GOMBROWICZ L'ENIGMATIQUE
Quelques mois après le « Gombrowiczshow » débridé de Sophie Pérez et Xavier Boussiron vu au théâtre de Chaillot à Paris, c'est au tour de Didier Galas de s'attaquer au « massif » Gombrowicz. Avec « La Flèche et le Moineau », le metteur en scène propose une création traversée de fulgurances, d'anomalies et, parfois, d'un léger ennui.
« Inspiré de l'œuvre » de Witold Gombrowicz, le titre « La Flèche et le Moineau » fait explicitement référence à deux éléments de « Cosmos », sur lesquelles les protagonistes du roman vont fixer leurs pensées jusqu'à l'obsession. Jusqu'où peut mener une idée fixe? A partir de quand la réflexion bascule-t-elle dans l'absurde? Voici quelques interrogations clés de ce spectacle, pour lequel Didier Galas délivre initialement un « mode d'emploi » sous la forme d'un monologue d'intention aussi volubile que loufoque.
Sur un parquet de bal vitrifié occupé sommairement par deux tables et cinq chaises, les interprètes, tour à tour danseurs, comédiens et performers vont ensuite enchaîner les séquences de cet énigmatique spectacle.
Dans une scénographie minimale et ascétique, les personnages s'essaient, seuls ou de concert, à suivre le fil d'une pensée et ses multiples inclinaisons. Cela, jusqu'à l'absurdité ou l'insolite. Fragments de textes du « Journal » et de « Cosmos » succèdent ainsi à des déplacements de chaises et de tables et à des danses étranges ou des comportements enragés. Les séquences sur la présence douteuse de flèches et de moineau ponctuent l'ensemble du spectacle, tel un leitmotiv. Les dialogues inquiets sur ces deux éléments prosaïques scellent alors avec une tranquille sérénité la capacité de l'esprit humain à l'obsession, tout en donnant l'illusion d'une apparente stabilité à ce qui est pourtant la source des débordements à l'œuvre dans les autres séquences.
Mais si les gestes mesurés et le déplacement des corps tendent à questionner le texte, ils n'y parviennent pas toujours et, devant l'austérité du dispositif et l'atmosphère expectative de l'ensemble, un léger ennui s'installe. Qui pousse imperceptiblement vers un état de contemplation distante, brisée parfois par le jeu des comédiens. Ainsi, l'excellent Laurent Poitrenaux - avec lequel Galas a créé un précédent spectacle sur Gombrowicz - porte avec la même conviction les soubresauts insolites et les dialogues à tendance métaphysique. Son jeu désinvolte et sa présence scénique donnent une énergie particulière au propos, touchant dans son interprétation même aux multiples facettes de Gombrowicz : regard aigu sur ce qui l'entoure et sens de la dérision et de la parodie.
Caroline CHÂTELET (Paris)
La Flèche et le moineau
Conception : Didier Galas
Collaboration artistique et conception visuelle : Jean-François Guillon
Interprétation : Simon Bellouard, Edith Christoph, Fany Mary, Laurent Poitrenaux, Sylvain Prunenec, Didier Galas, Jean-François Guillon
Son : Thierry Balasse
Eclairages : Jérémie Papin
Régie générale : Eric Gaulupeau
Assistanat général : Dominique Léandri
Complicité littéraire : Aline Schulman
Production : Ensemble Lidonnes / Coproduction : Le Bateau Feu-Scène nationale-Dunkerque, Théâtre de l'Agora-Scène nationale d'Evry et de l'Essonne, Maison de la culture de Bourges, La Comédie de Reims, le Manège scène nationale de Reims, Arcadi (Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Île-de-France), Les Spectacles vivants-Centre Pompidou / Avec le soutien de l'Institut polonais / Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
Vu au Centre Pompidou à Paris
Informations : www.centrepompidou.fr et au 01 44 78 12 33
Photo Eric Legrand