Shakespeare est le spécialiste des prises de pouvoir sanglantes. Notre époque aussi. Ivo Van Hove a voulu le démontrer en transposant « Coriolan », « Jules César » ainsi que « Antoine et Cléopâtre » dans un univers multimédia.
Résultat : un télescopage incessant entre l’histoire antique et l’actualité immédiate, entre les discours publics et les courriels privés consultables sur place, entre les événements légendaires et les scoops journalistiques. Une similitude évidente se lit entre les complots de jadis et les magouilles au présent, les dissensions d’autrefois et les ruptures de maintenant.
Dans un décor d’immeuble voué aux medias d’information, acteurs et public se mélangent, comédiens et spectateurs vont se ravitailler au bar ou surfent sur internet en direct, images et présences réelles cohabitent, paroles proférées et infos écrites défilant sur journal lumineux s’entrecroisent, phrases d’auteur mémorisées et avis informatifs liés à la représentation en cours fusent.
C’est vivant, plaisant. Cela reste dans le domaine du coutumier : débats et interviews télévisés, retransmissions de réunions, communiqués, atmosphères de talk show. De même que dans la vie, chacun a l’impression d’assister en direct à la marche du monde, d’être au courant de ce qui se trame dans les coulisses des pouvoirs. Bien que sachant, au fond de soi, que seuls sont montrés les images sélectionnées, les propos filtrés, les actes triés en fonction de leur potentialité émotionnelle. Ce qui, par conséquent, revient à être conscient d’une quasi impuissance à utiliser vraiment le pouvoir démocratique dévolu à chaque citoyen.
Les comédiens, en costumes familiers, se démènent. Les témoins que nous sommes s’amusent, changent de places, vont et viennent, plus ou moins conscients de ne rien perdre de fondamental : dans l’afflux d’informations orales et visuelles qui le bombardent (y compris l’annonce périodique du moment précis quand tel ou tel assassinat va se produire), il sait qu’il ne va rien rater. Mais fallait-il six heures de représentation pour asseoir une démonstration évidente dès son début ?
Michel VOITURIER
Au Gymnase Gérard Philippe, à 16h les 12, 13 et 14 juillet.
Texte : d’après Shakespeare
Mise en scène : Ivo van Hove
Distribution : Barry Atsma, Jacob Derwig, Renée Fokker, Fred Goessens, Jannis Goslinga, Marieke Heebink, Fedja van Huêt, Hans Kesting, Hugo Koolschijn, Hadewych Minis, Chris Nietveld, Frieda Pittoors, Alwin Pulinckx, Eelco Smits, Karina Smuders
Musique : Eric Sleichim
Musiciens : Ward Dekettelaere, Yves Goemaere, Hannes Nieuwlaet, Christiaan Saris, Mattijs Vanderleen
Dramaturgie : Bart Van den Eynde, Jan Peter Gerrits, Alexander Schreuder
Costumes : Lies van Assche
Scénographie et lumières : Jan Versweyveld
Vidéos : Tal Yarden
Production : Tonnelgroep Amsterdam
Photo © Jan Versweyveld