20 mars 2007
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GUIGNOL SANGLANT
Dans la cour d'une improbable prison, deux femmes, Léonine (Marie Pagès) et La-Si-Belle (Sophie Rossano), viennent tous les matins nettoyer le mur taché de sang situé derrière le poteau d'exécution des condamnés à mort.
Un travail fatigant qu'elles meublent de leurs conversations (la plus âgée des deux, Léonine, raconte ses amours passées à sa camarade et l'initie aux rapports amoureux) et de leurs rencontres avec un soldat (Benoît Thévenoz) avec qui La-Si-Belle aura une aventure sentimentale et, surtout, le capitaine (Olivier Ranger), prototype du dictateur, sorte de mélange de Père Ubu et Arturo Ui, personnage gueulard, autoritaire et mégalomaniaque au dernier degré...
De jour en jour, la montagne de cadavres grandit aux proportions de la démesure d'un texte puissamment évocateur, bien dans la ligne d'une certaine écriture contemporaine – on peut penser à Céline ou encore à Guyotat - qui donne de l'humanité une image où le sang, le sperme, la merde et toutes autres formes de sécrétions ou excrétions du corps humain occupent une place privilégiée.
Une puissante force poétique et musicale
Ce texte de Marc Delaruelle avait déjà été donné en lecture sur France-Culture en 2002. Et il est vrai qu'il semble davantage destiné à être entendu qu'à donner lieu à un spectacle théâtral. D'ailleurs, en-deçà même de toute représentation, il recèle une telle puissance d'expression, une dimension poétique si forte qu'il se suffit déjà à lui-même.
Tout est alors une question d'interprétation, de jeu des comédiens qu'Alain Timar, metteur en scène invité pour cette lecture, a très bien su développer, insistant sur son aspect musical et sur le travail du corps induit par cette écriture même. Les interventions du metteur en scène ont été ici plus encore précieuses que lors de précédentes lectures. Guignol sanglant, caricature abominable, à la fois sinistre et drôlatique, d'une humanité où les pulsions de mort peuvent paraître victorieuses d'une douceur de vivre à jamais perdue, Les Nettoyeuses laissent le spectateur – ou plutôt ici l'auditeur – sur des impression très fortes et rien moins qu'anodines...
Les Nettoyeuses, de Marc Delaruelle, jeudi 15 mars 2007, Le Ring Théâtre, 13, rue Louis-Pasteur, 84000 Avignon.
Prochaine « Lecture en scène » : Le Maillot, de Bernard Da Costa, jeudi 5 avril à 20h30.
Dans la cour d'une improbable prison, deux femmes, Léonine (Marie Pagès) et La-Si-Belle (Sophie Rossano), viennent tous les matins nettoyer le mur taché de sang situé derrière le poteau d'exécution des condamnés à mort.
Un travail fatigant qu'elles meublent de leurs conversations (la plus âgée des deux, Léonine, raconte ses amours passées à sa camarade et l'initie aux rapports amoureux) et de leurs rencontres avec un soldat (Benoît Thévenoz) avec qui La-Si-Belle aura une aventure sentimentale et, surtout, le capitaine (Olivier Ranger), prototype du dictateur, sorte de mélange de Père Ubu et Arturo Ui, personnage gueulard, autoritaire et mégalomaniaque au dernier degré...
De jour en jour, la montagne de cadavres grandit aux proportions de la démesure d'un texte puissamment évocateur, bien dans la ligne d'une certaine écriture contemporaine – on peut penser à Céline ou encore à Guyotat - qui donne de l'humanité une image où le sang, le sperme, la merde et toutes autres formes de sécrétions ou excrétions du corps humain occupent une place privilégiée.
Une puissante force poétique et musicale
Ce texte de Marc Delaruelle avait déjà été donné en lecture sur France-Culture en 2002. Et il est vrai qu'il semble davantage destiné à être entendu qu'à donner lieu à un spectacle théâtral. D'ailleurs, en-deçà même de toute représentation, il recèle une telle puissance d'expression, une dimension poétique si forte qu'il se suffit déjà à lui-même.
Tout est alors une question d'interprétation, de jeu des comédiens qu'Alain Timar, metteur en scène invité pour cette lecture, a très bien su développer, insistant sur son aspect musical et sur le travail du corps induit par cette écriture même. Les interventions du metteur en scène ont été ici plus encore précieuses que lors de précédentes lectures. Guignol sanglant, caricature abominable, à la fois sinistre et drôlatique, d'une humanité où les pulsions de mort peuvent paraître victorieuses d'une douceur de vivre à jamais perdue, Les Nettoyeuses laissent le spectateur – ou plutôt ici l'auditeur – sur des impression très fortes et rien moins qu'anodines...
Henri LÉPINE (Avignon)
Les Nettoyeuses, de Marc Delaruelle, jeudi 15 mars 2007, Le Ring Théâtre, 13, rue Louis-Pasteur, 84000 Avignon.
Prochaine « Lecture en scène » : Le Maillot, de Bernard Da Costa, jeudi 5 avril à 20h30.