ILS VIVAIENT UNE EPOQUE FORMIDABLE…
Ni reconstitution historique, ni portrait détaillé ou psychologique, l’approche que propose Thierry Debroux de Robespierre est plutôt une tranche de vie dans la grande histoire, un volet de cette Révolution Française qui fascine toujours…au-delà du pays qui l'a vu éclater.
Paris, juillet 1794, en pleine période de la Terreur. Personnage central : le très contrasté Robespierre. Acteur, metteur en scène, surtout auteur, et l'un des plus prolixes de sa génération (1), Thierry Debroux se dit attiré par les personnages hors du commun, mais surtout contrastés. Avec Robespierre, il est servi. Comment en effet cet adepte de Rousseau, cet homme qui participa à l'élaboration de la Déclaration des Droits de l'Homme et s’opposa à la peine de mort, a-t-il pu participer à cet épisode sanglant ? Il nous faudra attendre la deuxième partie de la pièce pour l'entendre lui-même s'expliquer, se raconter, sans que soient écartées toutes les zones d'ombre de celui qui fut surnommé "L'Homme intègre" ou "l'Incorruptible"… Et Debroux de se poser la question : Entre les mots "intègre" et "intégrisme", il y a peu de chemin à parcourir ; la fin justifie t-elle les moyens ?". Et, en fin de compte, l'utopie de vouloir changer le monde ne reste t-elle pas, encore aujourd'hui, "rien qu'un rêve, un beau rêve…"?

Pour décor unique, une sorte de grande plaie déchire le plateau de haut en bas avec de part et d'autre des praticables surélevés. L'idée est bonne, l'allusion claire. Pour symboliser "l'après 1789", le scénographe et décorateur Vincent Lemaire a voulu qu'un fossé sépare en permanence époques et classes sociales. On verra même apparaître partiellement, en toile de fond, une immense reproduction du "Marat assassiné" de David. C'est évidemment très fort mais pas toujours adéquat pour chaque séquence, de même que d'autres effets choc plus discutables ou d'un goût douteux.
Si le casting de cette importante distribution est parfois étonnant, certains acteurs collent davantage que d'autres à leur personnage comme l'excellent Philippe Résimont (trop rare sur nos scènes) dans le rôle obligé du « mauvais" Desfieux. Il en est de même pour le couple Duplay, Rosalia Cuevas et Jean-Paul Dermont, Muriel Jacobs pour Claire Lacombe. D'autres personnages célèbres ne font que de (trop) brèves apparitions… Quant à Paul Camus dans le rôle-titre, on peut supposer que, sous son regard fixe, il applique à la lettre l'indication "héros contrasté", pour ses abrupts changements de ton.
Alors qu'avec "Le Roi Lune" on était accroché par le portrait nuancé du personnage historique qu'en faisaient l'auteur et l'interprète, ici, on reste quelque peu sur sa faim à ce point de vue là même si on suit avec intérêt un spectacle, en création mondiale, qui apporte un parfum épique moderne, dans une programmation générale belge qui en est peu coutumière.
Suzane VANINA (Bruxellles)
1) Il s'est en effet fait remarquer par cette dernière facette en collectionnant les distinctions; sa dernière pièce "Le Roi Lune", qui tourne encore, ayant été remarquée à Avignon en 2006 et "Eros Medina" étant reprise cette saison au Théâtre "Le Public"
Texte : Thierry Debroux/Ed. Lansman, 2008
Mise en en scène : Thierry Debroux assisté de Muriel Lejuste
Maître d'armes : Jacques Capelle
Scénographie, décor : Vincent Lemaire – toile de fond : Alexandre Obolensky
Costumes : Catherine Somers – Maquillages : Jean-Pierre Finotto
Lumière : Serge Daems
Chansons originales et arrangements : Pascal Charpentier
Interprétation : Rosalia Cuevas, Jean-Paul Dermont, Philippe Résimont, Deborah Rouach, Michel Istraël, Yves Claessens, François Delcambre, Perrine Delers, Pierre Poucet, Gerald Wauthia, Anouchka Vingtier, Muriel Jacobs, Paul Camus, Bram Brasseur, Pierange Buondelmonte, Babetida Sadjo, Sarah Van Calck
Du 21.2 au 22.3.2008 au Théâtre du Parc – Tél : 32(0)2.505.30.30 – www.theatreduparc.be
Crédits photos : Serge Daems