TRIPTYQUE FEMININ
Triptyque au montage précis et efficace, Talking Heads raconte sous la forme de monologues les douleurs attachantes et drôles de trois femmes. Un travail où s'exprime toute la subtilité de jeu de Charlotte Clamens.
Quinze ans après avoir monté Talking Heads au Théâtre Paris Villette, Laurent Pelly retrouve le texte de Alan Bennett. Mais pour ce nouveau triptyque, le metteur en scène et directeur du théâtre national de Toulouse ne conserve qu'un seul des trois monologues d'alors (Une femme sans importance), créant pour la première fois Nuits dans les jardins d'Espagne et Femme avec pédicure.
Dans ces récits Alan Bennett dépeint avec précision et sarcasme des femmes de la classe moyenne anglaise. Chacune est installée dans une vie tout ce qu'il y a de plus normale, ce jusqu'à ce qu'un événement – maladie, sordide fait divers, changement de pédicure – produise un lent et irrépressible dérapage. Et c'est ce mouvement de bascule implacable, tout autant que la solitude à l'œuvre dans chacune de leur vie que ces trois femmes nous racontent avec une simplicité pudique.
Fondé sur une adresse directe impliquant aisément la salle dans la confidence, le procédé de jeu élémentaire se double d'un dispositif scénographique au réalisme illustratif liché et particulièrement construit. Les récits étant initialement écrits pour la télévision, Pelly fait le choix de travailler le montage, et à la manière de caméras se déplaçant, cadrant, resserrant ou élargissant la focale, la mise en scène construit un montage méticuleux. Dans cette narration précisément découpée, l'enchaînement des différents plans rythme les confidences ; et leur ponctuation de passages au noir, plutôt que d'alourdir le propos, révèle l'ombre qui plane sur les récits. Car derrière le prosaïsme de ces vies émergent des béances, gouffres secrets dont l'étude, morcelée, ne nous livre pas l'entièreté. Les non-dits soulignent les menues tragédies quotidiennes, qui de terribles, peuvent, par l'interprétation des comédiennes, devenir puissamment drôles.
C'est le cas pour Femme avec pédicure, où la très convaincante Charlotte Clamens dépasse la position plus étriquée des deux premiers monologues. Et au-delà du désespoir, cette Miss Fozard se raconte avec une subtilité et une énergie transmettant toute l'ironie grinçante du verbe de Bennett.
Caroline CHÂTELET (Paris)
Talking Heads
de Alan Bennett
version française Jean-Marie Besset
mise en scène Laurent Pelly
avec Christine Brücher - Peggy dans Une femme sans importance
Nathalie Krebs - Rosemary dans Nuits dans les jardins d’Espagne
Charlotte Clamens -Miss Fozzard dans Femme avec pédicure
dramaturgie AgatheMélinand
décors Chantal Thomas
lumières Joël Adam
son Aline Loustalot
assistante à la scénographie Natacha Le Guen
costumes Laurent Pelly
durée environ 2h
Production TNT - Théâtre national de ToulouseMidi-Pyrénées
Création au Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées du 11mars au 3 avril 2009
Théâtre du Rond-Point - salle Jean Tardieu
28 avril - 30mai, 21h00
représentations supplémentaires les samedis à 15h30 – dimanche, 15h30
relâche les lundis, les 1er, 3, 8, et 21mai
plein tarif : 28€
tarifs réduits : groupe (8 personnesminimum) 20€ / plus de 60 ans 24€
demandeurs d’emploi 16€ /moins de 30 ans 14€ / carte imagine R 10€
réservations : 01 44 95 98 21, 0 892 701603, www.theatredurondpoint.fr
photo © Brigitte Enguerand