17 février 2007
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ROBERT HIRSCH, MAÎTRE DES LIEUX
Après le succès rencontré par la pièce fin 2006, le Théâtre de Paris reprend la mise en scène de Didier Long, dans laquelle l’acteur, octogénaire, montre qu’il conserve un appétit de jeu hors normes.
Un capharnaüm abrite ce huis clos. Véritable taudis, terne, jonché d’épaves. Des lits de fer aux matelas éculés, une pile de malles et de valises qui prennent la poussière. Lieu d’errance immobile. Habité par Aston et Mick (Samuel Labarthe et Cyrille Thouvenin), deux frères ou supposés tels. Un matin, le plus âgé, Aston, grande baraque d’allure martiale, y ramène Davies (Robert Hirsch). C’est un vieillard, une cloche décatie qui fuit les emmerdements de la veille. Aston et Mick lui proposent de faire office de gardien. Davies accepte. Déjà, il inspecte, jauge l’état du matelas, s’installe. Sous un flot incessant de commentaires. Des lieux communs à fleur de peau. Sur ses manies du quotidien, sur les Écossais, les noirs. Le vieil homme est regardant quant à la couleur de peau du voisinage. Ce à quoi Aston répond, laconique, ambigu. Leur bavardage ne fait pas longtemps diversion. Pourquoi ces êtres paumés se paient-ils de mots ? Que cachent-ils ? Qu’attendent ils ?
Photo © DR
Faux semblants
Ecrite en 1959, Le Gardien est l'une des pièces qui a apparenté son auteur, Harold Pinter, au théâtre de l’absurde. A l’instar d’un Beckett, elle exploite le thème de l’attente, montre des personnages travestis par leur langage. On a dit de Pinter, récent Prix Nobel, qu’il « découvrait l’abîme sous les bavardages ». Ses héros, ou plutôt ses antihéros, avancent masqués. De Davies, ce n’est d’ailleurs pas son vrai nom, comme des deux autres, on ne saura rien ou presque. Peu importent leurs attaches, leurs parcours. Reste leur malaise derrière les faux semblants.
Dans cette version de Didier Long, Robert Hirsch est lâché comme dans un jeu de quilles. De la bête de scène vorace qui, dans sa longue carrière, a vampirisé une liste de pièces épaisse comme l’annuaire, il reste à peu près tout. Sous l’allure frêle et dégingandée se cache un ogre. Remonté comme une pendule, bardé de tics, dans une incessante danse de Saint-Guy, sitôt son entrée, il couine, souffle, peste, râle, fulmine, tempête, gronde. Il use de tous les registres, du grotesque, s’appuie sur le public comme au boulevard, se sent pousser des ailes, en fait trop, vise juste l’instant d’après. Il joue. Un rôle qui lui ressemble. Et avec une facilité étonnante, il tire toute la couverture à lui. En face, pendant ce temps, on regarde un peu passer le train. Samuel Labarthe, hiératique, joue de l’ambivalence d’un ton monocorde. Cyrille Thouvenin est un peu tendre. L’idée qu’il puissent avoir raison du vieil homme s’émousse. Robert Hirsch est passé maître des lieux, sans trop d’ambiguïté.
Le Gardien
De Harold Pinter
Mise en scène de Didier Long
Adaptation de Philippe Djian
Avec Robert Hirsch, Samuel Labarthe, Cyrille Thouvenin
Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 75009 Paris - réservation 01 48 74 25 37
Jusqu’au 06 mai 2007
Après le succès rencontré par la pièce fin 2006, le Théâtre de Paris reprend la mise en scène de Didier Long, dans laquelle l’acteur, octogénaire, montre qu’il conserve un appétit de jeu hors normes.
Un capharnaüm abrite ce huis clos. Véritable taudis, terne, jonché d’épaves. Des lits de fer aux matelas éculés, une pile de malles et de valises qui prennent la poussière. Lieu d’errance immobile. Habité par Aston et Mick (Samuel Labarthe et Cyrille Thouvenin), deux frères ou supposés tels. Un matin, le plus âgé, Aston, grande baraque d’allure martiale, y ramène Davies (Robert Hirsch). C’est un vieillard, une cloche décatie qui fuit les emmerdements de la veille. Aston et Mick lui proposent de faire office de gardien. Davies accepte. Déjà, il inspecte, jauge l’état du matelas, s’installe. Sous un flot incessant de commentaires. Des lieux communs à fleur de peau. Sur ses manies du quotidien, sur les Écossais, les noirs. Le vieil homme est regardant quant à la couleur de peau du voisinage. Ce à quoi Aston répond, laconique, ambigu. Leur bavardage ne fait pas longtemps diversion. Pourquoi ces êtres paumés se paient-ils de mots ? Que cachent-ils ? Qu’attendent ils ?

Ecrite en 1959, Le Gardien est l'une des pièces qui a apparenté son auteur, Harold Pinter, au théâtre de l’absurde. A l’instar d’un Beckett, elle exploite le thème de l’attente, montre des personnages travestis par leur langage. On a dit de Pinter, récent Prix Nobel, qu’il « découvrait l’abîme sous les bavardages ». Ses héros, ou plutôt ses antihéros, avancent masqués. De Davies, ce n’est d’ailleurs pas son vrai nom, comme des deux autres, on ne saura rien ou presque. Peu importent leurs attaches, leurs parcours. Reste leur malaise derrière les faux semblants.
Dans cette version de Didier Long, Robert Hirsch est lâché comme dans un jeu de quilles. De la bête de scène vorace qui, dans sa longue carrière, a vampirisé une liste de pièces épaisse comme l’annuaire, il reste à peu près tout. Sous l’allure frêle et dégingandée se cache un ogre. Remonté comme une pendule, bardé de tics, dans une incessante danse de Saint-Guy, sitôt son entrée, il couine, souffle, peste, râle, fulmine, tempête, gronde. Il use de tous les registres, du grotesque, s’appuie sur le public comme au boulevard, se sent pousser des ailes, en fait trop, vise juste l’instant d’après. Il joue. Un rôle qui lui ressemble. Et avec une facilité étonnante, il tire toute la couverture à lui. En face, pendant ce temps, on regarde un peu passer le train. Samuel Labarthe, hiératique, joue de l’ambivalence d’un ton monocorde. Cyrille Thouvenin est un peu tendre. L’idée qu’il puissent avoir raison du vieil homme s’émousse. Robert Hirsch est passé maître des lieux, sans trop d’ambiguïté.
Hugo LATTARD (Paris)
Le Gardien
De Harold Pinter
Mise en scène de Didier Long
Adaptation de Philippe Djian
Avec Robert Hirsch, Samuel Labarthe, Cyrille Thouvenin
Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 75009 Paris - réservation 01 48 74 25 37
Jusqu’au 06 mai 2007