’après Henrik Ibsen.
Haus der Berliner Festspiele, du 30.11 au 02.12.06
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Chronique FraÎChe