20 avril 2008
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MORT ET AUTRES TRACAS
Auteur contemporain prolifique, Lilian Lloyd est allée puiser son inspiration d’après une histoire vraie pour écrire sa nouvelle pièce, « Un cadavre exquis ». Cette création soignée propose un souffle de vie palpitant.
Un petit néon sur scène, tout à gauche. Un homme, au regard animé, le fixe intensément, laissant s’élever une voix sonore. Le thème de ses paroles, c’est la mort, ou plutôt, sa mort, toujours proche mais jamais effective. Le début de la pièce intrigue, par son atmosphère particulière, illustrée par les jolis morceaux de la pianiste Maud Cilia. Puis, les lumières s’exaltent, découvrant six autres personnages. Armando, un metteur en scène agité par une mégalomanie artistique proche d’une isolation névrotique, et ceux qui gravitent autour de lui.
L’identité de ces autres personnages est dévoilée au cours d’une présentation originale où chacun, sous forme de flash-back autobiographiques, retrace sa rencontre avec le metteur en scène. Son ex-femme, alcoolique et dépressive, ne supporte pas la rupture ; sa nouvelle femme se sent seule et amère ; son frère est hypocondriaque et hypersensible ; une de ses comédiennes, nymphomane et hippie ; et son producteur, vénal et impitoyable.
Lorsqu’Armando les réunit pour leur annoncer sa nouvelle idée de pièce, le groupe aussitôt se soulève contre l’absurdité du projet : créer une pièce sur la mort, autour d’un cadavre gisant en milieu de scène, leur semble révoltant. Pourtant, face au remous médiatique que cette pièce polémique fait naître, ils vont progressivement y adhérer. Lilian Lloyd, à travers cette idée morbide originale, dénonce, avec une subtile férocité, un des vices de notre époque : celui de l’exhibitionnisme voyeuriste où, pour attirer l’attention, il faut miser sur le pathos et le sensationnel.
Ce panel de personnages, au caractère bien trempé, est intelligemment interprété. Convaincants et présents, les comédiens utilisent efficacement l’espace scénique, évoluant dans un décor minimaliste, contenant en son centre un cercueil imposant, disposé à la verticale. Mention spéciale à Didier Blau, qui incarne avec brio Andrew Lloyd (double de l’auteur ?), l’homme qui a donné sa parole à Armando pour mourir sur scène. Il livre un jeu habité et dimensionné, qui l’élève au rang de personnage divin, intouchable et paisible.
Un style « bien à lui »
Outre la qualité et la justesse de l’interprétation, c’est le texte qui rend cette pièce captivante. Avec une maîtrise des mots et de leurs sens, une fluidité langagière, une aisance lyrique et une conscience affinée du rythme, Lilian Lloyd fait preuve d’un talent avéré de dramaturge.
Création sur la vie qui passe et la mort qui trépasse, « Un cadavre exquis » réhabilite la mort en lui donnant ses lettres de noblesses. Cet homme, qui doit décéder le jour de la représentation, s’y refuse finalement : Eros l’arrache de la chute finale. Son cœur fatigué se remet à battre, à palpiter dans une arythmie cardiaque vivifiante et salvatrice. Le texte, quoi qu’il traite d’un sujet grave, use d’une tonalité qui contourne le pathétique pour tendre vers un poétique tour à tour cynique, réaliste et drôle. Cette diversité dans le style donne une épaisseur singulière à une pièce écrite avec une acuité certaine.
Très beau texte donc qu’offre cette pièce originale de Lilian Lloyd, sensiblement interprétée. A découvrir pour régaler l’esprit.
Interprétation : Odile Bensaïd, Didier Blau, Antonio Caggegi, Dominique Fabre, Gilles Kanter, Laurence Roques, Richard Taieb
Musiques : Maud Cilia
Lumières : Patrick Boggero
Décors : Marc Serieis
A la Comédie de la Passerelle (Paris), du 1er au 26 avril, le mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30
Réservation : 06 03 62 61 89
Auteur contemporain prolifique, Lilian Lloyd est allée puiser son inspiration d’après une histoire vraie pour écrire sa nouvelle pièce, « Un cadavre exquis ». Cette création soignée propose un souffle de vie palpitant.
Un petit néon sur scène, tout à gauche. Un homme, au regard animé, le fixe intensément, laissant s’élever une voix sonore. Le thème de ses paroles, c’est la mort, ou plutôt, sa mort, toujours proche mais jamais effective. Le début de la pièce intrigue, par son atmosphère particulière, illustrée par les jolis morceaux de la pianiste Maud Cilia. Puis, les lumières s’exaltent, découvrant six autres personnages. Armando, un metteur en scène agité par une mégalomanie artistique proche d’une isolation névrotique, et ceux qui gravitent autour de lui.

L’identité de ces autres personnages est dévoilée au cours d’une présentation originale où chacun, sous forme de flash-back autobiographiques, retrace sa rencontre avec le metteur en scène. Son ex-femme, alcoolique et dépressive, ne supporte pas la rupture ; sa nouvelle femme se sent seule et amère ; son frère est hypocondriaque et hypersensible ; une de ses comédiennes, nymphomane et hippie ; et son producteur, vénal et impitoyable.
Lorsqu’Armando les réunit pour leur annoncer sa nouvelle idée de pièce, le groupe aussitôt se soulève contre l’absurdité du projet : créer une pièce sur la mort, autour d’un cadavre gisant en milieu de scène, leur semble révoltant. Pourtant, face au remous médiatique que cette pièce polémique fait naître, ils vont progressivement y adhérer. Lilian Lloyd, à travers cette idée morbide originale, dénonce, avec une subtile férocité, un des vices de notre époque : celui de l’exhibitionnisme voyeuriste où, pour attirer l’attention, il faut miser sur le pathos et le sensationnel.
Ce panel de personnages, au caractère bien trempé, est intelligemment interprété. Convaincants et présents, les comédiens utilisent efficacement l’espace scénique, évoluant dans un décor minimaliste, contenant en son centre un cercueil imposant, disposé à la verticale. Mention spéciale à Didier Blau, qui incarne avec brio Andrew Lloyd (double de l’auteur ?), l’homme qui a donné sa parole à Armando pour mourir sur scène. Il livre un jeu habité et dimensionné, qui l’élève au rang de personnage divin, intouchable et paisible.
Un style « bien à lui »
Outre la qualité et la justesse de l’interprétation, c’est le texte qui rend cette pièce captivante. Avec une maîtrise des mots et de leurs sens, une fluidité langagière, une aisance lyrique et une conscience affinée du rythme, Lilian Lloyd fait preuve d’un talent avéré de dramaturge.
Création sur la vie qui passe et la mort qui trépasse, « Un cadavre exquis » réhabilite la mort en lui donnant ses lettres de noblesses. Cet homme, qui doit décéder le jour de la représentation, s’y refuse finalement : Eros l’arrache de la chute finale. Son cœur fatigué se remet à battre, à palpiter dans une arythmie cardiaque vivifiante et salvatrice. Le texte, quoi qu’il traite d’un sujet grave, use d’une tonalité qui contourne le pathétique pour tendre vers un poétique tour à tour cynique, réaliste et drôle. Cette diversité dans le style donne une épaisseur singulière à une pièce écrite avec une acuité certaine.
Très beau texte donc qu’offre cette pièce originale de Lilian Lloyd, sensiblement interprétée. A découvrir pour régaler l’esprit.
Cécile STROUK (Paris)
Auteur et metteur en scène : Lilian LloydInterprétation : Odile Bensaïd, Didier Blau, Antonio Caggegi, Dominique Fabre, Gilles Kanter, Laurence Roques, Richard Taieb
Musiques : Maud Cilia
Lumières : Patrick Boggero
Décors : Marc Serieis
A la Comédie de la Passerelle (Paris), du 1er au 26 avril, le mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30
Réservation : 06 03 62 61 89