26 octobre 2006
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CAP SUR UNE CLIQUE QUI CLAQUE
La Clique : un nom de compagnie que l’on ne saurait mieux seyant pour ce quintette de jeunes comédiens – trois femmes, deux hommes – tout en harmonie : nul ne s’arroge le devant de la scène dans cette comédie débridée où grande cependant pouvait être la tentation pour chacun de dire plus haut, de parler plus fort, de briller plus vif. Car si le jeu est unitaire certes, la pièce qui tend à signifier « les méandres du langage contemporain » relèverait plutôt d’une cacophonie verbale.
Et pourtant… C’est à une cacophonie savamment orchestrée que nous assistons ici, au point que semble se résorber en elle toute contradiction apparente entre homogénéité d’interprétation et sinuosité du propos ; d’un tel oxymore structurel résulte selon nous la qualité de cette mise en scène que cosignent Frédéric Gray et Célia Nogues, au demeurant acteurs de leur propre création. Sobre sans excès ni prétention aucune, celle-ci, en ce qu’elle vient servir avec limpidité la pensée, le style, l’expression mêmes de Jean Tardieu, témoigne d’une lecture et d’une adaptation particulièrement intelligentes : sous nos yeux rivés au petit plateau du Guichet Montparnasse, prennent vie ces textes dont on éprouve un plaisir immense une fois encore à mesurer l’intemporalité dans un monde moderne secoué par une crise des valeurs sans précédent et une perte de sens jamais appréhendée jusqu’alors.
C’est le triomphe de l’absurde qu’illustre avec brio ce remake parodié des feuilletons à l’eau de rose des années 90 que nous remémorent déclamées sur un ton ironiquement tragique des répliques telles que « rien n’est possible de ce qui est impossible » ou « je sais ce que je sais » ; celles-là même qui, pour n’avoir pas été intégrées à une trame narrative, n’en étaient pas moins comprises de toute éternité. Plus profondément, il s’agit d’interroger sur le mode ludique l’adéquation du mot avec la chose qu’il prétend désigner : « On étouffe ici. Des mots, toujours des mots, et jamais la vérité. » « La comédie, confiait Jean Tardieu lors d’un entretien accordé à Jean-Maurice de Montremy en janvier 1993, c’est le sentiment d’être dedans et dehors » : ne serait-ce pas là cette double instance que chercheraient à figurer tous ces personnages aux facettes multiples, par une alternance entre le noir et le blanc (costumes et/ou lumières), une succession de plages musicales et de bruitages, un va-et-vient incessant des protagonistes derrière le drap de toile tendu pour que se profilent tour à tour leurs ombres et enfin une histoire racontée dans l’histoire ?
Et parce qu’on les devine aisément perfectibles chez une troupe de cette trempe, nous nous sommes empressée d’oublier quelques rares imperfections pour ne garder de cette bande de joyeux drilles que forment, outre Frédéric Gray et Célia Nogues, Sophie Kiremidjian, Valérie Parisot et Jérémie Graine, la fraîcheur poétique, l’humour énergique, l’esprit synthétique de Jean Tardieu qu’elle a su une heure et quart durant nous restituer « avec grand soleil »… Qu’on se le dise…
La Comédie des mots dits, d’après Jean Tardieu
Compagnie La Clique.
Mise en scène : Frédéric Gray et Célia Nogues
Avec : Jérémie Graine, Frédéric Gray, Sophie Kiremidjian, Célia Nogues et Valérie Parisot Scénographie : Flore Guillemonat
Costumes : Georgina Ridealgh
Création lumière : Christophe Grelie
Création sonore : William Druelle
Théâtre du Guichet Montparnasse 15 rue du Maine 75014 PARIS
Réservation : 01 43 27 88 61
Dates : du 1er septembre au 4 novembre 2006 à 20h30, du mercredi au samedi
La Clique : un nom de compagnie que l’on ne saurait mieux seyant pour ce quintette de jeunes comédiens – trois femmes, deux hommes – tout en harmonie : nul ne s’arroge le devant de la scène dans cette comédie débridée où grande cependant pouvait être la tentation pour chacun de dire plus haut, de parler plus fort, de briller plus vif. Car si le jeu est unitaire certes, la pièce qui tend à signifier « les méandres du langage contemporain » relèverait plutôt d’une cacophonie verbale.
Et pourtant… C’est à une cacophonie savamment orchestrée que nous assistons ici, au point que semble se résorber en elle toute contradiction apparente entre homogénéité d’interprétation et sinuosité du propos ; d’un tel oxymore structurel résulte selon nous la qualité de cette mise en scène que cosignent Frédéric Gray et Célia Nogues, au demeurant acteurs de leur propre création. Sobre sans excès ni prétention aucune, celle-ci, en ce qu’elle vient servir avec limpidité la pensée, le style, l’expression mêmes de Jean Tardieu, témoigne d’une lecture et d’une adaptation particulièrement intelligentes : sous nos yeux rivés au petit plateau du Guichet Montparnasse, prennent vie ces textes dont on éprouve un plaisir immense une fois encore à mesurer l’intemporalité dans un monde moderne secoué par une crise des valeurs sans précédent et une perte de sens jamais appréhendée jusqu’alors.
C’est le triomphe de l’absurde qu’illustre avec brio ce remake parodié des feuilletons à l’eau de rose des années 90 que nous remémorent déclamées sur un ton ironiquement tragique des répliques telles que « rien n’est possible de ce qui est impossible » ou « je sais ce que je sais » ; celles-là même qui, pour n’avoir pas été intégrées à une trame narrative, n’en étaient pas moins comprises de toute éternité. Plus profondément, il s’agit d’interroger sur le mode ludique l’adéquation du mot avec la chose qu’il prétend désigner : « On étouffe ici. Des mots, toujours des mots, et jamais la vérité. » « La comédie, confiait Jean Tardieu lors d’un entretien accordé à Jean-Maurice de Montremy en janvier 1993, c’est le sentiment d’être dedans et dehors » : ne serait-ce pas là cette double instance que chercheraient à figurer tous ces personnages aux facettes multiples, par une alternance entre le noir et le blanc (costumes et/ou lumières), une succession de plages musicales et de bruitages, un va-et-vient incessant des protagonistes derrière le drap de toile tendu pour que se profilent tour à tour leurs ombres et enfin une histoire racontée dans l’histoire ?
Et parce qu’on les devine aisément perfectibles chez une troupe de cette trempe, nous nous sommes empressée d’oublier quelques rares imperfections pour ne garder de cette bande de joyeux drilles que forment, outre Frédéric Gray et Célia Nogues, Sophie Kiremidjian, Valérie Parisot et Jérémie Graine, la fraîcheur poétique, l’humour énergique, l’esprit synthétique de Jean Tardieu qu’elle a su une heure et quart durant nous restituer « avec grand soleil »… Qu’on se le dise…
Zoé PONT (Paris)
La Comédie des mots dits, d’après Jean Tardieu
Compagnie La Clique.
Mise en scène : Frédéric Gray et Célia Nogues
Avec : Jérémie Graine, Frédéric Gray, Sophie Kiremidjian, Célia Nogues et Valérie Parisot Scénographie : Flore Guillemonat
Costumes : Georgina Ridealgh
Création lumière : Christophe Grelie
Création sonore : William Druelle
Théâtre du Guichet Montparnasse 15 rue du Maine 75014 PARIS
Réservation : 01 43 27 88 61
Dates : du 1er septembre au 4 novembre 2006 à 20h30, du mercredi au samedi