4 juillet 2009
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LE THEATRE EN PIECES DETACHEES
Il est universitaire, critique, directeur de revues, responsable de collection dans l'édition... Tout cela dans l'univers théâtral sur lequel il pose un œil fondamentalement international. Georges Banu aime regarder et analyser l'envers du décor. Même quand la scène est nue.
Explorateur des scènes internationales insatiable, boulimique. Le désir de théâtre, chez Georges Banu, semble s'inscrire dans une relation systémique où sujet et objet ne cessent de courir après une vérité -ou un mystère- qui, toujours, s'échappe. L'universitaire (Georges Banu est professeur d'Etudes Théâtrales notamment à Paris III-Sorbonne Nouvelle), le responsable de revues (L'Art du Théâtre, Alternatives Théâtrales...), le critique ou encore le codirecteur de la collection « Le temps du théâtre » (Actes Sud) publie ces derniers temps plusieurs ouvrages, sous sa seule signature ou en collaboration avec d'autres auteurs.

Il faut d'abord s'arrêter sur son livre très personnel, « Miniatures Théoriques ». Dans son prologue, où il ajoute au titre initial « ... ou les pelures du théâtre », il prend l'exemple de « Peer Gynt » (Ibsen) « qui effleure », note-t-il, « la vie comme un oignon.... ». Et d'ajouter : « Le tas de pelures qui désigne sa vie le confirme. Il a vécu, sans sens ultime peut-être, mais avec l'exaltation des instants assumés simplement, les uns après les autres ». Ces pelures renvoient, chacune, « à une porte ouverte, à une question formulée, à un doute éprouvé sans pour autant parvenir à un sens ultime ».
Bibliothèque intérieure
Les pelures de Banu sont ici nommées « Miniatures Théoriques ». Elles portent des titres : « La vidéo, Mephisto de la scène », « Le nu, les avatars d'une révolte », « L'enfant, rôle et matériau », « Le public en scène », etc. Elles sont nées de sa bibliothèque intérieure, celle qu'il s'est construite à partir des spectacles vus « ici ou ailleurs ». Certaines révèlent des « mythologies » de la scène contemporaine [qui] « reviennent d'un metteur en scène à un autre, se détachent comme des symptômes d'une époque ».
A priori, ce propos pourrait paraître 'intello'. Ce n'est pas le cas, la lecture du livre est passionnante parce qu'elle provoque, elle questionne sur certaines tendances qui se glissent dans des pratiques théâtrales contemporaines. On peut ne pas être d'accord parfois avec l'auteur, mais comment ne pas s'interroger avec lui, par exemple, sur l'importance que prend « le laid » au théâtre, allant selon Banu jusqu'à un certain « académisme du laid ». Ou encore sur l'évolution de la place de l'enfant, longtemps évoqué et non représenté, devenu ces dernières années « matériau », récupérant même un vrai rôle (souvent de victime) comme chez le metteur en scène italien Romeo Castellucci.
La bibliothèque de Georges Banu est riche de ses expériences allant jusqu'à ces « Saluts ou le protocole de la fin » dans lesquels il décèle « une variation des postures, lisible par le spectateur attentif ». Il faut, précise-t-il « toujours épier les saluts [...]. Ils fournissent des indices autrement imperceptibles ».
Le théâtre dans le théâtre
On retrouve Georges Banu pour les commentaires derrière cet autre livre passionnant, « Shakespeare, Le monde est une scène », qui se présente comme une anthologie des métaphores et pratiques ayant trait au théâtre dans l'œuvre de Shakespeare. Un travail réalisé avec Jean-Michel Déprats, grand traducteur des œuvres du poète anglais, qui signe ici aussi une introduction où il rappelle, notamment, les propos du critique Northrop Frye précisant que « dans chaque pièce de Shakespeare, le héros ou le personnage central est le théâtre lui-même ».

Les citations/exemples abondent et agissent souvent comme des révélations. Ainsi cette réplique de Juliette (« Roméo et Juliette) : « cette scène lugubre, je dois la jouer seule », ou celle de Prospéro : « Cette figure de harpie, tu l'as interprétée/A la perfection, mon Ariel... » (dans « La Tempête ». Dans ce « Monde est une scène », Banu et Déprats creusent plus particulièrement « Le Songe d'une nuit d'été » et « Hamlet » où la parole du grand William va jusqu'à interroger ... le public. Du bel art.
Jean-Pierre BOURCIER (Paris)
« Miniatures Théoriques » de Georges Banu
Chez Actes Sud. Collection 'Le temps du Théâtre'
150 pages, 22 €.
www.actes-sud.fr
« Shakespeare, Le monde est une scène »
Anthologie proposée et commentée par Georges Banu. Traduction et introduction par Jean-Michel Déprats.
Editions Gallimard. Collection 'Pratique du Théâtre'
270 pages, 21€.
A lire aussi « J'y arriverai un jour », un portrait « kaléidoscope » de Patrice Chéreau, publié en mai dernier, conçu par Georges Banu et Clément Hervieu-Léger, à l'occasion de la réunion du Prix 'Europe pour le Théâtre' en 2008 à Thessalonique (Grèce) où des artistes, critiques et journalistes se sont retrouvés autour de l'œuvre de Patrice Chéreau.
Il est universitaire, critique, directeur de revues, responsable de collection dans l'édition... Tout cela dans l'univers théâtral sur lequel il pose un œil fondamentalement international. Georges Banu aime regarder et analyser l'envers du décor. Même quand la scène est nue.
Explorateur des scènes internationales insatiable, boulimique. Le désir de théâtre, chez Georges Banu, semble s'inscrire dans une relation systémique où sujet et objet ne cessent de courir après une vérité -ou un mystère- qui, toujours, s'échappe. L'universitaire (Georges Banu est professeur d'Etudes Théâtrales notamment à Paris III-Sorbonne Nouvelle), le responsable de revues (L'Art du Théâtre, Alternatives Théâtrales...), le critique ou encore le codirecteur de la collection « Le temps du théâtre » (Actes Sud) publie ces derniers temps plusieurs ouvrages, sous sa seule signature ou en collaboration avec d'autres auteurs.

Il faut d'abord s'arrêter sur son livre très personnel, « Miniatures Théoriques ». Dans son prologue, où il ajoute au titre initial « ... ou les pelures du théâtre », il prend l'exemple de « Peer Gynt » (Ibsen) « qui effleure », note-t-il, « la vie comme un oignon.... ». Et d'ajouter : « Le tas de pelures qui désigne sa vie le confirme. Il a vécu, sans sens ultime peut-être, mais avec l'exaltation des instants assumés simplement, les uns après les autres ». Ces pelures renvoient, chacune, « à une porte ouverte, à une question formulée, à un doute éprouvé sans pour autant parvenir à un sens ultime ».
Bibliothèque intérieure
Les pelures de Banu sont ici nommées « Miniatures Théoriques ». Elles portent des titres : « La vidéo, Mephisto de la scène », « Le nu, les avatars d'une révolte », « L'enfant, rôle et matériau », « Le public en scène », etc. Elles sont nées de sa bibliothèque intérieure, celle qu'il s'est construite à partir des spectacles vus « ici ou ailleurs ». Certaines révèlent des « mythologies » de la scène contemporaine [qui] « reviennent d'un metteur en scène à un autre, se détachent comme des symptômes d'une époque ».
A priori, ce propos pourrait paraître 'intello'. Ce n'est pas le cas, la lecture du livre est passionnante parce qu'elle provoque, elle questionne sur certaines tendances qui se glissent dans des pratiques théâtrales contemporaines. On peut ne pas être d'accord parfois avec l'auteur, mais comment ne pas s'interroger avec lui, par exemple, sur l'importance que prend « le laid » au théâtre, allant selon Banu jusqu'à un certain « académisme du laid ». Ou encore sur l'évolution de la place de l'enfant, longtemps évoqué et non représenté, devenu ces dernières années « matériau », récupérant même un vrai rôle (souvent de victime) comme chez le metteur en scène italien Romeo Castellucci.
La bibliothèque de Georges Banu est riche de ses expériences allant jusqu'à ces « Saluts ou le protocole de la fin » dans lesquels il décèle « une variation des postures, lisible par le spectateur attentif ». Il faut, précise-t-il « toujours épier les saluts [...]. Ils fournissent des indices autrement imperceptibles ».
Le théâtre dans le théâtre
On retrouve Georges Banu pour les commentaires derrière cet autre livre passionnant, « Shakespeare, Le monde est une scène », qui se présente comme une anthologie des métaphores et pratiques ayant trait au théâtre dans l'œuvre de Shakespeare. Un travail réalisé avec Jean-Michel Déprats, grand traducteur des œuvres du poète anglais, qui signe ici aussi une introduction où il rappelle, notamment, les propos du critique Northrop Frye précisant que « dans chaque pièce de Shakespeare, le héros ou le personnage central est le théâtre lui-même ».

Les citations/exemples abondent et agissent souvent comme des révélations. Ainsi cette réplique de Juliette (« Roméo et Juliette) : « cette scène lugubre, je dois la jouer seule », ou celle de Prospéro : « Cette figure de harpie, tu l'as interprétée/A la perfection, mon Ariel... » (dans « La Tempête ». Dans ce « Monde est une scène », Banu et Déprats creusent plus particulièrement « Le Songe d'une nuit d'été » et « Hamlet » où la parole du grand William va jusqu'à interroger ... le public. Du bel art.
Jean-Pierre BOURCIER (Paris)
« Miniatures Théoriques » de Georges Banu
Chez Actes Sud. Collection 'Le temps du Théâtre'
150 pages, 22 €.
www.actes-sud.fr
« Shakespeare, Le monde est une scène »
Anthologie proposée et commentée par Georges Banu. Traduction et introduction par Jean-Michel Déprats.
Editions Gallimard. Collection 'Pratique du Théâtre'
270 pages, 21€.
A lire aussi « J'y arriverai un jour », un portrait « kaléidoscope » de Patrice Chéreau, publié en mai dernier, conçu par Georges Banu et Clément Hervieu-Léger, à l'occasion de la réunion du Prix 'Europe pour le Théâtre' en 2008 à Thessalonique (Grèce) où des artistes, critiques et journalistes se sont retrouvés autour de l'œuvre de Patrice Chéreau.