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Festival d'Avignon

29 juin 2008 7 29 /06 /juin /2008 23:25
ITINERAIRE D’UN ENFANT TERRIBLE (CHANTIER)

Drôle d’objet théâtral entre récit autobiographique et poésie surréaliste, Mission Balbuzard lorgne du côté de Bukowski et révèle un potentiel indéniable mais pas encore tout à fait maîtrisé ; la création et le bonhomme n'en restent pas moins à suivre.

Lionel Ienco est plus connu pour ses contributions comme comédien avec les compagnies Bougrelas (FFTS – Fédération Française de Théâtre Sportif) ou Opéra Pagaï (80% de Réussite, Safari Intime). Avec Mission Balbuzard, il laisse libre cours à un cheminement plus personnel. Ecrivain de l’ombre lorsqu’il n’est pas en tournée, il nourrit depuis longtemps le désir de porter ses textes sur scène. Il dévoile, à l’occasion de l’édition 2008 du festival Chahuts, un spectacle en chantier en forme de one man show « destroy » où il se livre corps et âme, à travers des épisodes choisis de sa biographie. Si le propos est assez riche et émouvant pour toucher le quidam, l’ensemble apparaît souvent comme un patchwork qui manque encore de liant.

L’homme nous accueille gominé en train de passer l’aspirateur dans son espace de jeu – son chez-lui.

On entre ainsi de plein pied dans l’univers intime de Lionel Ienco, dans son « cerveau », car ainsi qu’il le révèle lui-même, il compare sa démarche à celle mise en œuvre par Spike Jonze dans le film Dans la peau de John Malkovich. La pièce commence sur un mode d’adresse directe aux spectateurs, histoire d’expliquer le titre intrigant du spectacle.  Balbuzard  pour le rapace pyréen en voie de disparition – « comme l’espèce humaine » – mission  pour « l’objectif qu’on s’est donné pour devenir ce que l’on a envie d’être ». Le côté hors-jeu de ce prologue nous implique comme les témoins-voyeurs privilégiés de ce qu’il va nous être donné à voir sur le plateau. Mais là aussi se niche une première faiblesse de l’architecture dramaturgique. Si le côté mission est exploité à travers ce qui va suivre, le côté balbuzard restera cantonné à ce préambule.

Une démarche à la Bukowski, prise au piège du soliloque

La première moitié du spectacle raconte une histoire indémodable, très romanesque : la jeunesse, le départ pour la guerre, et le retour au village des origines. Lionel Ienco est un voyou qui nous narre ses virées en voiture tape-à-l’œil, son dépucelage, ses soirées enivrées. Tout cela avant de devenir un homme, un vrai, avec l’armée, et la guerre en ex-Yougoslavie. On s’y croit. Après le conflit armé vient le conflit intérieur, traduit par un combat de boxe enlevé où le comédien s’affronte lui-même avec des gants – « à ma gauche moi-même, à ma droite moi-même ». Et se conclut par un status quo : « c’est plus simple de gagner contre soi-même, plus simple de perdre aussi, le vrai problème c’est l’arbitrage ». Intervient la figure du père, parti trop tôt, avant de s’être réconcilié avec son fils. Jusque-là, c’est un crescendo qui nous tient en haleine, servi par des textes mêlant réalisme et une poésie à la Michaud.

C’est à partir de cet épisode paternel que le propos se délie, et que l’on lâche un peu l’affaire devant un spectacle qui semble partir en roue libre. Pour cause, Mission Balbuzard est composé de textes écrits au cours des années, et l’assemblage est parfois précaire. Ici, un portrait de l’idiot du village massacré par des petites frappes comme dans un remake d’Orange Mécanique. Là, un épisode complètement surréaliste tout droit sorti d’Alice au Pays des Merveilles où le lapin a été substitué à un écureuil alcoolique…. Et puis il y a aussi la nymphe, femme parfaite inaccessible, qui débarque telle une chimère, comme dans cette scène de hold-up qui conclut une variation sur la société bling bling. Boulimie de l’homme au trois casquettes (auteur, metteur en scène et comédien) qui veut en dire trop pour sa première expérience solo ? On frôle le trop plein, et les enchaînements sont très aléatoires. Une image reste cependant : celle de l’écrivain maudit au génie créatif, référence bukowskienne passionnante mais trop vite mise à l’écart.

Mission Balbuzard, pour sa première sortie publique, séduit par la performance : Lionel Lenco a le magnétisme essentiel à l’exercice et de la « gouaille » à revendre – croisement improbable de phrasé à la manière d’Audiard pour déclamer un vague à l’âme lumineux dans sa noirceur à la Cioran. Mais le choix d’une narration labyrinthique et une maîtrise encore fébrile du passage du texte à la scène fragilisent encore, ce qui, n’en doutons, pourra se révéler, avec le temps et les représentations, un joyau iconoclaste.

Xavier QUERON (Bordeaux)

Mission Balbuzard, chantier du 14 juin 2008 à l’Imprimerie, festival Chahuts.
Prochaine date prévue au Nombril du Monde, Pougne-Hérisson (79), à confirmer.

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