10 juin 2009
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LA CHASSE AUX ILLUSIONS
L’indépendance individuelle, les relations entre un frère incarcéré et une sœur libre, la foi en une vie meilleure grâce au régime marxiste puis à la démocratie, la croyance en l’unité et l’omnipotence de la Russie… sont des illusions qui ont fini par s’effriter.
Image forte pour commencer cette chronique des leurres qu’entretient une société pour empêcher l’expression individuelle : Olga, le personnage central, respirant avec peine et bruit, la tête enfermée dans un sac poubelle. Ensuite, la représentation prend un rythme avec des alternances de présences de comédiens, de projections d’images, d’interventions sonores enregistrées, d’effets vidéo en direct.

Derrière les apparences pointe la réalité. Et si « il n’y a rien à dire sur les gens heureux », il y a beaucoup à révéler sur les autres. Non seulement parce qu’ils souffrent des carences d’un système mais aussi parce qu’ils sont inconsciemment les artisans de leur mal être au point d’avouer : « Nous sommes tombés sur un ennemi, et lui, c’était nous ».
À travers les relations tissées entre le frère, trinqueballé de prisons en camps, se révèle les conditions éprouvantes de la vie carcérale, des espérances fallacieuses de libération ou d’allégement de peine. Dans un tel monde, il est question de survie plutôt que de vie. Et lorsque le condamné est enfin délivré, puisqu’il ne donne plus aucun signe de vie, l’interrogation persiste : est-il cet ingrat qui a manipulé Olga par les sentiments ? est-il victime discrètement éliminée par un régime auquel il s’opposait ?
Va-et-vient du miroir au réel
L’interprétation vise la simplicité, sorte de décalque du langage et de son ton quotidiens. La mise en scène est confrontation permanente entre le réel des présences sur le plateau et les images projetées des interprètes ou du public. Du coup, se mesurent actualité et histoire, présent et passé, espace scénique et lieux hors champ, éléments concrets usuels et symboles (tel le sucre, matière compacte mais soluble à l’image du communisme russe).
La fin synthétise bien la dualité du rapport de l’illusion avec l’espérance, de la croyance avec le désappointement, de l’exaltation créatrice ou idéologique avec les contingences banales de la vie ordinaire. Avant le salut final, en effet, deux des protagonistes quittent les planches, ouvrent la porte des coulisses et fument tranquillement une cigarette dans la cour du théâtre comme si personne n’était installé dans la salle.
Présenté à la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq les 5 et 6 juin 2009 dans le cadre du festival « Midi-Midi Moscou » de Lille 3000. Durée : 1h20
Endroit sec et sans eau
Texte : Olga Pogodina
Mise en scène : Tatiana Frolova
Distribution : Dmitri Botcharov, Elena Bessonova, Vladimir Dmitriev
Lumière, son, vidéo : Vladimir Smirnov
Traduction, surtitrage : Sophie Gindt
Production : Théâtre KnAM (Russie)
L’indépendance individuelle, les relations entre un frère incarcéré et une sœur libre, la foi en une vie meilleure grâce au régime marxiste puis à la démocratie, la croyance en l’unité et l’omnipotence de la Russie… sont des illusions qui ont fini par s’effriter.
Image forte pour commencer cette chronique des leurres qu’entretient une société pour empêcher l’expression individuelle : Olga, le personnage central, respirant avec peine et bruit, la tête enfermée dans un sac poubelle. Ensuite, la représentation prend un rythme avec des alternances de présences de comédiens, de projections d’images, d’interventions sonores enregistrées, d’effets vidéo en direct.

Derrière les apparences pointe la réalité. Et si « il n’y a rien à dire sur les gens heureux », il y a beaucoup à révéler sur les autres. Non seulement parce qu’ils souffrent des carences d’un système mais aussi parce qu’ils sont inconsciemment les artisans de leur mal être au point d’avouer : « Nous sommes tombés sur un ennemi, et lui, c’était nous ».
À travers les relations tissées entre le frère, trinqueballé de prisons en camps, se révèle les conditions éprouvantes de la vie carcérale, des espérances fallacieuses de libération ou d’allégement de peine. Dans un tel monde, il est question de survie plutôt que de vie. Et lorsque le condamné est enfin délivré, puisqu’il ne donne plus aucun signe de vie, l’interrogation persiste : est-il cet ingrat qui a manipulé Olga par les sentiments ? est-il victime discrètement éliminée par un régime auquel il s’opposait ?
Va-et-vient du miroir au réel
L’interprétation vise la simplicité, sorte de décalque du langage et de son ton quotidiens. La mise en scène est confrontation permanente entre le réel des présences sur le plateau et les images projetées des interprètes ou du public. Du coup, se mesurent actualité et histoire, présent et passé, espace scénique et lieux hors champ, éléments concrets usuels et symboles (tel le sucre, matière compacte mais soluble à l’image du communisme russe).
La fin synthétise bien la dualité du rapport de l’illusion avec l’espérance, de la croyance avec le désappointement, de l’exaltation créatrice ou idéologique avec les contingences banales de la vie ordinaire. Avant le salut final, en effet, deux des protagonistes quittent les planches, ouvrent la porte des coulisses et fument tranquillement une cigarette dans la cour du théâtre comme si personne n’était installé dans la salle.
Michel VOITURIER (Lille)
Présenté à la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq les 5 et 6 juin 2009 dans le cadre du festival « Midi-Midi Moscou » de Lille 3000. Durée : 1h20
Endroit sec et sans eau
Texte : Olga Pogodina
Mise en scène : Tatiana Frolova
Distribution : Dmitri Botcharov, Elena Bessonova, Vladimir Dmitriev
Lumière, son, vidéo : Vladimir Smirnov
Traduction, surtitrage : Sophie Gindt
Production : Théâtre KnAM (Russie)