10 novembre 2006
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LE LABYRINTHE DU VIDE
Des êtres dialoguent en soliloques. Ils se croisent dans un endroit où ils ne trouvent pas place. Leurs errances ne disent pas un parcours, une histoire individuelle. Elles tracent une image sociétale.
Tandis que les comédiens prennent conscience de l’espace, les spectateurs prennent la mesure du décor. Un lieu public, genre boîte nocturne, avec des fauteuils clubs vert clair, des tables et des chaises à la mode, une cuisine, des éviers, des bouteilles d’alcool, un buffet, un palmier, un piano blanc. Un lieu fonctionnel et design pour rencontres rationnelles. Là dedans se croisent une série de personnages qui font et défont des couples réels et des couples improbables. Ils se racontent à eux-mêmes. Parfois à la salle. Parfois à l’un ou l’autre protagoniste. Ils agissent, jouent, décrivent ce qu’ils font. Et, précisément, la mise en scène nerveuse de Mikaël Serre met en constant décalage les messages corporels et le discours oral.
Dans une veine qui rappelle celle des créateurs flamands (Platel, Lauwers, Fabre, Sierens…), le plateau vit d’une multitude de gestes, d’attitudes, de mouvements répétitifs dont certains se réfèrent à Pina Baush. C’est un grouillement ininterrompu de présences, d’interférences, de tensions. Rien n’est véritablement réaliste. Les individus cherchent leur équilibre, leur place dans l’existence et ne les trouvent pas. Ce qu’ils disent n’est pas ce qu’ils font ni même ce qu’ils pensent. Ils ont besoin d’exutoires, de faire sortir d’eux le trop plein de leurs contraintes et de leurs contradictions, de leurs désirs et de leurs échecs. Le spectacle reprend à satiété des agissements probants à ce sujet : canardage à coups de pistolets à eau, contenus de verres renversé ou jeté à la figure d’autrui, vomissements, éjaculations, jaillissement d’étincelles de feux d’artifice, logorrhée de mots qui se crient, se murmurent ou se ressassent. Ce qui est refoulé cherche à s’extérioriser.
La représentation est éprouvante pour qui s’obstine à se raccrocher à la psychologie, à une intrigue linéaire, à une progression narrative continue, à des valeurs morales ou esthétiques rassurantes. Le texte fragmenté de von Mayenburg, la prestation physiquement très engagée des neuf interprètes, la direction impérieuse de Serre concourent à envoyer vers le public un kaléidoscope visuel et sonore dans lequel il est indispensable de se laisser emporter. De ce tohu-bohu concerté surgit l'illustration d’un monde de vide dans lequel les êtres sont en pesanteur, d’une société dont les membres sont en désarroi, livrés à la déshérence morale, au chaos de notre actualité qui démontre que ce n’est pas le miroir qui est déformant mais bien la réalité qui s’est déformée.
Texte : Marius von Mayenburg (éd. L’Arche)
Mise en scène : Mikaël Serre
Interprétation: Sharon Amir, Frédéric Aspisi, Olav Benestvedt, Lee Delong, Servane Ducorps, Olga Kojorina, Thierry Levaret, Rodolfo de Souza
Scénographie : Anne-Charlotte Vimont
Costumes : Nathalie Raoul
Musiques : Nils Ostendorf Lumière : Marek Lamprecht
Production :Le Bathyscaphe / La Rose des Vents/ La Ferme du Buisson
À la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq jusqu’au 18 novembre, à la Ferme du Buisson de Marne la Vallée les 13, 14, 19 et 20 janvier 07 et au Théâtre de la Bastille à Paris du 22 janvier au 10 février 07.
Des êtres dialoguent en soliloques. Ils se croisent dans un endroit où ils ne trouvent pas place. Leurs errances ne disent pas un parcours, une histoire individuelle. Elles tracent une image sociétale.
Tandis que les comédiens prennent conscience de l’espace, les spectateurs prennent la mesure du décor. Un lieu public, genre boîte nocturne, avec des fauteuils clubs vert clair, des tables et des chaises à la mode, une cuisine, des éviers, des bouteilles d’alcool, un buffet, un palmier, un piano blanc. Un lieu fonctionnel et design pour rencontres rationnelles. Là dedans se croisent une série de personnages qui font et défont des couples réels et des couples improbables. Ils se racontent à eux-mêmes. Parfois à la salle. Parfois à l’un ou l’autre protagoniste. Ils agissent, jouent, décrivent ce qu’ils font. Et, précisément, la mise en scène nerveuse de Mikaël Serre met en constant décalage les messages corporels et le discours oral.
Photo © Kraemer
Dans une veine qui rappelle celle des créateurs flamands (Platel, Lauwers, Fabre, Sierens…), le plateau vit d’une multitude de gestes, d’attitudes, de mouvements répétitifs dont certains se réfèrent à Pina Baush. C’est un grouillement ininterrompu de présences, d’interférences, de tensions. Rien n’est véritablement réaliste. Les individus cherchent leur équilibre, leur place dans l’existence et ne les trouvent pas. Ce qu’ils disent n’est pas ce qu’ils font ni même ce qu’ils pensent. Ils ont besoin d’exutoires, de faire sortir d’eux le trop plein de leurs contraintes et de leurs contradictions, de leurs désirs et de leurs échecs. Le spectacle reprend à satiété des agissements probants à ce sujet : canardage à coups de pistolets à eau, contenus de verres renversé ou jeté à la figure d’autrui, vomissements, éjaculations, jaillissement d’étincelles de feux d’artifice, logorrhée de mots qui se crient, se murmurent ou se ressassent. Ce qui est refoulé cherche à s’extérioriser.
La représentation est éprouvante pour qui s’obstine à se raccrocher à la psychologie, à une intrigue linéaire, à une progression narrative continue, à des valeurs morales ou esthétiques rassurantes. Le texte fragmenté de von Mayenburg, la prestation physiquement très engagée des neuf interprètes, la direction impérieuse de Serre concourent à envoyer vers le public un kaléidoscope visuel et sonore dans lequel il est indispensable de se laisser emporter. De ce tohu-bohu concerté surgit l'illustration d’un monde de vide dans lequel les êtres sont en pesanteur, d’une société dont les membres sont en désarroi, livrés à la déshérence morale, au chaos de notre actualité qui démontre que ce n’est pas le miroir qui est déformant mais bien la réalité qui s’est déformée.
Michel VOITURIER (Lille)
Texte : Marius von Mayenburg (éd. L’Arche)
Mise en scène : Mikaël Serre
Interprétation: Sharon Amir, Frédéric Aspisi, Olav Benestvedt, Lee Delong, Servane Ducorps, Olga Kojorina, Thierry Levaret, Rodolfo de Souza
Scénographie : Anne-Charlotte Vimont
Costumes : Nathalie Raoul
Musiques : Nils Ostendorf Lumière : Marek Lamprecht
Production :Le Bathyscaphe / La Rose des Vents/ La Ferme du Buisson
À la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq jusqu’au 18 novembre, à la Ferme du Buisson de Marne la Vallée les 13, 14, 19 et 20 janvier 07 et au Théâtre de la Bastille à Paris du 22 janvier au 10 février 07.