SAGE PASSION
Le virtuose Marc Laforêt au piano et Macha Méril, la tempétueuse héroïne de Tchekhov, font revivre les amours tumultueuses de Frédéric Chopin et George Sand dans une pièce-concert désincarnée qui pêche par excès de sagesse. On aurait souhaité un torrent fougueux en lieu et place de ce fleuve un peu trop tranquille.
Chopin le Polonais et Sand la Berrichonne se rencontrent alors qu’ils sont tous deux mariés, chacun de son côté. La suite, on la connaît. Une passion parfaite, dévorante, vécue au su et au vu de toute la société parisienne en cette période où le romantisme est à son apogée de créativité, de revendications politiques, à son acmé révolutionnaire. La baronne de Nohant nous raconte ces amours avec ce génie qui composa durant cette liaison ses plus belles pièces, dont les fameux préludes.
Las, la tourmente romantique a déserté la scène. Là où elle habitait (presque trop) chaque plan de La Note bleue, le film du démoniaque Zulawski, avec Marie-France Pisier dans le rôle de la romancière, elle n’est ici jamais présente. L’idée d’alterner sur la scène des extraits de l’œuvre de Chopin et des textes essentiellement extraits de l’autobiographie et de la correspondante de Sand n’est pourtant pas mauvaise. Mais elle induit inévitablement une séparation de ces deux mondes qui ont pourtant tellement fusionné. Cette séparation est d’ailleurs accentuée par un rideau de maille trop souvent actionné et qui coupe la scène en deux, laissant un protagoniste de part et d’autre.
Un immense pianiste
Chacun joue donc sa partition seul (ou trop rarement accompagné des mots ou notes de l’autre). Cette cadence quasi métronomique nous éloigne inévitablement du tourbillon que furent les amours les plus célèbres du XIXè siècle.
Certes Marc Laforet est un immense pianiste et ses interventions sont saluées très chaleureusement et à très juste titre par le public. Certes Macha Méril a tout pour être une George Sand magnifique car, malgré quelques trébuchements sur le texte qui peuvent agacer, sa voix chaude et racée séduit. Mais on ne la sent pas du tout en empathie avec son personnage qu’elle joue avec une distance et un effacement qui ternissent pour beaucoup l’image de ce spectacle. Le parti pris de la mise en scène, tout honorable soit-il, y est pour beaucoup. Restent les mots de Sand et les notes de Chopin. C’est beaucoup, mais pas suffisant pour vraiment vibrer aux sons de ces personnages hors normes et c’est surtout terriblement platonique. Un comble pour une histoire d’amour qui se situe dans l’œil du cyclone romantique.
Feu sacré
Pièce-concert sur des textes de George Sand réunis par Bruno Villien
Musiques de Frédéric Chopin
Décor : agrandissement d’une œuvre de Paul Jenkins « Phenomena Strike the Tiger »
Avec Macha Méril et Marc Laforet au piano
30 représentations exceptionnelles à partir du 2 février le dimanche à 18h30 et le lundi à 20 heures (sauf les 22 février, 29 mars, 6 et 20 avril, 11 et 17 mai, 1er et 14 juin)
Théâtre de la Porte Saint-Martin, 16 boulevard Saint-Martin, 75010 Paris (Métro : Strasbourg Saint-Denis)
Réservations : 01 42 08 00 32
Durée 1h30