14 février 2009
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AU PAYS DES AVEUGLES
Le poids des secrets des familles pèse lourdement sur le destin d’un couple et de sa fille. Un idéaliste naïf, roublard ou malade mental se charge d’une croisade impitoyable en faveur de la vérité. Le drame est inévitable d’autant que ce sont les nantis qui manipulent les démunis.
Bien que fort traditionnelle, la réalisation d’Yves Beaunesne avive l’intérêt par un travail remarquable sur la gestuelle et la démarche des personnages, typés chacun au moyen d’un rythme et d’une dégaine corporels particuliers. L’utilisation du décor permet de percevoir l’opposition existant entre le réel quotidien (salon, fumoir, studio photographique-salle à manger) où l’on vit et l’aire des fantasmes (écran peuplé d’ombres fantomatiques, serre clapier-poulailler-volière), ce que les éclairages modulent comme en fondus enchaînés.

À travers une intrigue qui friserait facilement le pur mélo – la pièce date de 1884 -, Ibsen grave le portrait d’êtres aveuglés. Au sens propre d’abord puisque la cécité guette deux protagonistes. Au sens figuré ensuite car il s’agit bien d’humains s’efforçant de vivre en (se) dissimulant leurs réalités. Celle des filiations et de la génétique. Celle des amours passées en conflit potentiel avec les couples au présent. Celle des relations sociales d’une bourgeoisie opulente autant que méprisante et cupide face à une classe moyenne aux prises avec des difficultés économiques. Celle surtout de l’image de soi que chacun se construit en deçà de toute lucidité.
L’idéal faux semblant
Que l’un de ces inconscients décide soudain de dévoiler tous les mensonges, lâchetés, faux-fuyants, subterfuges, illusions… et les apparences s’effritent, se lézardent, se désagrègent dramatiquement. Les manigances d’autrefois laissent place à une manipulation nourrie de l’utopie que toute vérité assumée mène inéluctablement à accroître la grandeur d’âme des êtres.
Ibsen nous mène dans les méandres des conduites. Il étale une vision lucidement pessimiste, éclairée seulement par l’innocence d’une adolescente : pour vivre une existence ordinaire, mieux vaut faire semblant de ne rien voir de ce qui dysfonctionne et de se contenter de rêver un mieux-être sans accomplir d’efforts pour y parvenir.
La Cie de la Chose incertaine livre un travail impeccable. Chaque interprète impose son personnage avec éloquence. À souligner d’une mention pour Rodolphe Congé (Gregers) qui campe un chimérique névrosé, porteur de catastrophes ; pour Géraldine Martineau (Hedvig) dont la gamine pétulante apporte quelque fraîcheur au sein d’un univers glauque ; pour François Loriquet (Hajlmar) photographe indolent, velléitaire endémique aux sautes d’humeurs cycliques.
Au Théâtre du Nord, place De Gaulle du 11 au 21 février 2009 (www.theatredunord.fr)
Texte : Hendrik Ibsen (Actes Sud, Papiers)
Texte français et adaptation : Marion Bernède, Yves Beaunesne
Costumes : Patrice Cauchetier
Lumières : Eric Soyer
Son : Christophe Séchet
Maquillages : Catherine Saint-Sever
Production : Compagnie de la Chose Incertaine
Coproduction : La Coursive, La Rochelle ; Les Gémeaux, Sceaux ; Grand Théâtre de Luxembourg ; L’apostrophe de Cergy-Pontoise ; MC Bourges ; Le Parvis, Tarbes ; Théâtre du Beauvaisis ; CDR, Tours ; Scène Watteau, Nogent-sur-Marne
En tournée : les 27 et 28 février 2009 à Bonlieu (Annecy), du 19 mars au 5 avril aux Gémeaux (Sceaux), les 8 et 9 avril au Théâtre (St-Quentin-en-Yvelines), les 21 et 22 avril au Théâtre (Nîmes), le 28 au Parvis (Tarbes-Ibos), les 14 et 15 mai au Volcan (Le Havre)
Photo © Guy Delahaye
Le poids des secrets des familles pèse lourdement sur le destin d’un couple et de sa fille. Un idéaliste naïf, roublard ou malade mental se charge d’une croisade impitoyable en faveur de la vérité. Le drame est inévitable d’autant que ce sont les nantis qui manipulent les démunis.
Bien que fort traditionnelle, la réalisation d’Yves Beaunesne avive l’intérêt par un travail remarquable sur la gestuelle et la démarche des personnages, typés chacun au moyen d’un rythme et d’une dégaine corporels particuliers. L’utilisation du décor permet de percevoir l’opposition existant entre le réel quotidien (salon, fumoir, studio photographique-salle à manger) où l’on vit et l’aire des fantasmes (écran peuplé d’ombres fantomatiques, serre clapier-poulailler-volière), ce que les éclairages modulent comme en fondus enchaînés.

À travers une intrigue qui friserait facilement le pur mélo – la pièce date de 1884 -, Ibsen grave le portrait d’êtres aveuglés. Au sens propre d’abord puisque la cécité guette deux protagonistes. Au sens figuré ensuite car il s’agit bien d’humains s’efforçant de vivre en (se) dissimulant leurs réalités. Celle des filiations et de la génétique. Celle des amours passées en conflit potentiel avec les couples au présent. Celle des relations sociales d’une bourgeoisie opulente autant que méprisante et cupide face à une classe moyenne aux prises avec des difficultés économiques. Celle surtout de l’image de soi que chacun se construit en deçà de toute lucidité.
L’idéal faux semblant
Que l’un de ces inconscients décide soudain de dévoiler tous les mensonges, lâchetés, faux-fuyants, subterfuges, illusions… et les apparences s’effritent, se lézardent, se désagrègent dramatiquement. Les manigances d’autrefois laissent place à une manipulation nourrie de l’utopie que toute vérité assumée mène inéluctablement à accroître la grandeur d’âme des êtres.
Ibsen nous mène dans les méandres des conduites. Il étale une vision lucidement pessimiste, éclairée seulement par l’innocence d’une adolescente : pour vivre une existence ordinaire, mieux vaut faire semblant de ne rien voir de ce qui dysfonctionne et de se contenter de rêver un mieux-être sans accomplir d’efforts pour y parvenir.
La Cie de la Chose incertaine livre un travail impeccable. Chaque interprète impose son personnage avec éloquence. À souligner d’une mention pour Rodolphe Congé (Gregers) qui campe un chimérique névrosé, porteur de catastrophes ; pour Géraldine Martineau (Hedvig) dont la gamine pétulante apporte quelque fraîcheur au sein d’un univers glauque ; pour François Loriquet (Hajlmar) photographe indolent, velléitaire endémique aux sautes d’humeurs cycliques.
Michel VOITURIER (Lille)
Au Théâtre du Nord, place De Gaulle du 11 au 21 février 2009 (www.theatredunord.fr)
Texte : Hendrik Ibsen (Actes Sud, Papiers)
Texte français et adaptation : Marion Bernède, Yves Beaunesne
Mise en scène : Yves Beaunesne, assisté de Miquel Oliu Barton, Pauline Thimonnier
Distribution : Rodophe Congé (Gregers Werle), Brice Cousin (Molvik), Philippe Faure (Docteur Relling), Jean-Claude Frissung (Le négociant Werle), Judith Henry (Gina Ekdal), Isabelle Hurtin (Berthe Soerby), François Loriquet (Hjalmar Ekdal), Géraldine Martineau (Hedvig Ekdal),Fred Ulysse (Le vieil Ekdal)
Scénographie : Damien Caille-Perret Distribution : Rodophe Congé (Gregers Werle), Brice Cousin (Molvik), Philippe Faure (Docteur Relling), Jean-Claude Frissung (Le négociant Werle), Judith Henry (Gina Ekdal), Isabelle Hurtin (Berthe Soerby), François Loriquet (Hjalmar Ekdal), Géraldine Martineau (Hedvig Ekdal),Fred Ulysse (Le vieil Ekdal)
Costumes : Patrice Cauchetier
Lumières : Eric Soyer
Son : Christophe Séchet
Maquillages : Catherine Saint-Sever
Production : Compagnie de la Chose Incertaine
Coproduction : La Coursive, La Rochelle ; Les Gémeaux, Sceaux ; Grand Théâtre de Luxembourg ; L’apostrophe de Cergy-Pontoise ; MC Bourges ; Le Parvis, Tarbes ; Théâtre du Beauvaisis ; CDR, Tours ; Scène Watteau, Nogent-sur-Marne
En tournée : les 27 et 28 février 2009 à Bonlieu (Annecy), du 19 mars au 5 avril aux Gémeaux (Sceaux), les 8 et 9 avril au Théâtre (St-Quentin-en-Yvelines), les 21 et 22 avril au Théâtre (Nîmes), le 28 au Parvis (Tarbes-Ibos), les 14 et 15 mai au Volcan (Le Havre)
Photo © Guy Delahaye